LA VÉNÉRABLE
Marie-Crescence de Kautbeure. 5
:0:
CN DR rm v: heu me ve +.
LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE HÔSS.
HÔSS.
VIE
DE LA VENERABLE
MARIE--CRESCENCE
Heligieuse du Tiers-Ordre
DE
SAINT-FRANÇOIS
AU
Couvent * de * Âaufbeuren
PAR
J. CaMmiLce Pouzior
TT
FRASERVILLE.
LIBRAIRIE SAINT-JOSEPH
T E. FRENETTE, EDITEUR
1895 |
Î
ENREGISTRÉ conformément à l'acte du Parlement du
Canada, en l’année mil huit cent quatre-vingt-quinze, .
par J. Caire Pourior, an bureau du Ministre d'A.
griculture. de
DÉDICACE
D 1 .
Sa Grandeur, |
Monseigneur Bégin,
.« Archevèque de Cyrène ;
Monseigneur, |
C’est la confiance et l’admiration qui
m'ont inspiré la publication dece livre. La
gratitude et le respect me font un devoir de
vous le dédier.
FREE
Je n'ai pu oublier, Monseigneur, lo ten-
dre sollicitude et les. paternels conseils que
vous m'avez prodigqués, pendant mes années;
de séminaire.
Daïignez donc agréer, comme l'hommage
d’une reconnaissance et d’une affection que le
temps n’a pu que cimenter, les prémices de ce
travail qui vous est humblement dédié.
\ rl
+ 1148
lement du |
ngt-quinze,
inistre d'A
L'auteur.
-#,
\
— LETTRES —
Québec, le 20 Mai 1895.
Monsieur J. Camille PouiorT, Avocat,
Fraserville.
Bien cher Monsieur,
Je vous félicite bien cordialement de
l’heureuse idée que vous avez eue de publier
la vie si édifiante, si merveillense de la
Vénérable Marie-Crescence Hôss, religieuse
du Tiers-Ordre régulier de Saint-François
d’ Assise. Vous avez fait là une œuvre ex-
eellente, qui rappelle les travaux justement
appréciés des plus éminents catholiques de
France.
La reconnsissance et l'admiration que
vous avez vouées à cette grande chrétienne
du siècle dernier, à cette âme privilégiée, à
cette courageuse enfant de la Bavière, au-
ront servi à glorifier l'Eglise de Jésus-Christ,
la mère nourricière des saints, et à donner à
nos compatriotes le spectacle de la vertu
héroïque, toujours fidèle à la grâce divine,
constamment calme et sereine au milieu des
épreuves et des tempêtes de la vie.
Mai 1895.
rocat,
raserville.
ialement de
e de publier
lense de la
, religieuse
nt-François
œuvre ex-
justement
holiques de
iration que
chrétienne
rivilégiée, à
avière, au-
ésus-Christ,
à donner à
e la vertu
âce divine,
milieu des
le.
Le modèle des vertus chrétiennes et
eligieuses que nous offre la Vénérable Marie-
rescence ne peut que donner un nouvel
flan au zèle de nos excellentes communautés,
animer la ferveur de nos Tertiaires de Saint-
rançois d’Assise, réchauffer la piété de
otre population et mettre au cœur de tous
a confiance en son intercession auprès de
Une gloire imrmnortelle s’est attachée à
ertains grands noms de l'antiquité, de mèê-
e qu’à certains personnages distingués de
‘Âge moderne. Cependant, ces illustrations
le la guerre et de la politique, ces patriotes
l'âme fière et chevaleresque n’offrent rien
le comparable aux existences radieuses et
uasi surhumaines que le Christianisme a
revôêtues d’une éternelle grandeur, d’une
mpérissable majesté .
| Je fais des vœux pour que votre ouvra-
be se répande dans nos communautés reli-
bieuses, dans nos familles canadiennes et y
porte l’édification et l’amour de la vertu.
uisse-t-il faire chérir et admirer la religion
par les exemples multiples de la force divine
qu’elle communique aux âmes, de la charité
ardente dont elle les embrase et des sacri-
fices héroïques qu’elle leur inspire.
Nous sommes inondés depuis quelque
” temps de livres dangereux ou frivoles ; le
vôtre d’un caractère tout différent ne peut
que faire naître dans les cœurs les senti-
ments les plus purs, avec la noble ambition
et le désir sincère de devenir des chrétiens
modèles.
Veuillez agréer, bien cher monsieur,
avec mes vœux et mes sincères félicitations, |
expression de mes sentiments les plus
dévoués.
L. N. ARCHEVÊQUE DE CyrèNE,
Administrateur.
et des sacri-
spire.
Rimouski, le 5 Juin 1896.
lepuis quelque
ju frivoles ; le
rent ne peut
2urs Îles senti-
oble ambition
des chrétiens
A Monsieur J. Camille Pouzror, Avocat,
à Fraserville.
Mon cher Monsieur,
Y'est dans le sanctuaire même où repo-
sent, dans la paix du Seigneur et à l’ombre
her monsieur,
8 félicitations,
de nos autels, les restes sacrés de la Vénéra-
ble Marie-Crescence Hôss, après avoir prié
ents les plus auprès de son tombeau miraculeux et res-
senti le bienfaisant effet de son intercession,
lyue vous avez été inspiré de publier une tra-
: CYRÈNE,
ninistrateur.
iduction française de sa vie admirable. Vo-
tre travail ne pouvait avoir une meilleure
source, et eu l’entreprenant, vous avez fait
tout ensemble un livre excellent et une
œuvre d’apostolat.
Vos pages révèleront à nos populations
croyantes, les combats extraordinaires et les
longues et si rudes épreuves d’une grande
âme qui a laissé le monde pour aborder au
rivage de la vie religieuse, et qui, une fois
abritée dans ce port, s’est élevée avec la
pos
puissance de l'aigle et la grâce de la colom-
|
|
1
|
|
|
1
|
|
|
|
}
be, jusqu'aux sommets les plus lumiueux
de toutes les vertus chrétiennes et religieu-
ses. En propageant ainsi la connaissance
et l'amour du culte de la Vénérable Tertiai-
re régulière de Saint François d'Assise, elles
serviront en même temps à fortifier notre
attachement à l’Eglise, dont l’inépuisable
vitalité et la jeunesse sans cesse renaissante
produisent, à chaque siècle, pareils exem-
ples de vertus, de semblables modèles de
sainteté. Sans doute aussi elles susciteront,des
rangs divers de notre société, de plus abon-
dantes recrues à l’incomparable milice du
Tiers-Ordre Franciscain, et en nous rappe-
lant à tous nos sublimes destinées, elles con-
tribueroni à nous rendre meilleurs dans le
temps et pour l’éternité.
Recevez donc, mon cher Monsieur, vec
mes félicitations sincères, et mes vœux pour
a diffusion de votre livre dans toutes les
familles de mon diocèse, par l’intermédiai-
re-de nos bibliothèques de paroisse, l’ex-
pression de mes sentiments dévoués en No-
tre-Seigneur.
.: + ANDRÉ-ALBERT, Ev. de: Saint-Ger-
main de Rimouski.
lumiueux
t religieu-
naissance
ble Tertiai-
\ssise, elles
tifier notre
inépuisable
renaissante
eils exem-
aodèles de
iteront,des
plus bon-
milice du
ous rappe-
, elles con-
rs dans le
sieur, 1vec
œux pour
toutes les
termédiai-
isse, l’ex-
és en No-
saint-Ger-
Evêché de Chicoutimi 17 Mai 1895.
Monsieur J. CAMILLE PouzioT,
Avocat, Fraserville.
Mon cher Monsieur,
C’est avec jole que je donne mon
approbation à l’opuscule que vous venez de
publier sur la vie de la Vénérable Marie-
Crescence, religieuse professe du Tiers-Ordre
de St-F'rançois. Cet ouvrage, entrepris par
son auteur dans un sentiment de pieuse
reconnaissance, contribuera, j'en ai l’intime
conviction, à la gloire de Dieu, qui est admi-
‘able dans ses saints et à l'édification des
âmes, pour qui l'exemple est toujours une
leçon plus puissante que les paroles.
Cette vie extraordinaire, dont vous
retracez les grandes lignes, ne saurait qu’al-
lumer le feu de amour de Dieu dans les
Âmes et les encourager à marcher sur les
traces de votre sainte. Aussi est-ce avec
empressement que je souhaite à votre ouvra-
ge tout le succès qu’il mérite.
Agréez, mon cher monsieur, l’assurance
de mon entier dévouement en N.-$.
+ M. T. Ev. pe Curcourimr.
PRÉFACE
De tous les endroits à visiter aux alen-
tours du petit village de Woœærishôfen en Ba-
vière, —où je suis allé l’an dernier, suivre un
traitement du célèbre Abbé Kueipp, qui à
Brempli l'univers entier du bruit de ses cures
merveilleuses, — il n’y en a guère de plus at-
Itrayant que la jolie petite ville de Kaut beu-
ren, remarquable par sa position stratégique
exceptionnelle, et intéressante par les sou-
|venirs qui se rattachent à son histoire.
C’est au cours d’une de ces promena-
des favorites, que j’eus la bonne fortune de
visiter, en compagnie de quelques autres Ca-
D nadiens, le couvent de Mayrhoff, habité par
les Dames du Tiers-Ordre de St. François.
La Révérende Sœur. Mathilda, la seule
religieuse parlant français, nous fit les hon-
ineurs de la communauté.
| Grâce à l’amabilité et À la courtoi-
sie des autorités du monastère, nous
vimes se dérouler devant nous avec
‘une profusion de détails minutieux la vie
extraordinaire, merveilleuse de la Vénéra-
ble Marie-Crescence, qui est l’objet d’une
vénération, je pourrais dire nationale, dans
toute la Bavière,
Après avoir prié sur le tombeau d: humble
religieuse. nous fûmes admis à pénétrer
dans sa cellule, convertie par la piét: filiale
de ses compagnes, en un sanctuaire où lon
conserve dans leur état primitif les divers
objets dont elle s’est servis :
Des témoignages sans nombre de gra-
titude et de foi envoyés au couvent, furent
étalés à nos yeux et nous pûmes contempler
et pour ainsi dire palper chaeun des miracles
que la confiance publique attribue à la puis-
sante intercession de Marie-Crescence ;
Nous n'avons pu nous défendre d'un
profond sentiment d’admiration et de pieuse
confiance en l’humble fille d’un pauvre tis-
serand, devenue si grande devant Dieu et de-
vant les hommes, sentiment qui ne: peut
être comparé qu'aux saintes émotions que
nous avons ressenties en visitant les sanctu-
aires vénérés de Fourvières, de Notre-Dame
de la Garde, et de Lourdes.
Mes compagnons manifestèrent le dé-
sir de connaître mieux encore la vie de la
Vénérable Marie-Crescence, mais un obs-
tacle insurmontable se présentait : 1l n’exis-
tait point d'édition française de sa biogra-
phie.
de Phumble
à pénétrer
à piété filiale
aire où lon
nf les divers
bre de gra-
uvent, furent
s contempler
des miracles
bue à la puis-
»sCenCe ;
‘fendre d'un
: et de pieuse
n pauvre tis-
it Dieu et de-
qui ne. peut
motions que
nt les sanctu-
Notre-Dame
tèrent le dé-
la vie de la
nais un obs-
it : il n’exis-
de sa biogra- |
C'est pour combler cette lacune et ré-
poudre à un besoin qu'elle-même m'a mis
au cœur que je présente aujourd'hui ce livre
au public. Le charme que j'ai éprouvé
lors de. cette visite, l'émotion que j'ai res-
Ésentie en parcourant les lieux bénis, témoins
des vertus si extraordinaires de cette sainte
femme m'ont inspiré le désir de faire con.
a L
naitre Sa VIe :
Je w’ai pas.la prétention d’avoir fait
une œuvre d'art, J’ai voulu tout simplement
retracer dans les grandes lignes ce que fut
la Vénérable Crescence, grouper en un fais-
ceau les faits les plus propres à faire ressor-
tir l'intéressante personnalité de la grande
thaumaturge, et relater dans leur forme Vé-,
ridique les épisodes les plus probants de sa
sainteté et de sa puissante intercession.
Jette tâche m’a été grandement facili-
tée par le Rev. Père Jeiler, de l’ordre des
Franciscains, auteur d’un ouvrage remar-
quable sur la Vénérable Crescence et qui
hm'a bienveillamment autorisé À m'inspirer
le son livre, qui a mérité les honneurs
d'une traduction en langue anglaise ;
J’ai largement usé de sa gracieuse per-
huission et je tiens à lui rendre le témoigna-
ge public de ma reconnaissance.
{|
|
|
|
Heureux m’estimerai-je si j’ai réussi À
faire de ce livre une œuvre populaire qui
atteigne le seul but que je me suis proposé :
faire connaître et aimer la Vénérable Marie-
Crescence.
Doublement heuréux seraïs-je de voir
la dévotion à cette digne fille de St. Fran-
cois prendre une extension nouvelle et con-
quérir dans ce pays même, la faveur que
ses vertus et sa puissante intercession lui
méritent.
Avant de terminer ces quelques expli-
cations, que je devais à mes lecteurs, je tiens
à déclarer que je n’entends donner aux ex-
pressions que j’emploie dans le cours de
cet ouvrage, que la signification et la portée
en accord avec le décret de l’Eglise qui, en
conférant à Marie-Crescence le titre de Vé-
nérable, a jugé qu’elle avait pratiqué dans
un dégré héroïque les vertus chrétiennes.
L'AUTEUR.
Rivière du Loup, En Bas,
Mai 1895.
j'ai réussi à
pulaire qui
is proposé :
able Marie-
s-je de voir
> St. Fran-
elle et con-
faveur que
cession lui
ques expli-
urs, je tiens
ner AUX ex-
> cours de
et la portée
lise qui, en
itre de Vé-
tiqué dans
‘étiennes.
"EUR.
LA VÉNÉRABLE
Marie-Crescence de Kautbeuren.
PP Re LOT LL ST TT LS LS SSSR SP TS
.. Enfance de Marie-Crescence — Première Vision.
Voeu de chasteté.— L’habit de St.-François— Le cou-
vent de Mayrhoff.— Refus de la Supérieure. — Persévé-
rautes supplications— Le Christ du Cloitre.— Inter-
vention du Maire Wærle.— Admission au noviciat.
Sur la rive gauche d’une riante vallée
| arrosée par le Wertach, l’un des tributaires
de la Lech, à quelques heures d’Augsbourg,
s'élève la petite ville de Kaufbeuren, intéres-
sante par les anciennes fortifications qui la
dominent, et par l’Eglise de St. Blaise dont
la construction remonte, dit-on, au cinquiè-
me siècle.
2 LA VÉNÉRABLE MARIE-CREECENCE
Yest là qne naquit, le 20 Octobre 1682,
Anna Hôss, qui devint plus tard la Vénéra-
ble Marie-Crescence.
Son père était un pauvre tisserand de
son métier, mais la piété et l'honnêteté de
cette famille attiraient le respect et la consi-
dération de tous ceux qui la connaissaient.
Dès sa plus tendre enfance, la petite
Anna étonnait ses parents par son amour de
la prière et des choses saintes. Souvent, sa
mère l’amenait avec elle à la messe, et quand
le prêtre offrait l’Hostie à l’adoration des fi-
dèles, à l'élévation, l'enfant devenait trans-
portée ; sa figure rayonnait de joie et de dé-
votion. Sa promenade favorite était le lieu
saint. Elle demandait rarement à ses pa-
rents d'autre faveur que la permission d’al-
ler à l’église. Elle y séjournait des heures
entières, assistant à toutes les messes.
Quand la petite Anna n'était pas à la
maison, on était certain de la trouver là, à
genoux près de l'autel.
Tous ceux qui connaissaient l'enfant fu-
rent témoins de son étonnante piété ; ce-
pendant elle en cachait la source . aux yeux
:NCE
tobre 1682,
la Vénéra-
isserand de
onnêteté de
et la consi-
naissaient.
«e, la petite
n amour de
Souvent, 54
sse, et quand
ration des fi-
venait trans-
oie et de dé-
était le lieu
bnt à ses pa-
mission d’al-
des heures
s messes.
tait pas à la
trouver là, à
t l'enfant fu-
e piété; ce-
ce. aux yeux
DE KAUFBEUREN 8
du monde. Ce n’est que longtemps après
qu’Anna, contrainte par l'obéissance raconta
les mystères de son enfance.
Il est fait mention dans le procès de sa
| béatificatiou. que, dès sa troisième et qua-
trième année, elle eût dés visions merveilleu-
ses de l'Enfant-Jésus et de son ange gur-
dien.
Le Père Ott, qui a été pendant plusieurs
années le directeur spirituel du couvent de
Kuufbeuren, racoute le détail d’une de ces
visions : * À trois ans, l’Enfant-Jésus lui ap-
parût rayonnant de beauté, vêtu d’un habit
violet émaillé de fleurs et d’un manteau rou-
ge ; il avait la tête et les pieds nus. Anna
était senle, tenant dans ses mains une pom-
me et une poire que sa mère lui avait don-
nées. La petite fille s’adressant à Jésus lui
offrit de manger avec elle. Le Divin Enfant
répondit : “ Mon père a de bien meilleurs
fruits que ceux-la dans son jardin. ?” — * Qui
est votre père et où demeurez-vous ? Quel
est votre nom, et comment s'appelle votre
mère ? demanda la petite fille. ” Mon
père est le Père Céleste, et ma demeure est
4 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
danse le ciel, mon nom est Jésus, et Marie est
celui de ma mère bien aimée. ”
En entendant ces paroles, Anna fut com-
blée de joie et supplia l’Enfant de l’amener
voir son père dans le jurdin ; aussitôt elle
fut ravie en extase et transportée au Para-
dis où le Père Céleste lui dit : * Si tu veux
être mon enfant, il faut que tu n'aimes que
moi et mon fils ; tu ne peux pas avoir de rap-
ports avec d’autres enfants, tu dois préférer
la solitude et obéir en toutes choses à tes
parents. ” L’enfant Jésus souriant amou-
reusement ajouta : ‘* Tu ne dois croire qu’en
un seul Dieu, mais il y a trois personnes di-
vines qui ne forment qu'un seul Dieu : le Pè-
re, le Fils et le Saint-Esprit. C’est la premiè-
re chose qu’il te faut croire et connaître. ”
Ce fut alors qu'Anna reçut, par une faveur
spéciale, l'usage de la raison. Lorsqu'elle re-
vint à elle, elle était couchée dans son petit
lit Sa mère l’ayant surprise ainsi, prenant
éette extase pour un profond sommeil, l’y à-
vait transportée.
A l'instar d’un grand nombre de saints à
mystiques, Anna conversait familièrement
SCENCE
DE KAUFBEUREN
, et Marie est
9
avec son auge gardien ; Il lui apparût «ou-
vent sons uue forme visible et l’accompagna
\nna fut com- en plusieurs circonstances soit à l’église ou à
t de l’amener
aussitôt elle
rtée au Para-
« Si tu veux
l'école, lui enseignant lui-même les articles de
foi, et lui conseillant spécialement de sancti-
tier par la bonne intention toutes ses actions.
Si extraordinaire était sa piété, que
_n'aimes que
Dieu permit qu’elle fat admise à faire sa
avoir de rap-
première communion à l’âge de sept ans.
| dois préférer
choses à tes
A l’école et au catéchisme. elle se dis-
tingua entre.toutes par sa conduite et sa fa-
uriant amou-
cilité à apprendre, au point qu’un jour le
Père Ignace Wagner, de la Société de Jé-
sus, ne put s'empêcher de lui dire: ‘* Mon
is croire qu’en
personnes di-
il Dieu: le Pè-
’est la premiè-
enfant, il faut que vous ayez un meilleur
FL) LATE )
k maître que mot.
connaître. ?”
Dieu avait magnifiquement doué An-
na : elle était d’une intelligence facile et pé-
par une faveur
Lorsqu'elle re-
lans son petit
nétrante, servie par une brillante imagina-
tion, et se distinguait par une bonté excessi-
ve, un cœur toujours prêt à se dévouer et à
souffrir. Bien que d’une complexion faible et
délicate, elle savait accomplir tout ce qu’on
| demandait d'elle. |
ainsi, prenant
sommeil, l’y a-
mbre de saints à
familièrement
h | 6 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE
Ces précieux germes de vertu furent
constamment cultivés et développés en elle
par l'éducation éminemment chrétienne
qu’elle reçut au sein de sa famille.
A l’âge de six ans, de sa propre impul-
sion, ou plutôt inspirée par le Saint-Esprit,
la petite Anna fit vœu de chasteté perpétuel.
le en l'honneur de la Vierge Immaculée.
Un document signé par six religieuses at- IS
teste’qu'elle a révélé elle-même ce fait à la
Supérieure de son couvent, par obéissance,
Crescence en avançant en Âge crût aus-
si en sagesse et en grâce devant Dieu et de-
vaut les hommes. Pendant qu'elle faisait à
l’intérieur de la famille la ronsolation et
l'appui de ses parents, elle était au dehors,
un ange de charité, versant sur les douleurs
|| des autres le baume de la religion, et leur
| prodiguant mille adoucissements que lui
suggérait son bon cœur. Elle-même, elle ne
s'épurgnait guère ; et pour soumettre da-
vantage son corps, elle se torturait au moyen
| de cilices, de racines amères et de jeûnes.
FU | Elle obtint facilement de son confesseur À
la faveur de communier tous les dimanches
CENCE DE KAUFBEUREN
vertu furent et jours de fêtes. Elle se préparait À la
oppés en elle Sainte Communion longtemps d'avance et
chrétienne la nuit précédant cette solennelle action àpei-
le, ne pouvait-elle dormir, On la trouvait souvent
Jropre \mpul- à deux heures du matin pieusement age-
Saint-Esprit, nouillée sur le seuil de l’église, attendant a-
té perpétuel- vec anxiété l'ouverture des portes pour s'é-
» Immuculée. Blancer auprès de son Divin Fiancé.
eligieuses at- se Le Père Pamer, son confesseur, raconte
à ce fait à la qu'il arriva plusieurs fois que les portes de
obéissance, l'Eglise, bien que fermées à clef, . s’ouvrirent
Âge erût aus- d’ellesmêmes pour livrer passage À cette
it Dieu et de- vierge prédestinée, et se reformèrent aussi-
'elle faisait à tôt.
onsolation et C'était la Passion du Christ qui avait
it au dehors, le plus d’attrait pour Crescence, au point que
ir les douleurs LG seul désir était de n'aimer que Jésus-
igion, et leur Christ et d'être crucifiée avec lui. Ces ver-
ents que lui tue extravrdinaires étaient couronnées par
A Ca 0
même, elle ne Di: pins grande humilité. Quelqu’un pariait-
soumettre da- Bi d'elle avec éloge, qu'aussitôt elle s’esqui-
irait au moyen ait. Pour mettre fin aux applaudissements
t de jeûnes. que lui attirait sa jolie voix, souvent. exprès,
gon confesseur À lle donnait une note fausse considérant
les dimanches u’une pensée d’orgueil est plus désagréable
8 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
à Dieu qu’une note fausse dans un morceau
de musique.
Toute la jeunesse de cette Âme appelée
à la perfection angélique se passa ainsi dans
l'innocence, la simplicité et le calme.
Dieu ne tarda point à lui inspirer le dé-
sir de devenir une épouse du Christ.
Son ange gardien apparut à Crescence
à l’âge de quatorze ans. d’après nn rapport
du père Ott, tenant d’une maïn une croix
couleur de sang et de l’antre l'habit de St.
François ; et s’adressant à l'humble fille :
‘ Regarde mon enfant, dit-il, une robe sem-
»
blable à celle-ci a été préparée pour toi.
-Sa vocation lui était tracée. -
Il y avait à Kaufbeuren un couvent du
Tiers-Ordre de St. François d'Assise ; les
religieuses y vivaient dans une austère
pauvreté.
Bâti, croit-on, en 1028, ce couvent fut
en grande partie détruit par le feu en 1470.
morceau
e appelée
insi dans
irer le dé-
t.
Crescence
n rapport
une croix
bit de St.
ible fille :
robe sem-
our toi. ”
‘ouvent du
saise ; les
e austère
‘ouvent fut
su en 1470.
DE KAUFBEUREN 9
Grâce à l'aide de dons généreux que re-
eueillit la mère supérieure, la révérende An-
na Scherich, il put être reconstruit. C'est a-
lors que ces religieuses adoptèrent la règle
du tiers ordre de St. François, qui, jusque
vers cette date, n'était pratiquée que par les
personnes vivant dans le monde. Approu-
vés dans cette nouvelle forme par les Papes
Urbain VI, Boniface IX, Martin V et sur-
tout Léon X, des cloîtres ne tardèrent pas
à s'ouvrir partout, mais les constitutions et les ”
règles ne furent pas partout les mêmes. Aïn-
si, au couvent de Mayrhoff, à Kaufbeuren,
la supérieure était élue à vie.
Au seizième siècle, Kaufbeuren fut ra-
vagé par le schisme ; ces religieuses, restées
fidèles à leur foi et à leur vocation, furent
l’objet de persécutions et d’éxactions qui les
réduisirent à la plus extrême pauvreté. La
prière et le travail manuel formaient alors
les seules occupations de ces religieuses. Ce
n'est que récemment qu'elles ont ajouté à
leurs oeuvres l'éducation de la jeunesse.
Convaincue qu'elle était appelée par
Dieu à se séparer tout à fait du monde et
10 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
À se consacrer à lui et, tourmentée du dé-
sir de réaliser sa vocation, Anna se décida
à s’en ouvrir à son père, pour qu’il püût l’ai-
der, ou au moins lui indiquer le moyen d’ob-
tenir sou entrée dans ce couvent.
Sa demande rencontra une vive opposi-
tion de la part de son père, qui chercha par
tous les moyens à la dissuader, lui représen-
tant qu’il lui était impossible de lui fournir
la dot nécessaire à son admission, que la
communauté était si pauvre et la vie si du-
re qu’elle ne pourrait résister.
Voyant que ses demandes réitérées n'a-
vaient aucun effet sur son père, qui motivait
son refus sur des considérations humaines,
Anna, guicée par l’Esprit-Saint, se présenta
elle-même à la supérieure du couvent, la
révérende Mère Teresa Schmid et, humble et
confiante, sollicita son admission. Elle fut
refusée, comme son père le lui avait bien
dit : le couvent était trop pauvre et elle n’a-
vait point de dot à offrir. Deux années du-
rant, ou à pou près, elle réitéra ses instances,
maisen vain ; ses larmes mêmes ne purent
ébranler la résolution de la supérieure.
ENCE
tée du dé-
. se décida
il pôût l’ar-
oyen d’ob-
ive opposi-
hercha par
ui représen-
> Jui fournir
ion, que la
la vie si du-
éitérées n'a-
qui motivait
humaines,
se présenta
couvent, la
et, humble et
n. Elle fut
avait bien
e et elle n’a-
années du-
see instances,
es ne purent
érieure.
DE KAUFBEUREN 11
Jependant, la pieuse vierge, espérant
‘ontre toute espérance, redoubla ses prières
| À celui qui peut tout. Sa foi héroïque ne fut
point déçue :
Près de l’oratoire du couvent, à l’entrée
de corridor, se trouvait un grand crucifix.
C. our qu'elle passait par là, la pieuse An-
n#, se jetant à genoux, supplia le Sauveur,
avec toute la ferveur de son Âme, de lui ac-
corder la faveur qu’elle demandait... Elle
entendit alors ces paroles tomber des lèvres
du Christ : C’est ici que sera ta demeure. *?
Chose étonnante et constaté par des témoins
dignes de foi, jusqu'alors ce Christ en croix
avait la bouche fermée, mais, de ce mo-.
ment, il est resté la bouche visiblement ou-
verte, tel que le témoignent les documents
de la canonisation. Aujourd’hui encore, on
peut voir ce crucifix miraculeux, au même
endroit, dans le couvent.
Ce changement subit, opéré dans l'ex-
pression du crucifix, produisit une grande
sensation dans le couvent : tout le monde én
ignorait la cause. Ce n’est qu’un grand
nombre d’années après, qu’il vint à l’esprit
norme
12 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
de la supérieure, de demander à Crescence
TP
ai elle pouvait expliquer lu chose. Crescen-
re rougit et, forcée par l'obéissance, elle lui
raconta le détail de cette transformation.
Crescence cacha, même à son père, la
réponse miraculeuse, et se contenta de l'as-
surer qu’elle était certaine d’entrer un jour
dans cette communauté.
Toute la ville apprit bientôt le refus é-
prouvé par la pieuse Anna L’estime, la
véneration qu’on lui portait étaient telles,
que le sentiment unanime jeta le blâme sur
la supérieure ; Les protestants eux-mêmes
partageuient cette manière de voir.
C’est un protestant qui fut suscité par
Dieu pour lui faire ouvrir lc: portes du cou-
vent comme nous allons le voir :
Il y avait, tout près de la chapelle du
| | couvent, une taverne très peu recommanda-
Lil «| ble, On y faisait uu tapage d’enfer qui trou-
| blait continuellement les religieuses, pen-
dant les offices du jour et de Ja nuit. Le
seul moyen de se débarasser d’un voisinage
si incommodant était d'acheter la maison ;
maïs ii y avait des objections insurmonta-
'ENCE
Crescence
Crescen-
ce, elle lui
mation.
n père, la
ta de l'as-
rer un jour
_ le refus é-
estime, la
aient telles,
> blâme sur
eux-mêmes
ir.
suscité par
tes du cou-
chapelle du
:commanda-
fer qui trou-
ieuses, pen-
a nuit. Le
an voisinage
la maison ;
insurmonta-
LE KAUFBEUREN 18
bles : d’abord, la pauvreté de la commu-
nauté, et le refus persistant du conseil mu-
nicipal de Kaufbeuren qui considérait la re-
quête des sœurs comme nn empiètement
: sur le bien-être de l’état. !
Sous l'administration du maire Wôrle,
cet homme de bien, quoique ne partageant
pas la croyance des Catholiques, comprit l’in-
| justice imposée au couvent, par le refus de
‘la ville d'autoriser la disparition de cette
auberge.
Il soumit l’affoire à la considération du
| conseil et plaida la cause du couvent avec
| tant de force et de chaleur, que le conseil
de ville, à l'ananimité, résolut d'acheter lui-
même la maison et d’en faire don à la com-
munauté. :
Ce service signalé assura à son auteur
une reconnaissance et un respert qu’il sut
| mettre à profit dans l'occasion qui se présen-
tait.
Il avait connu et admiré la pieuse jeu-
| ne fille depuis son enfance et, apprenant a-
vec regret qu’on lui refusait l’entrée du cou-
vent, il résolut de mettre son influence au
} | FA CT —
Î
?
l
L
£
F
f
14 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE
profit d'Anna. Il se rendit, hors de la con-
naissance de la jeune personne et de ses pa-
rents, auprès de la supérieure, et insista pour
qu’on la reçut dans la communauté. “ Bien que
dénuée de richesses temporelles, elle est riche
en vertus, dit-il, et il serait regrettable qu’un
ange d’innocence tel qu'Anna resta dans
le monde. ”
Toutes les objections tombèrent devant
les sollicitations d’un tel bienfaiteur, surtout
après que le maire se fut adressé au Père
Provincial, alors de passage à Kaufbeuren.
Le Père Odoricus fit mander Anna et fut
si émerveillé de sa vertu, qu’il recommanda
qu’elle fut accueillie sans plus de retard et
sans dot.
C’est le 5 Juin 1703, qu'Anna fut ad-
| mise au noviciat, par le vote unanime du
Û AE chapitre. Ses désirs les plus chers étaient
li | ainsi réalisés, sa pieuse persévérance était
|| | donc récompensée d’une manière et à une
|) époque que rien ne faisait prévoir. Aussi,
jt) la joie de la servante de Dieu fnt-elle im-
El mense ; son bonheur fut à l’apogée onze jours
[1 all plus tard. Le 16 Juin, Anna quittait, à
:NCE
DE KAUFBEUREN 15
de la con-
l'A à 2 ; , . F
de seë pa- âge de 20 ans et neuf mois, la maison pater-
sista pour
« Bien que
nelle, disant adieu À ceux qu’elle aimait le
plus sur terre, pour se donner sans partage,
à celui qu’elle s’était choisi
e est riche q était choisi pour époux.
able qu'un
esta dans
Par un privilège qui n'avait jamais été
accordé dans le passé, le temps de prépara-
tion ordinaire fut supprimé et elle prit l’ha-
bit le lendemain même de son entrée
ent devant
ur, surtout
éau Père
aufbeuren.
nna et fut
commanda
e retard et
ina fut ad-
nanime du
ers étaient
rance était
re et à une
ir. Aussi,
fut-elle im-
e onze jours
quittait, à
Marie-Crescence revêt la livrée de St.-François —
La croix de la souffrance. — La Révérende Mère Schmid.-
Influences occultes. — Persécutions et tentations— Pro-
fession.— Phénomène extraordinaire —
Dès qu'elle fut revêtue de la livrée de
St. François, la servante du Christ oublia
tout ce qui la rattachait au monde, pour
s’immoler dans l’amour de la Croix. Elle
pratiqua toutes les vertus du cloître ; mais
Vhumilité, l'obéissance, une paix et nne séré- È
nité extraordinaires, au milieu des plus gran-
des tribulations, furent le cachet distinctif
de Crescence, durant toute sa vie religieuse,
_St.-François—
e Mère Schmid.-
utations— Pro-
le la livrée de
Yhrist oublia
monde, pour
Croix. Elle
oître ; mais
ix et une séré- }
les plus gran-
het distinctif
vie religieuse,
? DE KAUFBEUREN 17
La grandeur de sa vertu ne peut se me-
surer que par le nombre de souffrances de
toutes sortes que Dieu permit qu’elle éprou-
vât. Pendant plus de quatre ans, elle porta
cette lourde croix sans consolation humaine
humble et oubliée, non seulement sans plain-
te ou murmure, mais au contraire, avec joie
et reconnaissance. Mauvais traitements, in-
justices criantes de la part de ses compa-
gnes, tentations terribles et assaults incroya-.
bles de la part du démon, tels furent les moy-.
ens dont Dieu se servit pour purifier et sanc-
tifier cette Âme d’élite de toutes les sonillu-
res humaines.
Avant de commencer le récit des mau-
vais traitements qu'elle essuya de la part de:
ses compagnes, n'ert-il pas à propos de re-
marquer que toute âme, appelée au plus
haut dégré de la prière et à l’union mysti-
que avec Dieu, doit passer par le creuset de
2 la souffrance ? Pendant cette période de.
[purification le mépris, la calomnie, la persé-.
cution injuste éprouvent l’ême de mille
| manières, avec la violence d’un torrent. Sou-
vent Dieu permet que ces persécutions vien-
18 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
nent des siens, ou de personnes bien inten-
tionnées, quelquefois même, de personnes
vivant saintement, ce qui ajoute encore à la
torture de l’âme.
La vie des Saints contient des té-
moignages abondants de la vérité de cette
assertion. Est-ce que Ste Elizabeth de Thu-
ringe n’a pas été traitée par ses plus pro-
ches amies avec une rudesse de langage in-
croyable ? Est-ce que St François d’Assise
ne s’est pas vu maltraité par son propre pè-
re en présence de l’Evêque ? Ste Catherine
de Sienne n’était-elle pas réduite à faire l’of-
fice d’une domestique dans la maison de ses
parents ?
Dieu daigna cependant préparer son
enfant À ces souffrances par une vision : El-
le vit le Rédempteur sortir de la chambre
de la supérieure, portant sur ses épaules
une lourde croix. (Crescence comprit que
c'était là son lot et que sa supérieure sérait
l'instrument suscité par Dieu pour la sancti-
fier par la souffrance. |
La révérende Mère Teresa Schmid a-
vait été élue à-la charge de supérieure en
JNCE
en inten-
personnes
ncore à la
it des té-
, de cette
th de Thu-
; plus pro-
langage in-
is d’ Assise
propre pè-
> Catherine
à faire l’of-
aison de ses
éparer son
vision : El-
a chambre
ses épaules
omprit que
rieure serait
ur la sancti-
a Schmid 2-
périeure en
DE KAUFBEUREN 19
1698. Son élection fut due à ses qualités
administratives plutôt qu’à ses vertus.
On ne tarda pas à s’en apercevoir, et le
mécontentement prit une telle extension,
qu’on dût, en 1707, la déposer comme su-
périeure, bien que la règle du couvent sti-
pulât que le supériorat fut une charge ina-
movible. C’est même le seul cas de dépo-
sition qne l’on trouve dans les annales du
couvent, qui remontent cependant à plu-
sieurs siècles.
Cette supérieure ne pouvait manquer
de trouver quelques religieuses pour ap-
prouver sa conduite vis-à-vis de Crescence.
Une vieille religieuse, . la Sœur Antoiïne, la
seconda complaisamment. Le
Si l’on recherche la cause première de
la rudesse témoignée à Crescence par la su-
périeure, on la trouvera dans le fait qu’on
l'avait forcée, en quelque sorte, de recevoir,
et sans dot aucune, cette jeune fille, malgré
ses refus persistants. Il se peut qu’elle con-
sidérait son admission comme une charge
| pour la communauté ; de là, cette antipa-
thie qui alla jusqu’à accuser Crescence d’in- :
20 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
justice pour être entrée ainsi au noviciat.
L’aveuglement de la supérieure fut tel, qu’el- 2
le se crût justifiable de la maltraiter, pour
l'induire à laisser d’elle-même le couvent,
I peut se faire, qu’en traitant cette pauvre
fille, non comme une sœur, maïs comme une
véritable esclave, elle croyait rendre service
à Dieu et à la communauté ! Peut-être aus-
ai, que la conduite singulière de Crescence,
{ dont les idées sur la vie spirituelle étaient
beaucoup plus avancées que celles de ses
persécuteurs), pouvait prêter à une fausse in-
terprétation, et motiver bien des jugements
téméraires !
Les influences étrangère: et les assauts
du démon, qui se mit bieutôt de la partie,
rendirent d’ailleurs plausibles ces apprécia-
tions erronées.
Dans la cuisine où elle travaillait, des
phénomènes extraordinaires se produisaient È
souvent : tantôt les plats se renversaient,
tantôt le feu s’éteignait subitement, ou la
waisselle se cassait, etc. et, naturellement c’é-
tait la servante de Dieu que l’on accusait
de gaucherie, de méchanceté, voire même
JENCE
1 noviciat.
it tel, qu'el-
aîiter, pour
le couvent,
ette pauvre
comme une
ndre service
eut-être aus-
e Crescence,
elle étaient
elles de ses
ine fausse in-
es jugements
et les assauts
de la partie,
ces apprécia
ravaillait, des
| produisaient |
renversaient,
tement, ou la
irellement c’é-
l’on accusait
:
, voire même
LE KAUFBEUREN 21
d'être possédée du démon. Les plus inno-
centes de ses actions étaient blâmées, ses ver-
tus devenaient des défauts ; sa mansuétude
et sa bonne volonté apparaïssaient aux yeux
aveuglés de ses ennemis comme de l’hypo-
crisie ou un vain désir de plaire ; son silen-
ce était pris pour un aveu de culpabilité ou
un manque de cœur ; on mettait en doute sa
piété ; on lui reprochaït de ne pouvoir rien
faire de bien. La supérieure la traitait
toujours avec hauteur et rudement. Les ré-
primandes, les accusations fausses, les péni-
tences sévères étaient son pain de chaque
jour. On alla même jusqu’à l'accuser de-
vant le P. Provincial de fautes qu’elle n’a-
vait jamais commises comme, par exem-
ple, de n'avoir pas observé le silence, elle
qui l’observait le plus fidèlement. dans le
couvent, et qui ne parlait jamais, excepté
pour répondre quand on lui adressait la
parole.
Sans égard à son état de faiblesse, on
lui assignait les travaux les plus durs et
les plus répugnants. Rarement l’admettait-
on à la table avec la communauté ; elle de-
22 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE
vait se contenter des restes. On lui don-
nait si peu de nourriture, qu’elle était cruel-
lement tourmentée par la faim.
La plus grande épreuve que Crescence
eut à subir de la part de la supérieure, fut
de s’astreindre aux ordres qui lui était don-
nés, lui enjoignant des choses ridicules et dé-
raisonnables, et cela, même devant de par-
faits étrangers. Une obéissance aveugle
triomphait de sa répugnance naturelle et
l’instant d’après, elle était réprimandée pu-
bliquement pour ce qu’elle venait de faire.
Jamais un murmure, jamais une plainte de
sa part, ae
Les autres Sœurs, prises de compassion,
lui représentaient-elles que le vœu d’obéis-
sance ne l’obligeait pas à accomplir de pareil-
les folies, la pieuse novice répondait douce-
ment : ‘ la seule obéissance me suffit, puis-
que je trouve en elle Dieu et Dieu en tou-
tes choses, ?
— La Providence permit
que le démon tendit des pièges à sa voca-
tion : deux fois il lui apparut sous la for-
me de sa jeune sœur Régina, qui lui fit, d’u-
ne manière touchante, le récit de l’immense
E
ui don-
t cruel-
"escence
ire, fut
ait don-
es et dé-
de par-
aveugle
irelle et
ndée pu-
de faire.
ainte de
a passion,
d’obéis-
e pareil-
it douce-
fit, puis-
en tou-
e permit
ni Sa VOCA-
us la for-
ui fit, d’u-
‘immense
DE KAUFBEUREN 23
et profond chagrin de ses parents depuis
son départ, insistant pour qu’elle retournât
chez eux, qu’elle y vivrait plus pieusement
et plus en paix que dans ce cloître, où il n’y
avait que labeur, dénûment et persécution.
Son père, disait-elle, ne pouvant supporter
davantage son absence, lavait envoyé
chercher, et il attendait à la porte du cou-
vent pour la ramener à sa famille. Un jour,
elle lui tendit les clefs du couvent, et une
autre fois des habits laïques. Dans cette
tentation, la vierge élèva son cœur vers
Dieu, et faisant le signe de la croix, cria à
Satan : “ Ce n’est pas pour toi que je suis
entrée dans ce couvent, et je n’en sortirai
point pour toi. ” —A ces mots, l'apparition
disparut.—
Crescence trouva-t-elle, au moins, dans
son confesseur, un aide, une consolation ?
Ses aviseurs spirituels, prévenus par les
plaintes incessantes de la Mère supérieure,
jugèrent souvent à propos de l’éprouver par
de nouvelles humiliations.
94 LA VÊNÊSRABLE MARIE-CRESCENCE
C’est ainsi, que pendant tout son novi-
ciat, et même après, elle fut une pierre d’a-
choppement pour le plus grand nombre des
sœurs, un énigme pour d’autres, et l’objet
de la plus haute admiration «les plus éclai-
rées. Parmi ces dernières, citons Sœur Jo-
hanna Altweger, qui remplaça plus tard la
Sœur Teresa comme supérieure.
Grâce à celles-ci, aucun obstacle ne fut
fait à la profession de Crescence qui eût
lieu le 18 Juin 1704.—La cérémonie fut
imposante.— Quand elle s’approcha de l'autel
pour prononcer ses vœux et recevoir la sain-
te communion, un spectacle inouï s’oi!-it aux
yeux des assistants Une sainte émotion
s’empara des âmes : La fiancée du Christ
semblait ravie et transportée dans un au-
tre monde. On sentait la présence d'êtres c:-
lestes ; l'atmosphère se remplit du suave par-
fum des lis, fleurs symboliques de la pureté
augélique. On éprouvait le rayonnement
d’un feu mystérieux, qui semblait avoir son
point de départ dans le cœur de cette vier-
ge extraordinaire, et y puiser sa chaleur.
Tous ressentaient cette sensation sans la ré-
CE
>n novi-
rre d’a-
nbre des
t l'objet
lus éclai-
Sœur Jo
s tard la
ele ne fut
qui eût
nonie fut
de l’autel
jir la suiu-
oi vit aux
e émotion
du Christ
ins un au-
d'êtres c:-
guave par-
e la pureté
yonnement
t avoir son
» cette vier-
sa chaleur.
sans la ré-
DE KAUFBEUREN 25
aliser. Ce n’est que plusieurs années après
qu’elle s’en ouvrit à son directeur spirituel,
sur son ordre :
“ Au moment de faire mes vœux, dit-
elle, je fus ravie en extase, il me semblait
que la terre: et le monde n’existaient plus
pour moi. Le Christ et sa sainte Mère
m'apparurent, mon ange gardien se tenait
À mes cotés et me conduisit au lieu des divi-
nes épousailles. Le Rédempteur me saluant
gracieusement ‘me mit au doigt un anneau
en disant : Je t'ai choisie pour mou épouse,
maintenant, va souffrir et combattre, je t’as-
sisterai toujours de ma grâce, et ma mère te
gardera sous sa maternelle protection. ?
Elle prouonça alors les vœux de pau-
vreté, de chasteté et d’obéissance, et reçut
le nom qu’elle devait porter en religion
“ Marie-Crescence ” nom bien approprié,
à la vérité, à cette vierge pure, qu'aucun
souffle charnel n’avait souillée, et à cette
martyre de l’amour.
ITI
La fosse aux lions— Flagellation et torture —
Combat avec un être invisible.— Une sorcière— Nou-
velle arrivée. — Enquêtes et jugements.— Vision et pro-
messe de la Ste Vierge.— Pélérinage à Lechsfeld,— Un
compagnon de route.— Délivrance.— L'épreuve du P&-
re Provincial.—
On lit dans la vie de Ste Madeleine de
Pazzi que le Seigneur lui annonça, dans
une vision, qu’elle serait jetée dans une fos-
se aux lions, c’est-à-dire, qu’elle auraït hor-
riblement à souffrir des attaques du démon.
Notre héroïne eût également à souffrir,
et pendant quatre années entières, elle eût à
endurer des assauts terribles de la part de
l’ange des ténèbres.
et torture.—
èe— Nou-
ision et pro-
isfeld.— Un
reuve du Pè-
deleine de
nca, dans
ns une fos-
aurait hor-
du démon.
t à souffrir,
s, elle eût à
e la part de
[oo]
|
DE KAUFBEUREN
L'histoire des Saints ne nous offre-t-elle
pas souvent des tableaux de persécutions
semblables ? Dans notre siècle même, n’a-
vons-nous pas une preuve éclatante de cette
vérité dans la vie du vénérable curé d’Ars ?
Il est bon cependant de noter ici que
cet état ne constitue aucunement la pos-
session diabolique. Seulement, les mauvais
esprits par une permission de Dieu, obsè-
dent leur victime, la torturent de toutes :
façons pour la purifier et la sanctifier.
Les vexations commencèrent pour Cres-
cence dès son entrée au couvent. Personne
ne le remarqua tout d’abord, car jamais elle
v’en soufflait mot. Longtemps on attribua
la cause d’accidents inexplicables à sa gau-
cherie ou à sa perversité, mais ces persécu-
tions diaboliques prirent une forme si visi-
ble et si tangible, que toute la communauté
en fut consternée. Un soir, la sœur Béatri-
ce apperçut dans le corridor du dortoir une
forme effrayante, vêtue comme un chasseur,
maïs sans tête, entrer dans la cellule de
Crescence. Celle-ci arriva un instant après,
en vain, la religieuse courant au devant
28 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
d'elle et la tirant par ses habits, l’avertit de
nepas entrer dans sa cellule, qu'un spectre
effroyable y était déja. Crescence aucune-
ment ébranlée, ‘1 répondit que l’obéissance
lui faisait un devoir d’entrer et elle y pénétra
aussitôt. er ‘ncit'ont ayant été raconté à la
supérieure par la sœur Béatrice, la jeune re-
ligieuse dut lui avouer qu’elle était souvent
tourmentée par le démon dans sa cellule, et
que même il l’avait flagellée. :
Lorsqu'elle s’inclinait pour baiser la
terre, selon la règle de la communauté, ou
qu’elle faisait le salut requis dans la salle
du chapitre, souvent elle était précipitée à
terre par une force invisible et si violeni-
ment, que le sang s’échappait du nez et de
la bouche, —et cela, en plein jour et devant
la communauté.— |
A table, elle se trouvait près du mur,
et il arrivait fréquemment que sa tête frap-
pait la muraille avec un choc tel, qu’on croy-
ait qu’elle avait le crâne défoncé. La su-
périeure dut lui assigner une autre place an
réfectoire.
NCE
vertit de
n spectre
aucunc-
)béissance
\ pénétra
couté à la
a jeune re-
it souvent
cellule, et
baïser la
anauté, on
ns la salle
précipitée à
t si violen-
Lu nez et de
r et devant
rès du mur,
ea tête frap-
, qu’on croÿ-
cé, La sur
utre place at
DE KAUFBEUREN 29
À deux reprises, elle était assise à table
avec les autres sœurs de la communauté,
lorsqr'elle fut saisie par un pouvoir invisi-
ble, enlevée de terre et transportée en
dehors du réfectoire avec la rapidité de l’é-
clair ; les sœurs s’empressèrent vers elle,
mais elle fut bientôt hors de vue, on la re-
trouva enfin dans un coin reculé de la mai-
son. Une fois on la trouva sous un amas de
légumes qui avaient été étendus sur elle.
Une autre fois on la découvrit dans la cave,
prisonnière entre deux pièces de bois sur
lesquels étaient rangés ‘des tonneaux. On
eut grand’peine à la tirer de là.
Mais c’est surtout la nuit, dans sa
chambre, qu’elle était plus cruellement tour-
mentée. Elle se voyait entourée de fantô-
mes effroyables. Il lui semblait que toutes
espèces de bêtes tels que serpents, crapauds,
écrevisses remplissaient sa cellule et s’appro-
chaient de son lit.
Dominant sa répugnance naturelle, elle
invoquait Dieu avec ferveur et tout rentrait
dans l’ordre. Il arrivait fréquemment qu’el-
le fut précipitée de son lit et frappée sans
30 LA VÉNERABLE MARIB-CRESCENCE
pitié. Une nuit, un tapage d’enfer se fit eu-
tendre avec un bruit de fifres, confondu
avec le cliquetis de chaînes et nn claque.
ment de fouets. La pauvre créature fut ar-
rachée de sa cellule par un agent invisible,
trainée en un clin-d’oeil au bas de l’escalier,
au travers de deux portes, ct transportée en
dehors de la maison auprès d’un torrent qui
traversait uu coin de la propriété, et puis,
cachée sous une pile de bois. Quelques
sœurs, éveillées par ce bruit insolite, volèrent
à son secours et, entendant les portes s’ou-
vrir et se fermer violemment, se mirent à
chercher leur compagne dans la cour. A-
près de longues recherches elles constatèrent
qu’une des piles de bois avait été renversée ;
c’est là qu'ils trouvèrent enfin Crescenre,
étendue sur le sol glacé, la face contre ter-
re, en partie recouverte d’un amas de mor-
ceaux de bois, raidie par le froid et presque
morte.
La chose se répétait souvent, sous
des formes diverses. Dans la saison la plus
rigoureuse, elle était trainée dehors, la nuit,
jetée dans le courant et tenue là, si long-
it en-
fondu
aque-
ut ar-
sible,
alier,
6e en
nt qui
L puis,
elques
lerent
s s’OU-
rent à
r. À-
itèrent
rersée ;
scenre,
re ter-
e mor-
resque
, SOUS
la plus
a nuit,
i long-
DE KAUFBEUREN 31
temps, qu'on ne peut concevoir qu’elle ne
se soit pas noyée ou, qu’elle n'ait pas été ge-
lée à mort ; ses habits étaient tout couverts
de givre.
Un jour qu’elle travaillait au grenier,
le bruit d’une lourde chute se fit entendre.
La supérieure envoya voir aussitôt quelle
en était la cause : on trouva Crescence sans
connaissance, gisant toute ensanglantée en-
tre deux pièces de bois ; elle avait été lan-
cée du haut du toit, avait deux dents cas-
sées, los du nez brisé de façon à laisser
uue cicatrice qui resta visible toute sa: vie.
La sœur Johanna raconte qu’un vase
contenant du lait bouillant fut, en sa pré-
sence, arraché des mains de Crescence, et
tout le contenu se répandit sur sa tête, lui
causant de sérieuses blessures.
Quelques semaines plus tard, elle s'apprè-
tait à servir le potage pour la communauté
quand une figure menaçante apparut, cher-
chant à enlever la soupière de ses mains.
La courageuse vierge appela Dieu à son se-
cours, et la’cuillère à potage à la main, elle
poursuivit l'étrange voleur, le frappa avec
mr
. =
32 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
vigueur le forçant à abandonner sa proie et
à déguerpir. Les sœurs qui goûtèrent à
cette soupe, même ses ennemies les plus a-
charnées, affirmèrent n’en n’avoir jamais
mangée de si délicieuse.
Toutes ces choses causèrent un vif émoi
dans le couvent, et aucune d’elles n’ésita à
accuser Crescence de sorcellerie et d’avoir fait
un pucte avec le diable pour acquérir la répu-
tation et l’auréole de la sainteté. Il ne faut pas
s'étonner trop de ces rumeurs, quand on se
rappelle les opinions que favorisaient les
préjugés du siècle, et l’on s'explique plus fa-
cilement la créance qu’on accorda à cette
calomnie.
On lui jetait sans cesse à la figure des
reproches de saïnteté hypocrite, de posses-
sion, d’illusion diabolique. La plupart
des sœurs évitaient tout rapport avec elle,
se signalent à sa rencontre, et redoutaient
de toucher seulement les habits de cette
prétendue sorcière. La supérieure elle-mèê-
me tomba dans ces excès.
Sur les instances du curé de Kaufbeu-
ren, une de ses nièces fut reçue dans la com-
oie et
rent à
plus à-
jamais
if émoi
ésita à
roir fait
la répu-
faut pas
| on se
ent Îles
plus fa-
à cette
œure des
e posses-
plupart
avec elle,
loutaient
de cette
à elle-mè-
Kaufbeu-
18 la com-
DE KAUFBEUREN 38
munauté, bien que le nombre des sœurs fût
au complet pour la quantité de cellules dis-
panibles, la supérieure commanda à Cres-
cence de donner sa chambre à l4 nouvelle
arrivée, bien que, comme professe, elle y eût
un droit exclusif. Pour donner plus d’au-
torité à son ordre, elle lui fit remarquer
qu’elle était une charge pour le couvent,
n’ayant rien donné, tandis que Melle Kemp-
ter apportait une dot ; puis elle ajouta sè-
chement de se chercher un autre eudroit
pour se coucher.
Semblable, sous ce rapport au Divin
Sauveur, elle n’avait dans le couvent où re-
poser sa tête, et pendant deux ans, elle fut
obligée d’aller de ci de là supplier ses com-
pagnes de lui permettre d’étendre son ma-
telas dans un coin de leur cellule, pour se
reposer la nuit. La chambre de la maîtres-
se des novices s'étant trouvée vacante, par
suite de lu maladie de la sœur Dorothée, qui
dut être transportée à l’infirmerie, elle lui
échut alors.
On ne peut s'empêcher d’admirer cette
pauvre fille de tisserand, au milieu de tou-
mr
Fr ançois, inspirés peut-être par la supérieu-
bonheur: sans égal.
34 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
tes ces épreuves : jamais un mot de plainte
ou de justification ; jamais un eri de pitié,
demandant grâce de tant d’injustices, n’ef-
fleura ses lèvres ; toujours la même sérénité
sur son visage ; toujours un soupir de recon:
naissance s’échappait de son cœur.
Une torture d’un autre genre attendait
la servante de Dieu :
Deux jeunes prêtres de l’ordre de St.
re, firent un espèce d'enquête sur le compte
de Marie- Crescence, pour s’assurer qu’elle
était possédée du démon et coupable de sor.
cellerie et d’hypocrisie. Guidés par les pré-
jugés, ils n’écoutèrent pas l’humble dénéga-
tion de la pieuse persécutée, te déclarèrent
que Crescence avait conclu un pacte avec
le démon et était pervertie tout à fait. For-
te de. ce jugement la révérende Mère
Schmid la fit enfermer dans une chambre
obscure, et ly laissa Jongtemps, presque
sans nourriture. Le Père de toute consola-
tion la combla alors de tant de faveurs cé-
lestes, qu’elle déclara, plus tard, que ce séjour
forcé dans les ténèbres lui avait apporté un
CE
» plainte
de pitié,
ces, nef
sérénité
de recol:
attendait
re de St.
supérieu-
le compte
rer qu’ elle
ble de sor-
ar les pré-
le dénéga-
\éclarèrent
pacte avec
\ fait. For-
inde. Mère
e chambre
bs, presque
te consola-
faveurs cé-
ue ce séjour
apporté un
DE KAUFBEUREN 35
Quelques aunées plus tard Crescence
fut de nouveau soumise à un procès sévère
de la part d’un religieux d’ Augsbourg. Cette
fois encore, elle fut condamnée. ‘Il déclara
qu’elle devait être envoyée dans un autre
couvent pour y être gardée à vue, se char-
uw t de voir lui-même les autorités à ce
LL Heureusement que ces menaces ne
turent jamuis mises à exécution.
Il y avait au delà de deux ans et demi
que durait cet état de choses lamentable,
lorsqu'un rayon d'espérance vint consoler
la servante du Seigneur. La Reine du ciel,
sa mère bien-aimée, comme elle l’appelait,
lui apparut un jour, la consola et l’encou-
agea en l’assurant que bientôt elle serait
délivrée de cette tyrannie de Satan. Puis
elle commanda À Crescence de faire, après
en avoir obtenu la permission, un pélérina-#
ge au tableau de la Mère de Dieu dans lé-
glise des Frères Mineurs de Lechsfeld, et
qu'alors elle serait à jamais délivrée de ces
persécutions diaboliques.
Le cœur débordant de joie et de recon-
naïssance, Sœur Marie-Crescence se rendit
36 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
fi
ja auprès de la supérieure et lui demanda, en
j'a toute simplicité, la permission d'accomplir ce
| | pieux pélérinage. Elle essuya un refus ; iln’y ”“#
HE avait plus aucun espoir de la voir changer
| [A d'idée, bien que les règles du couvent ne
| À s’opposassent pas à ce voyage. Le mauvais
À vouloir de la supérieure, servi par une anti-
À | pathie aveugle à son égard, était le seul
obstacle. Crescence se soumit avec une ré-
signation et une patience héroïques.
L'administration répréhensible de la
Mère Teresa Schmid était devenue si mani-
feste, que le Père Provincial dût intervenir,
| et en 1707, elle fut relevée de l’office de su-
périeure et déposée. C’est, comme nous l’a-
vons déja noté, le seul cas de ce genre dans
l'histoire de la communauté. C’est sur
Sœur Johanna Altweger, femme distinguée,
PR A LÉ
A Con ccm En
Re Er
rt
religieuse prudente et remplie de piété, que
Éd:
Dee
-
tombèrent tous les suffrages.
î À peine installée dans cette nouvelle
{à dit
où | fonction, la Mère Johanna songea à rendre
la vie plus douce à la pauvre, Crescence,
dont elle avait admiré les hautes vertus :
à
il
F
:
}
+
#
:
la, en
plir ce
iln’y
anger
nt ne
Lu vais
anti-
> seul
ne ré-
de la
mani-
rvenir,
de su-
us l’a-
e dans
st sur
nguée,
é, que
Juvelle
rendre
scence,
ertus ;
DK KAUFBRUREN 37
elle envoya la pieuse vierge, en compagnie
de sœur Anna Neth, à Lechsfeld, accom-
plir le pélérinage depuis si longtemps pro-
jeté. Nous ue pouvons omettre ici le récit
des choses extraordinaires qui le signalè-
rent :
Les deux pélerines se préparaient pour
ce voyage- (d'au moins six heures de mar-
che ) -quand la supéricure se trouva dans
une grande perplexité, n’ayant personne
de recommandable pour les accompagner,
aucune d’elles ne connaissant le chemin à
suivre. Soudain, un messager se présente
à la porte du couvent, demandant que si
quelques unes désiraient aller à Lechsfeld,
il les accompagnerait volontiers, et leur
montrerait le chemin. La portière, en fai-
sant part de cet offre à la Mère générale,
ajouta qu’elle n'avait jamais vu un jeune
homme aussi modeste et si bien élevé.
L'offre fut acceptée par celle-ci, sans hésita-
tion. L’étranger refusa de prendre toute
nourriture, disant qu'il allait attendre les
voyageuses en dehors de la ville et qu'il les
conduirait sûrement: (C’est ce qui arriva
# A a
ue
3m aigrer car” en
CRC ie ts
Lu.
se
Re ee Te
RE ass er ms
38 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE
en eftet. Le long du chemin elles récité-
rent le chapelet, et le guide inconnu leur
parla de chosés spirituelles il appuya prinei-
palement sur les prérogatives de Ja Mère de
Dieu avec tant d'onction et de charme, que
les pélerines oubiierent la fatigue et la lon-
gueur de la route. Elles étaient à une petite
distance du sanctuaire, quand, tout-à-coup,
leur compagnon disparut, et à part d'elles,
aucune forme humaine n'é était visible dans
la plaine, |
Un frémissement traversa sœur Anna :
&“ Qu'est-ce done ? Quel était ce compagnon ?
demanda-t-elle à son amie,” Mais celle-ci, qui
savait qu'il valait mieux tire le secret t du
Roi, répondit évasivement ‘qu’elles étaient
maintenant en face de l’église, que le guide
les avait conduit assez loin, et qu'elles “de-
vaient un hymne de reconnaissance À Dieu
pour la protection dont il les avait entourées,
Tout émues, elles pénétrèrent dans le
temple. Crescence dem meura tout le reste
du j jour et Jusqu' À une heure avancée de la
nuit, agenouillée devant le tablean miracu-
leux. Elles revinrent à la pointe du jour,
écitè-
leur
rinci-
re de
e, que
a lon-
petite
COUP,
elles,
> dans
\nna :
non ?
el, qui
vet du
taient
guide
es de-
\ Dieu
urées.
lans le
e reste
de la
niracli-
1 t
tels.
u jour,
DE KAUFBEUREN . 34
et se préparèrent soigneusement à recevoir
Dieu duns leur cœur. Après s'être appro-
chée de la sainte table, Crescence fut ravie
en extase ; elle demeura dans cet état pen-
dant une heure, immobile comme une statue,
tantôt pâle, tantôt la figure empourprée, in-
sensible à ce qui se passait autour d’elle, an
point que sa compagne était effrayée n’en
sachant pas la cause. Notre Dame,de Pi-
tié lui était apparue, et l’avait assurée, avec
uue grande bonté qu’à l’avenir elle ne serait
plus en butte aux persécutions extérieures
de Satan, mais que cependant elle aurait en-
core à supporter des souffrances intérieures.
“ Ne crains pas, toutefois, lui dit la Mère
de Dieu, je serai ta protectrice. cs
C’est le cœur surabondant . de consola-
tion et de gratitude qu’elle reprit le chemin
du couvent. Elle garda le silence sur ce qui
lui était arrivé, mais la sœur Anna Neth ne
put s'empêcher d’en faire part à la supérieu-
re. Par prudence, celle-ci ne parut pas fai-
re grand cas de ce récit. Après avoir mû-
rement réfléchi, elle demanda un jour'à
à " N . .
Crescence,. qui ne s'attendait aucunement
Er ren pe tannins
RS
AE
PRE Fr Fe RO
a
6:
La à
RARE CDR RECRUE
Pr
LE =
ne
M re ne À ee
Rss ge er sic ES <
red sh de gages» me an cmmneee mn 25 TR A9 à à a ut ut
40 LA V£NÉ£RABLE MARIE-CRESCENCE
à la question, quel éta': ce péleriu qui leur
avait tenu compagnie. Lu pieuse vierge
hésita à répondre. (il lui en coûtait de révé
ler la grâce extraordinaire dont elle avait été
l’objet.) Elle confessa humblement que c’é-
tait son patron spécial, St Antoine de Pa-
doue. Pressée de questions, elle Ini raconta
sa vision et la promesse qui lui avait été
faite.
Cette promesse fut. en effet, parfaite-
ment accomplie. Aux ténèbres qui obscur-
cissaient son âme, succéda l’éclat d’un jour
brillant de douce pisté, rendant de plus en
plus étroite son union avec Dieu. La per.
sécution perdit de son aigreur, bien que. sur
la recommandation du Père Provincial, l’é-
pouse du Christ fut encore traitée avec sévé-
rité.
On peut bien cacher la vérité pour un
tempe, mais la détruire, non pas ; un jour
vient, 0: elle déchire les nuages d’ignorance
ou de mauvaise foi qui l’assombrissent, et
éclate glorieusement, Ainsi en fut-il pour
Crescence. Tous les doutes qu’entrete-
‘ naïent ses supérieurs, surtout relativement
ui leur
vierge
le réve
vuit été
que c’é-
de Pa-
raconta
rait été
parfaite-
| obscur-
un jour
plus en
La per.
que. sur
cial, l’é-
ec se vé-
pour un
un jour
pnorance
issent, et
t-il pour
h’entrete-
tivement
DE KAUFBEUREN 4i
à ses extases et à ses révélations, se dissipè-
rent par dégrés, Dieu se plut à les confirmer
d’ailleurs par un témoignage irrécusable.
Y'était en 1716, le P. Provincial faisant
la visite de la communauté, et se trouvant
dans une grande perplexité au sujet de la
servante de Dieu, il demanda une preuve
tangible de ces grâces surnaturelles. Il é-
toit seul dans le parloir et désirait cacheter
une lettre avec de la cire, quand une pensée
lni traversa l’esprit : Si, pensa.t-il, sans a-
voir été avertie, Crescence se présente, avec
une bougie allumée, je considèrerai cela
comme une marque lJuwelle est guidée par
Pesprit de Dieu. ” Et il lui commanda,
mais intérieurement seulement, d’apporter
une lumière. Quelques instants après, on
frappait à la porte du parloir, c'était Cres-
cence qui lui apportait une chandelle allu-
mée ; réprimant aussitôt sa surprise, il Jui
demanda : ‘“ Maïs pourquoi cette bougie,
Crescence ? Il fait grand jour, et vons m’ap-
portez une lumière ! Elle reprit. ‘ Est-ce
que votre Révérence n’en a pas besoin pour
cirer sa lettre ; j'ai senti le besoin de vous
49 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
l’apporter. ” Le Pére provincial, intime-
ment convaincu de sa vertu, raconta à lu su-
périeure et aux autres cette circonstance ex-
traordinaire, et il ne put s'empêcher d’ajou-
ter : “ La piété de Crescence est naturelle et
vraie ; Dieu est avec elle, c’est Jui qui la
guide. ”
intiine-
\ lu su-
nce eX-
d’ajou-
relle et
qui la
IV
Multiplication des pains.— Fête de la Portioncu-
le— La propagation de la foi.— Pacte d'amour.— Le
St.-Sacrement.— La manne Céleste— Faveur extraor-
dinaire— Epreuves et consolations.—-
La prière, le travail, la souffrance, telle
fut la vie de Crescence pendant les quarante
et un ans qu’elle passa dans le cloître. Bien
que ce soit là la dévise. de toute religieuse,
ce qui excite l’admiration, c’est précisement
la manière dont elle pratiquait ces obliga-
tions journalières. Une volonté de fer se
cachait sous cette complexion faible et dé-
S FU
ge LE
RER EE
RS ee 22e 0e
SRE uen
sde
44 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRÉSCENCE
licate; et son zèle et ses talents la mettaient
en état d'exécuter, à la satisfaction géncrule.
tous les emplois du couvent. Les premières
années, elle fut mise aux travaux de la cuisi-
ne et à un labeur fatiguant ; elle tissa Îles
vêtements des sœurs et leur enseigna même
l’art de travailler au métier.
Plus tard, quand les persécutions eurent
pris fin, elle fut nommée portière, charge
qu’elle remplit pendant seize ans avec une
vertu et une charité remarquables. Puis, elle
devint subséquemment infirmière, maitresse
des novices, pour être enfin élue supérieure.
Bien qu’affaiblie par la maladie, elle demeu-
ra toujours infatigable dans l’accomplisse-
ment de ces diverses fonctions. Son corps
était tourmenté par une fièvre intense que
les médecins ne pouvaneit expliquer ni soula-
ger. Rien ne pouvait étancher sa soif. A
plusieurs reprises, elle fut ramenée àl a santé
d’une façon étonnante.
La pauvreté du couvent était telle, que
{es sœurs étaient forcées de se livrer au tra-
vail manuel pour vivre. La Mère Johanna
trouva à peine un demi-florin dans le trésor
La ee PE > 2
=
2)
ettaient
incrule,
emières
la euisi-
issa Îles
RTE
a mere
s eurent
charge
vec une
Puis, elle
naitresse
périeure.
e demeu-
omplisse-
Son corps
ense que
r ni soula-
\ soif. À
àl a santé
telle, que
rer Au tra-
Johanna
s le trésor
DE KAUFBEUREN 45
lorsqu'elle prit charge des uffuires. Cette
gène avait douné lieu à un abus consacré
par plusieurs années d'usage, de réciter l'of-
fie des vêpres et de complies, non à l’église,
mais à lu salle d'ouvrage, tout en travaillant.
Crescence si timide et si craintive, quoiqu’a-
lors l'une des pias jeunes religieuses, alla
trouver la supérieure et lui intima respec-
tueusement, que Dieu voulait voir cesser
cet abus et que l'office fut déosrmais récité
dans l’église, ‘ Le Seigneur bénirait, dit-elle,
cette action. ?
Surprise de cette démarche autoritaire,
la supérieure fit cependant mettre de côté
cet abus ; de ce temps les bénédictions du
ciel devinrent visiblement plus nombreuses
et plus abondantes, et souvent se manifes-
tèrent d’une manière miraculeuse :
Les pluies torrentielles ou les grêles,
qui répandirent lu dévastation dans la con-
trée entière, épargnèrent cependant les pro-
priétés du couvent. Une longue expérience
apprit à la supérieure et aux autres religieu-
ses, que les provisions, tels que la farine, le
beurre, le lard, ete, confiées à la garde de
46 LA VÊÉNERABLE MARIE-CRESCENCE
Crescence, loin de diminuer, se multipli-
aient par une permission divine. Ce fait se
répéta souvent, alors qu’elle était portière,
lorsqu'il s'agissait de distribuer l’aumône
aux pauvres : “ Un jour raconte le Rev. P.
Ott, il se présenta, à la porte du couvent, une
foule si nombreuse, de la ville et des campa-
gnes voisines, que les vivres se trouvèrent
insuffisantes, Crescence, pleine de confiance,
invoqua Celui qui, avec cinq pains et cinq
poissons avait nourri cinq mille personnes, et
se mit à faire le partage ; non seulement, cha-
eun fut servi à souhait, il y en eût même
beaucoup de reste.
Malgré tous les efforts, les religieuses
n’avaient pu se procurer du poisson pour la
fête dite, de * La Portioncule ” qui tombait
un vendredi. Crescence voyant l'embarras
de la communauté, qui avait l’habitude de
dunner à cette occasion l'hospitalité aux vi-
siteurs du couvent, les exhorta à ne pas dé-
sespérer, que St Pierre ne pourrait s’empê-
cher de prendre une grande abondance de
poissons. C’était le premier Août, fête de
St Pierre aux liens. Dès l’aube, le lendemain
ultipli-
fait se
rrtière,
umône
Rev. P.
nf, une
Cam pa-
vèrent
fiance,
et int
nes, et
it, cha-
même
œieuses
pour la
ombait
1barras
ude de
aux Vi-
pas dé-
”empê-
nce de
fête de
lemain
“4
ne
4
DE KAUFBEUREN 47
on vint apporter une grande quantité de
poissons.
Un jour que les religieuses essayuient
en vain à lever une grande statue pour la
placer sur le maître-autel, Crescence sur-
vint, et à peine avait-elle posé la main sur
l'image, qu'aux yeux de tout le monde, la sta-
tue se souleva d’elle-même, et alla occuper
la place qui lui était destinée,
Une comtesse de Vienne lui avait fait
don d’un magnifique Enfant Jésus en cire.
La servante du Christ aurait bien vonlu l’ex-
poser dans l’église, vêtu d’une riche robe,
mais elle n'avait absolument rien pour en
payer le coût. Elle l’acheta cependant, comp-
tant que le Divin Enfant ne manquerait
pas de payer lui-même pour sa robe, -comme
elle disait.— Pendant qu’elle faisait admirer
à ses compagnes la richesse de ce vêtement,
la portière remit à Crescence une lettre ve-
nant d’une personne inconnue. Un cri d’ex-
clamation s’échappa de toutes les bouches, vu
qu’elle contenait exactement le montant né-
cessaire pour en solder le prix.
C’est ainsi que, semblable aux eaux
ë
48 LA VÊEN@RABLE MARIE-CRESCENCE
limpides d’une belle vallée, les jours de la
Vénérable Marie-Crescence, oubliée du mon-
de, s’écoulèrent doucement dans la paix du
Seigneur, et la pratique d’uno charité et d’u-
ne hamilité inaltérables.
& La foi, disait la vénérable Crescence,
est le seul chemin qui mène infalliblement
à Dien, et qui nous donne le pouvoir de le
posséder autant qu’il est permis ici-bas,
Convaineue de cette vérité, elle estimait la
foi audessus de tous les dons ; sea lèvres üc
cessaient de louer Dieu, et de le remercier
de l’avoir fait naître de parents catholiques,
et cela, dans une ville où la moitié de la po-
pulation était protestante. Aussi son zèle
pour la propagation de la vraie foi ne s’arrê-
tait-il pas aux limites de son pays. On l’en-
tendit souvent s’écrier ‘ Si je n'étais pas
femme, je m’embarquerais sur le premier
vaisseau en destination aux Indes, pour y
porter la semence de vérité, où y verser mon
sang pour la gloire de Dieu. ” Sa foi était
is ardente, que la seule mention de quelque
INCE
urs de la
» du mon-
a paix du
ité et d’u-
‘rescenee,
liblement
oir de le
ici-bas.
stimait la
lèvres ue
remercier
holiques,
de la po-
son zèle
ne #’arrô-
On l’en-
itais pas
premier
, pour y
rser mon
à foi était
» quelque
DE KAUFBEUREN 49
mystère s'y rattachant la faisait tressaillir.
Un jour, elle lisait au réfectoire le martyro-
loge, elle ne pat dominer son émotion lors-
qu'elle arriva à parler de la nativité, et fon-
dit en larmes. Elle possédait, au dire de plu-
sieurs théologiens de l’époque, la science in-
fase pour tout ce qui concernait la foi ; La
fille ainée de la foi, c'est l’espérance. Cres-
cence avait dès sa jeunesse pratiqué cette
belle vertu, et les tempêtes qui venaient as-
sailir son cœur étaient impuissantes À en
arracher l'ancre de lespérance en Dieu.
Cette confiance la fortifiait et retrempait
sans cesse son Courage. Son unique crainte
était la crainte de Dieu ! C'était même sa
force au thilieu des épreuves !
Depuis le jour où Crescence, encore en-
fant, fut tavorisée d’une vision de l'Enfant
Jé-us, un sentiment d’amour céleste remplit
son cœur, et devint si intense, qu’il finit par
consumer 801 corps. Cette flamme divine
se reflétait dans tout ce qu’elle disait, dans
ses pensées et dans ses actions. L'amour lui
donne des ailes ‘pour s’élever auprès du trô-
ne de la Sainte Trinité, lui exposer les be-
50 LA VÉNÉRABLE MARIE CRESCENCE
soins de l’église, l’état des pécheurs et des
Âmes du Purgatoir:. pour voler, comme la co-
lombe, vers toutes les terres, annoncer l’évan-
gile aux infidèles, pour butiner, semblable à
l’abeïlle, et, insinuer dans toute créature le
miel de l'amour. ‘ L'amour disait-elie, est
mon meilleur précepteur : :l apprend à me
dominer, à obéir, à souffrir. Quand je pour-
rais devenir un ange par une seule parole
qui ne fut inspirée par l’amour de Dieu, je
je ne dirais point cette parole. ?”’
Elle avait une telle horreur du péché
qu’on l’entendit souvent s’écrier : “ O mon
Dieu, envoyez moi toutes les croix : la ma-
ladie, la tristesse, le mépris, les souffrances,
mais, éloignez de moi la coupe du péché ;
je préfèrerais même souffrir les peines de
l'enfer sans avoir péché, plutôt que d’entrer
au ciel avec une faute vénielle sur la cons-
cience ; ”
Crescence allait à confesse deux où trois
fois la semaine, et y apportait un soin extra-
ordinaire ; Sa douleur était si intense qu’elle
se manifestait au yeux de tous.
DENCE
urs et des
mme la co-
icer l’évan-
emblable à
créature le
aït-elle, est
rend À me
nd je pour-
ule parole
e Dieu, je
du péché
‘ O mon
x : la ma-
ouffrances,
du péché ;
peines de
Le d’entrer
ur la cons-
\ ; .
1X où trois
soin extra-
nse qu’elle
C2
md
DE KAUFBEUREN
Une de ses compagnes, la Sœur Miller,
rapporte que pour stimuler sa piété, Cres-
cence lui déclara qu’elle renouvelait chaque
jour avee Dieu un contrat d’amour ;
qu’elle lui faisait l’offrande de toutes les
pulsations de son cœur, de tous ses soupirs,
afin d'obtenir ce dégré de perfection qui
constitue l’essence de Dieu. Elle a fait vœu,
en 1725, de l’assentiment de ses confesseurs,
d'éviter même les plus petites fautes ou
imperfections, et l’exécuta fidèlement jusqu’à
sa mort. On eut pu l'appeler avec justesse,
une martyre de l’amour.
Ce feu intérieur ne pouvait mauquer d’af-
fecter le corps de la Vénérable Crescence.
Si faible, si émacié qu'était son corps, on
remarquait qu'une chaleur extraordinaire le
pénétrait. Elle ne pouvait souvent support »r
la fièvre qui consumait ses veines, et on dut
lui fire des applications froides pour la sou-
lager. On attribue à cette cause ses fré-
quentes hémorragies.
“ La volonté Divine et le St. Sacrement,
voilà mes délices sur la terre, s’écria un jour
Crescence” ! En effet, sa dévotion au Saint-
52 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
Sacrement, ce miracle des miracles était «si
intense que, malgré sa débilité extrême, elle
séjournait, uon seulement des heures, mais
souvent des demi-journées entières devant le
Tabernacle. Même lorsqu'elle était obligée
de se faire transporter à la chapelle, par ses
compagnes, alors qu'elle ne pouvait aucu-
nement marcher, on la voyait se tenir à
genoux, pendant un temps bien long, dans
la position respectueuse d’un ange, rien au
dehors ne pouvait la distraire ; elle oubliait
alors toutes ses souffrances, et buvait à longs
traits la coupe de l’amour Divin : il arriva
que des religieuses prises de compassion:
l’engagtrent à s’épargner, et à ne pas séjourner
si longtemps dans l’église, À cause du froid.
‘ En trouverez-vous, répondit-elle, plus de
force, et de chaleur vivifiante que dans le tem-
ple Saint ?”” Chaque fois qu’on la consul-
tait dans les difficultés et les afflictions, elle
n'avait rien de plus pressé que d’accourir à
l'autel, implorer lumière et consolation.
Le soin extrême qu’elle apportait à tout
ce qui touchait au St. Sacrement prouve
encore son amour pour Jésus-Hostie. Pour
JNCE
s était si
rême, elle
res, mais
devant le
it obligée
e, par ses
ait aucu-
se tenir à
ons, dans
e, rien au
e oubliait
ait à longs
il arriva
mn passion:
s séjourner
du froid.
, plus de
ans le tem-
la consul-
tions, elle
accourir à
ation.
tait à tout
it prouve
ie. Pour
LE KAUFBEUREN D
elle, le Tabernacle et les autels n'étaient
jamais assez somptueusement décorés. Et
lui adressait-on quelques présents de valeur,
elle s'empressait de les employer, avec Pas-
sentiment de la supérieure, à l’ornemen-
tation de la chapelle.
Un jour, on lui commanda de faire une
besogne qui l’obligeait de passer souvent
devant le St. Sacrement, ne pouvant s'arrêter.
elle adressait chaque fois cette prière jacula-
toire au Sauveur : ‘“ Pour votre amour,
o mon Dieu, et par obéissance ”. Lorsque,
pour la dernière fois, elle traversait l'autel,
elle remarqua comme un faisceau de flammes
qui s'en échappait. Tout étonnée, ‘lle en
demanda l'explication au Seigneur. ‘ Ce
sont, dit-il, les inspirations d'amour que tu
m'as adressés, en passant devant mon Taver-
nacle,”?
L’édification et le ravissement gagnaient
tous ceux qui voyaient la fiancée du Christ
s'approcher de la sainte Table, Son désir
de recevoir Dieu dans son cœur était si
intense, que le plus léger retard lui semblait
intolérable, elle était si affamée de cette
54 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE
nourriture céleste qu’on l’eût dit mourante,
souvent avant de communier, elle pouvait à
peine marcher ou parler ; une vie nouvelle
l'animait, dès qu’elle avait reçu le pain des
Forts ; un parfum exquis se répandait autour
d’elle. Elle restait des heures entières
immobile, à genoux, tantôt pâle comme de
la cire, et tantôt ies joues empourprées de
sang, mais son expression restait toujours si
douce et si belle, que tous les témoins en
étaient eux-mêmes épris de dévotion et d’a-
mour. ‘“Je préfererais volontiers, dit-elle
un jour, renoncer aux joies du ciel, excepté
à la possession et à la vision de Dieu, plutôt
que d’être privée d’une seule communion. ”
On rapporte, dela Vénérable Crescence,
un fait merveilleux qui est consigné dans les
actes de sa béatification. Son désir de la
communion quotidienne était d’une ardeur
extrême ; il n’y avait qu’un certain
nombre de jours de communion par semaine
pour la communauté, elle ne pouvait espérer
que la supérieure ferait exception en sa
faveur. Or, le 15 juillet 1721, fête de sa
patronne, au moment où le prêtre prononce
nouvelle
pain des
itautour
entières
omme de
rprées de
oujours si
moins el
on et d’a-
s, dit-elle
, excepté
eu, plutôt
nunion.
Crescence,
é dans Îles
sir de la
ne ardeur
certain
r semaine
ait espérer
ion en sa
fête de sa
prononce
DE KAUFBEUREN 29.
les paroles, “ non sum dignus,” la vierge
obéissaute, vit des anges s’avancer vers
elle, un Séraphin tenait une Hostie qu’il
vint déposer sur sa langue. Ce miracle s’est
renouvelé pendant deux ans, chaque fois que
la communion ue se faisait point en commun,
c'est-à-dire, jusqu'au 27 octobre 1723. Le
Rev. Père Lieb, son confesseur, à qui Cres-.
cence fit part de cet incident, en fut étonné,
et lui conseilla de recevoir une si grande
urâce avec humilité et reconnaissance, se
proposant bien d’en rechercher soigneuse-
ment la réalité. Il implora l’inspiration d’en
haut par la mière,et il supplia Dieu intérieure-
ment, et sans en avoir parlé à personne, de
permettre la suspension, pendant trois jours,
de cette faveur insigne, en faisant aussi
intérieureiment défense à Crescence de com-
munier pendant ce temps, (C'était à sa
messe que ce phénomène avait coutume
d’avoir lieu.
À l’expiration des trois jours il deman-
da à la servante de Dieu com ment elle était :
“ je ne puis pas être gaie, depuis trois jours,
je n'ai pas reçu lu sainte communion, je
He
5
D res mate, Ar
PAT
A SEAT DE ae er va
Et
PASS
LE 7
4
|
il
f
ee
56 LA VENÉRABLE MARIFE-CRESCENCE
erains d’avoir commis quelques péchés ” ;
Le Père Lieb répondit évasivement. [lpria
Dieu de lui continner cette grâce, si vrai-
ment elle provenait de Lui. Le lendemain,
Crescence l’informa, en effet, qu’elle avait été
de nouveau communiée de la main des
Anges.
Le religieux, désormais convaincu, fit
part de ce fait merveilleux à la supérieure.
Cependant, ce mode extraordinaire et insolite
de satisfaire sa piété, repugnaît à Crescence
qui suppliait Dien de lui accorder la com-
munion quotidienne, mais de la manière
ordinaire. La Providence disposa les évè-
nements de telle façon, qu’elle n'eut pas
besoin d’en faire la demande à la supérieure.
L'épouse du Christ tomba gravement malade
par l’excès d’amour ; un sang bouillant brû-
lait ses veines, aucun remède n’y faisait, elle
allait mourir. Soudain, une pensée vient À
l'esprit de sou cnfesseur, il sollicite du Père
Provincial, pour la pieuse religieuse, la per-
mission de communier chaque jour. Celui-
ci y accède sans hésitation, Crescence est
dans la jubilation à cette nouvelle ; le 27
CE
.
chés a ;
I pria
si vrai-
demain,
avait été
ain des
inceu, fit
périeure,
t insolite
Jrescence
* |a com-
manière
_ les évè-
eut pas
ipérieure.
it malade
lant brû-
uisait, elle
e vient à
e du Père
se, la per-
r. Celui-
vence est
le ; le 27
DE KAUFBEUREN 57
octobre 1723, elle profite de ce privilège. Sa
santé s’améliora aussitôt. Le vrai remède
était trouvé.
Un autre jour, son confesseur, pour
l’éprouver, lui défendit de s’approcher de la
sainte Table. Pendant qu’il s’apprêtait a
communier lui-même, à sa messe, il fut tout
étonné de constater qu'une moitié seulement
de l’Hostie était dans la patène. Touc
attristé, il chercha l’autre partie, mais en
vain, Après la messe, il recommença ses
recherches, sans pouvoir retrouver la par-
celle qui manquait. Il fit part de son
inquiétude à la supérieure, et tous deux se
décidèrent enfin à questionner Crescence à
ce sujet. Confuse et timide, elle répondit :
“Mon ange gardien est venu m'apporter
l’autre parcelle de la Sainte Hostie”’.
Jamais plus on ne la priva de la com-
communion quotidienne, et vingt années
. durant jusqu’à sa mort, elle reçut cette manne
Divine.
Un jour qu’elle priait devant le Saint
Sacrement, répandant son âme dans le Sacré-
Cœur de Jésus, il lui sembla que des rayons
ae —
Dans na Put.
58 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRE6CENCE
partant du Tabernacle, venaient frapper son
cœur, et qu’elle entendait une voix lui dire :
“ voici la preuve de mon amour pour toi,”
et il lui présenta son cœur. Crescence, ravie,
offrit le sien à son Divin Epoux, le priant
de le faire sien, et d'accomplir partout
et toujours sa sainte volonté.
Une autre fois, semblable à l'épouse des
Cantiques, elle soupirait après son Bien-
aimé, le Divin crucifié lui apparut dans la
gloire d’une lumière extraordinaire, le cœur
ouvert et transpercé de coups. Prise de
compassion, elle s’écria : ‘“ Mais qui donc,
O Seigneur, vous a causé ces blessures ? ”’
‘ Mon enfant, dit-il, doucereusement, ce sont
les soupirs de ton amour qui ont ainsitrans-
percé mon cœur, je m’en réjouis. L'amour
et la souffrance augmenteront ton bonheur”.
Ces paroles, tombées des lèvres du Sauveur,
eurent pour effet d’accentuer encorele désir
insatiable de Crescence pour de plus grandes
souffrances,
NCE
\pper son
lui dire :
our toi,”
ce, ravie,
le priant
partout
Jouse des
on Bien-
: dans la
, le cœur
Prise de
qui donc,
ssures ? ””
t, ce sont
nsi trans-
L'amour
onheur”.
Sauveur,
ele désir
s grandes
L'nstitution du chemin de la croix.— Le crucifix
enlevé.— Les verges de la flagellation.— Le tableau de
Rufin : le Saint-Esprit.— Crescence et l'Enfant de Beth-
léem— Salutation angéiique— St.Joachim honoré
dans l’église. —
Vivre, aimer souffrir avec Jésus-Christ,
tel est le but poursuivi par tous les Saints.
On peut dire avec vérité de Crescence, qu’elle
vivait tout entière dans le Christ et le Christ
en elle. Son bonheur était de méditer sur
les divers mystères de la vie du Sauveur.
st AUS FD SEE + a
Rs
ie
|
|
60 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE
La fête de Noël provoquait chez elle de
nouvelles ardeurs, et sa piété en recevait de
nouvelles faveurs. Un jour qu’elle s’adres-
sait à la mère de Dieu en ces termes :
‘“ O Marie ! béni et honoré soit le noble tré-
sor que vous à confié le St. Esprit ! loué soit
le fruit de votre sein ! Pour réponse, la
Ste. Vierge lui présenta l'Enfant Jésus,
le déposa dans les bras de Crescence, qui
demeura longtemps absorbée dans un déli-
cieux ravissement.
Sa pensée dominante était cependant
la Passion de notre Seigneur. Onaurait pu
lui appliquer la parole de St. Paul, qu’elle
était, avec le Christ, clouée à la croix. Les
souffrances du Divin Crucifié faisaient l’ob-
jet constant de ses méditations. C’était son
livre favori : De même que l’abeille qui va
de fleur en fleur, butinant le suc parfumé
dont elle doit faire le miel, ainsi son cœur
recherchait les blessures du rédempteur, pour
en tirer la douceur de l’amour et le nectar
de la grâce.
Elle avait appris à ses religieuses à
rapporter chacune de leurs œuvres à quel-
CE
z elle de
evait de
s’adres-
termes :
oble tré-
loué soit
onse, la
t Jésus,
nce, qui
un déli-
ependant
urait pu
1, qu’elle
ix. Les
ent l’ob-
était son
le qui va
parfumé
son cœur
eur, pour
le nectar
rieuses à
; à quel-
DE KAUFBEUREN 61
que mystère se rattachant à la Passion de
notre Seigneur. Elle fit peindre les stations
d'un chemin de croix qu’on admire encore
dans le couvent, et introduisit la pieuse cou-
tume de faire le chemin dela croix, coutume,
aujourd’hui, répandue par tout le monde.
Pendant le Carême et la Semaine Sainte,
elle redoublaïit ses jeûnes, et son esprit ne se
détachaït point de la croix. Chose digne
de mention, elle connaissait à fond les
détails historiques et géographiques de la vie
et des souffrances du Sauveur, à un tel point,
que la minutieuse exactitude de son écrit
étonna un Franciscain qui avait lui-même
visité Jérusalem, la Palestine et la Judée.
L’humble fille de tisserand qui connais-
sait à peine les bornes de la Bavière, avait
dû avoir un précepteur surnaturel.
Bien qu'elle ne reçût point, à l'exemple
de certains saints, la grâce des Stigmates,
Crescence fut cependant jugée digne de par-
ticiper d’une façon mystique à la Passion du
Rédempteur. On ne peut évoquer en
doute l'existence, chez elle, des souffrances
réelles. Quoiqu’elle cherchât à cacher cet
‘
y 62 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
ta état aux yeux du monde, il ue put toutefois
be fi échapper aux religieuses du couvent. Lors- u
id à que, le jeudi soir la cloche du monastère tin- b
ul tait pour rappeler l’agonie du Sauveur, tout d
ta son être respirait subitement la douleur, et
tif elle devenait semblable à une mourante. Le a
7 | vendredi, elle était siattristée et sisouffrante, 4 s
Mi qu’elle pouvait à peine marcher ou parler, l
ni ; ces symptômes se remarquaient par leur ! v
KL } intensité extrême, surtout, de neuf heures c
hi du matin, à trois heures de l'après-midi. 8
Presque jamais elle ne prenait de nourriture (
ce jour-là. Ilarriva suuvent que la supé- 6
rieure lui commanda d’aller se reposer ; et = c
elle la trouvait plus d’une fois, immobile et |
à moitié morte dans son lit. Ces manifes- |
tations se répétant à des intervalles réguliers,
sans cause naturelle, on en vint à la conclu- ;
sion que la pieuse religieuse, non contente de é
méditer sur les souffrances du Christ, avait 6
obtenu de les reproduire dans son corps. |
La sœur Bernadine assure qu’elle a été
témoin de ce fait pendant dix-neuf ans.
fois
ors-
tin-
tout
r, et
Le
nte,
rler,
leur
ures
idi.
ture
upé-
; et
le et
ifes-
icrs,
clu-
> de
vait
rps.
été
DE KAUFBEUREN 63
Il y avait dans la cellule de Crescence
un grand crucifix, pour lequel elle avait
beaucoup de vénération ; on en disait des
choses merveilleuses.
Un matin que Crescence était à l’église
avec la communauté, la supérieure enjeva
secrètement le crucifix de la cellule, et alla
le cacher dans un endroït où personne n’a-
vait accès. Deux jours s’étant écoulés sans
que Crescence soutfla mot de cette perte, elle
se décida à lui demander si elle avait son
crucifix. ‘ Mais oui, dit-elle, il ne m’a jamais
quittée.” La supérieure s'étant rendue à la
chambre, constata qu’il était accroché à su
place ordinaire. Personne ne pouvait l’avoir
découvert et rapporté là.
Un autre fait plus remarquable est
mentionné dans son procès de béatification.
Un jour qu’elle méditait sur la flagellation
de notre Seigneur, elle fut ravie en extase
et il lui fut donné de voir les verges dont on
s'était alors servi. La supérieure vint sur
les entrefaites, et Crescence dut lui confesser
ce qui venait de se passer. Sur ce, la maî-
tresse voulant s’assurer de la vérité, ordonna
64 LA VÊNRRABLE MARIE-CRESCENCE
à la religieuse de lui faire, sur le champ, le
dessin des instruments de torture, tels qu’elle
venait de les voir, et lui remit, à cette fin,
une grande feuille de papier. Crescence
m'avait jamais appris le dessin ; cependant,
son obéissance triompha de son ignorance.
Prenant le papier, manière simple et aisée,
elle traça, en quelques tonches, un fouet d’é-
pines tressées, et des verges ornées de pointes
aigues, le tout si artistement et si parfait,
que le dessin attira alors, et attire encore
l’admiration de tous ceux qui l’ont vu. Ceci
avait été accompli par l’humble paysanne,
sous les yeux mêmes de la supérieure, en
dehors de tout aide humain étranger.
Le Saint-Esprit, le fidèle compagnon de
cette enfant prédestinée ne pouvait man-
«uer de se manifester souvent à celle qui lui
avait élevé un autel dans son cœur. C'est
sous la forme d’un jeune homme qu’il lui
apparaissait.
Ceci donna lier à une bulle du souverain
Pontife, Benoit XIV, ordonnant à l’évêque
d’Augsbourg de faire une enquête sur la
vie de Crescence, et des faits miraculeux qui
DE KAUFBEUREN 65 È ï
AP, le lui était attribués. Il soutint, appuyé sur F4)
u’elle F le principe reconnu de l’église, que Dieu ne fo il
Roi: peut être reproduit que dans la forme: sous # :
re laquelle il a daigné apparaître aux hommes, à |
sal et appliquant ce principe au St. Esprit, il i |
en déclara que toute représentation du St-Esprit, à }
ot autre que sous la forme d’une Coïiombe, ou 4 ‘
j de langue de feu, n’est pas d’accord avec A :
jointes Aus + MB |
les principes et la coutume de l’église. ï
arfait, Le ü
nue Ce décret suscita beaucoup de difficultés, FL
3 A ? ."n Q Li
Ceci lors du procès de béatification de Crescence, AR
cg h 5 UM
* mais d’un autre côté, fut canse qu’une enquête tea
sanne, | à 4 pie
complète fut faite, et se termina à l’hon- he |
re, en : MR
: neur de la servante de Dieu. ps 1
Il fut etabli d’abord, que le mode de h :l
non de , é F , es
représenter le Saint Esprit sous la forme ÿ
t man- pu CS ; SUR
bi d'un jeune homme, remonte à une époque 14
ui lui , ; RE.
7 bien antérieure à la vénérable Crescence. En ||
est . . ÿ 1 14
ST lu; De temps immémorial, en Allemagne, et F1)
u il lu : . M, ic ii ; eus |:
spécialement en Bavière, il existait des pein- ae |
Û tures représentant le Saint Esprit sous cette É
uverain ! |
« forme. Il fut prouvé, en outre, que ce n’était À |
’évèque à ‘hi Fi
pas Crescence, maïs bien la Mère Johanna OS
sdr là d c 3 A il
s qui avait repandu de ces petites images sur 1:11
leux qui NE: ; h, LA
lesquelles était gravé le nom de Crescence, P. |
)
66 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRE&CENCE
et que celle-ci devenue la supérieure, en
prohiba lu propagation, et les confisqua.
Crescence, en effet. vit le Saint Esprit
lui apparaître sous la forme ‘d’un jeune hom-
me d’une taille magnifique, revêtu d’un
vêtement blanc comme la neige, la tête nue,
les cheveux bouclés. La supérieure désirant
avoir une pañture de grandeur naturelle de
l'Esprit Saint qui apparut à la pieuse reii-
gieuse, s’adressa, en 1727, à un peintre de
Munich, du nom de Ruffin. Celui-ei ne
put tenir aux difficultés qu’il rencontrait à
faire un tel portrait. La servante de Dieu
reçut l’ordre de faciliter l’œuvre à l'artiste,
et de lui fournir toutes les indications néces-
saires, pour en faire un tableau ressemblant
à la vision qu’elle avait eue. Si dur que
fut cet ordre pour son humilité, Crescence
obéit, et en quelques jours, le tableau fut ter-
miné. Ce fut une œuvre d’art, admirée de
tous, et au grand étonnement du peintre, lui-
même. Il voulut en faire une copie pour la
comtesse Amalia plus tard, impératrice, et
qui était une grande admiratrice de Cres-
cence. Mais, chose étonnante, jamais il ne
re, en
IsqUua.
Esprit
e hom-
a d'un
te nue,
lésirant
relle de
ise l'eii-
intre de
ui-ei ne
ntraît à
de Dieu
l'artiste,
ns néces-
semblant
dur que
rescence
u fut ter-
mirée de
intre, lui-
e pour la
atrice, et
de Cres-
ais ilne
DE KAUFBEUREN 67
put assortir ses peintures et réussir parfaite-
ment. 1] reconnut alorsqu’il avait dû rece-
voir l'inspiration du Saint Esprit, grâce à la
vertu de Crescence,.
Cette peinture orne encore la cellule de
la sainte épouse du Christ. Les regards s’arrè-
tent étonnés et ravis à lu vue de ce tableau
d'art et d: loi : ‘“ Qui aime Jésus aime sa
mère, et ceiu1 qui aime la mère de Dieu doit
également aimer son fils” ; répétait souvent
l’amante du Sauveur, et la préférée du Saint
Esprit. C'était toujours avec des paroles
imprégnées d'enthousiasme, d’umour, qu’elle
parlait de la reine du ciel et de la terre ;
elle disait souvent : ‘ Oh ! que je serais
heureuse d'offrir le sacrifice de ma vie pour
le mystère sublime de la conception imma-
culée de Marie, et de verser mon sang pour
soutenir la constante virginité de la mère de
Dieu.”
Chaque jour, elle récitait l'office de la
Sainte Vierge, de l’immaculée Conception
et le rosaire ; elle exhortait sans cesse les
personnes qui se recommandaient à ses
prières de recourir à la mère de miséricorde,
2 2 Cr a
tirer Pa AS Dome
ER
pre
Le
ASE
oh
5
patents mean ane ges me em
68 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE
assurant que jamais sa prière avait été reje-
tée. Elle se confiait à Marie comme une
enfant à sa mère, lui faisant part de
ses joies comme de ses douleurs. Elle ne se
présentait jamais à la Sainte Table sans lui
avoir auparavant exposé son dénuement, et
sans lavoir suppliée de couvrir sa misère du
manteau de ses vertus pour être mieux ac-
ceuillie du Roi du ciel.
Un tel amour et une si profonde vént-
ration ne pouvaient manquer de Jui attirer
en retour des faveurs signalées. La Ste.-Vier-
ge lui apparut fréquemment, et remplit son
cœur d’ineffables consolations. Nous avons
déjà relaté la promesse que la mère de
Dieu lui avait faite, dans son enfance, d’être
sa procctrice. Il lui fut donné de voir, dans
une vision béatifique, l’entrée triomphale de
la Reine des cieux dans la cité de Dieu ;
elle fut son soutien dans les persécutions de
ses premières années de noviciat, son espi-
rance et sa consolation,. lorsqu’elles s’élevè-
rentcontre elle comme des montagnes,
Un jour qu’elle priait instamment la
Mère du bel amour, de lui obtenir le don
L)
é reje-
e une
rt de
ne se
ns lui
ent, et
ère du
eux ac-
véné-
attirer
e.-Vier-
ht son
s avons
ère de
, d’être
ir, dans
hale de
Dieu ;
tions de
mn espé-
s'élevè-
8,
ment la
le don
L)
LE KAUFBEUREN 69
d'aimer Dieu de plus en plus, elle lui appa-
rat avec l'Enfant Jésus, qui, agréant sa
demande lai dit : ‘Voici mon amour, ma
bien-aimée, qu'il te soit donné de m’aimer
uutant que tu le désires.”
Une autre fois, c’était le jour de Noël,
bien que souffrante, et au lit, elle éprouva
un grand désir d'offrir toutes ses douleurs à
l'enfant nouveau-né, et demanda à Marie de
les présenter elle-même à Jésus de la manière
-yu’elle jugerait lui être agréable.
Aussitôt la Vierge imrnuculée lui appa-
rut avec son fils, qu’elle mit dans les bras de
Crescence en disant : ‘ Voici que vos souf-
Et le Divin
Enfant, d’une voix caressante, lui répondit :
frances vont être adoucies.””
“C'est ton humilité et tes souffrances, qui
n’ont conduit vers toi ; celui qui me cher-
che me trouve, et en moi la vie, je ne me
laisse point vaincre en générosité. Vois
Sois fidèle, per-
sévère, et je te comblerai de grâces.” La
combien ton désir m’a plu.
Vierge reprit l'enfant des bras de Crescence,
en disant : ‘Je suis l1 mère du bel amour
et de l'espérance.”
A ET marne ar
70 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
Ces visions pourraient paraître incroya-
bles À des chrétiens indifferents, mais l’his-
toire des saints abonde en traits semblables
qui témoignent de leurs hautes vertus, en
même temps qu'ils rendent un hommage de
gratitude à la munificence céleste.
Elle uvait aussi une grande dévotion à
son ange gardien, qui l’entoura visiblement,
en maintes occasions, de son dévouement et
de sa protection, ainsi que pour les saints
Archanges Michel, Raphaël, Gabriel. C’est
à celui-ci surtout qu’elle avait recours dans
les attaques incessantes du démon.
Un jour, comme la cloche annonçait
l’angelus, elle demanda à Dieu de faire
entendre cette voix bénie à l’univers, afin
que tous s'unissent avec les anges et les
saints, et spécialement avec Gubriel, pour
saluer la mère de Dieu. Cette prière venait
a peine d’tteindre le ciel, que l’Archange
Gabriel lui apparut. Il entonna d’une voix
pleine de douceur exquise, la salutation
Angélique, et elle entendit dans sa vision
toute la cour céleste, s’unir pour chanter en
chœur les louanges de leur Reine.
1Cr'o Y'i-
s l’his-
blables
tus, en
age de
otion à
ement,
ent et
saints
C’est
s dans
nonçait
e faire
rs, afin
et Îles
1, pour
> venait
change
1e voix
utation
vision
iter en
DE KAUFBEUREN 71
Si. Joachim et Ste. Anne étaient ses
patrons préférés. Elle avait fait exposer
leurs tableaux, et dans le cloître, et dans la
chapelle, et elle regrettait beaucoup que
Joachim, l’aïeul de Jésus, ne fut pas honoré
particulièrement dans l’église ; elle n’eut de
repos que lorsqu'elle eut réussi, grâce à l’aide
wénéreux de personnages haut placés, à faire
acceuillir par le saint Siège que la fête de
St. Joachim fut célébrée solennellement dans
toute l’église. Sa joie fut grande lorsque
Clément XII, en 1738, agréant sa requête,
étentdit, dans toute l’église, la fête de ce
grand saint.
Cette fête instituée, double majeure, par
Clément XII, en 1738, fut déclarée par
décret, de Sa Sainteté Léon XIII, fête dou-
ble de seconde classe.
Chose digne de remarque, un grand
nombre de saints, se plaisaient À l’assister et à
la favoriser de visions, St. Ignace, St. Fran-
cois Xavier, St. Louis de Gonzague, tour à
tour, venaient s’entretenir avec elle dans ce
commerce mystique.
en
!
1,
k à
kr ?
À W.
La À
SE À
PS
ne :
FC
à
Le F
131 ER
à de.
72 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
St. Louis de Gonzague venait souvent
partager ses labeurs. Un jour qu’il fallait
taire du feu, et qu’elle était impuissante À
lever les pesantes buches de bois. ‘ O Saint
Louis de Gonzague, cria-t-elle, avec une
naïve simplicité, venez m'aider,” celui-ci,
obéissant à cette voix connue, accéda à son
désir, et s’emparant d’une longue paire de
pincettes fit lui-même le feu. :
Ce fourgon rustique se voit encore au
couvent, et on le conserve comme une reli-
que.
ouvent
fallait
sante à
) Saint
ee une
“elui-ci,
à À son
ire de
ore au
VI
Don de prière et de contemplation — L'anecdote
du Poirier — Visions intellectuelles Etrennes à
Jésus,— Amour et compassion Au prochain— Un
mendiant au couvent de Mayrhoff— Le plateau d'ar-
gent. —
Crescence possédait à un dégré éminent
le don de la prière et de la contemplation.
Ainsi n’avait-elle pas besoin de suivre les
règles ordinaires de la méditation, son âme
d’un essor léger et naturel pénétrait dans les
sphères de la contemplation, et bientôt un
74 LA VÉNÉRABLE MARIE CRESCENCE
transport extatique s'emparait d'elle. Rien,
à part l’obéissance, ne pouvait la distraire.
Tout son être, témoignent les personnes qui
l’ont vue, réflétait alors une profonde dévo-
tion : sa figure exprimait un rayonnement
céleste, ses yeux à demi fermés n’avaient
aucun mouvement, elle tenait ses mains
cachées sous son scapulaire, il se répandait
quelquefois de son corps comme un par-
fum délicieux.”
“ Un jour, raconte la sœur M. Auger,
la mère supérieure m’intima d'aller chercher
Crescence à la chapelle, qu’une personne
désirait la voir, je la trouvai à son prie-Dieu,
à genoux, droite, immobile, je fus saisie de
frayeur. Cependant je me dominai et lui
dis : Ma sœur, veuillez descendre, quelqu'un
à affaire à vous, je ne reçus aucune réponse,
et ne pouvant découvrir aucun signe de vie
chez elle, je courus en toute hâte prévenir la
mère supérieure, que j'avais trouvé Cres-
ceuce inanimée dans sa stalle, elle m’or-
donnx de retourner et de lui dire que la
supérieure le lui commandait. A peine
avais-je prononcé les mots : ‘ Vénérable
Rien,
traire,
1es qui
» dévo-
\ement
vaient
mains
>andait
n par-
Auger,
sercher
rsonne
Dieu,
sie de
et lui
elqu'un
;ponse,
de vie
renir la
Cres-
m’or-
que la
peine
érable
1]
[2 |
DE KAUFBEUREN
mère ” qu’elle reprit aussitôt connaissance,
se leva et se rendit auprès d'elle. Et pen-
dant tout le temps que j’ai vécu au couvent
de Kaufbeuren, Crescence, après la sainte
communion, perdait la connaissance de tout
ce qui se passait autour d’elle pour se fondre
en Dieu.”
Voici un fait ramarquable qui est bien
attesté : C’était durant les quatre années de
persécutions dont nous avons déjà parlé.
Un jour que dans sa cellule elle se lamentait
de ne pas voir son céleste fiancé, le deman-
dait aux échos du ciel et de la terre, son
ange gardien lui apparut, lui dit de jeter un
regard par la fenêtre, et elle vit tran-
quillement et immobile sur une branche de
poirier au milieu de la cour, le divin époux
de son Âme, alors que l’arbre était violem-
ment agité par la tempête, et que la branche
qui le portait menaçait à chaque instant de
se rompre sous l'effort du vent. Ivre de
joie, la servante de Dieu s’écria : ‘“ O mon
Sauveur, que faites-vous donc là ? Venez
vous reposer dans mon cœur : Le seigneur
répondit : ‘Ma fille, de même que je
. Ÿ S
O
&, \ Se
Ÿ Va
Ÿ <
4
67 PFÉÈÉ
<= dia =
25 CFP =] ©
O QI
Æ ÈE
25 Pr
25
2
PA
> &, :.#
» CAN D AOC
NT PSC
La
76 LA VÊNERABLE MARIE-CRESCENCE
demeure en paix et tranquille sur cet arbre,
bien qu’il soit violemment secoué, ainsi je
me repose dans ton cœur. T4 peux bien
penser que les tempêtes l’ussaillent et le
remplissent, tout de même, je suis 1à.”
La vision s’effaça au bout d’un quart d’heure,
euviron, laissant dans le cœur de la perséeutée
une consolation et une joie indicibles, qui lui
permirent de supporter mieux encore l’aban-
don et le délaissement dont elle était
l’objet.
Après lu mort de Crescence, on vint
solliciter un si grand nombre de poirier
qu’on le réduisit en cendre, et lon attribue à
cette cendre, dite, poudre de Crescence, une
vertu extraordinaire.
Il n’est pas hors de propos, de faire
remarquer ici que la théologie distingue trois
sortes de visions : la vision corporelle que
l'on voit, que l’on entend et que l’on sent,
comme lorsque le Sauveur apparut à ses
apôtres après sa résurrection. Il ya ensuite
la vision d'imagination, celle qui consiste à
se représenter comme véritable, des tablaux
divins que se forme l’imagination. Celle-ci
aire
rois
que
ent,
ges
uite
te à
aux
le-ci
_r d
DE KAUFBEUREN 77
est sujette à l'erreur. Enfin, la vision intel-
lectuelle par laquelle il est donné de saisir,
d'une lumière extraordinaire, lesplus hautes
conceptions divines, et cela, plutôt à la
manière des anges qu’à celle des hommes.
Celle-ci est de beaucoup plus certaine et plus
efficace. Nous n’entendons pas dire, cepen-
dant, que la perfection consiste simplement
dans ces visions , loin de nous cette pensée
que condamne la théologie ; c’est de cette
dernière vision, que Crescence fut fréquem-
ment favorisée. Elle ne se laissait pas empor-
ter par son imagination ; elle n’acceptait ces
grâces qu'avec réserve et après en avoir fait
part à son confesseur,
Les âmes du purgatoire, les anges et
les saints, la mère de Dieu et son divin fils,
ju Sainte Trinité en faisait le sujet ordinaire
de ces visions.
Le jour de la fête de la Sainte Trinité,
elle offrit dans une vision son intelligence à
la toute. puissance de Dieu le Père, sa
volonté à la sagesse du fils, et sa mémoire à
l'amour du St. Esprit Son âme, pour
réponse, reçut cette parole. ‘Nous ne for-
78 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
mons qu’un : la Sainte-Trinité.”
Le Sauveur lui apparut dans une cir-
constance, entouré d’anges, et tout rayon-
nant de joie. Toute confiante, la fiancée du
Christ en demanda naïvement la raison :
“C’est parce que, hier,tu as parlé avec onction
et persuation de mes divines perfections,
fait connaître et apprécier ma miséricorde,
admirer et vénérer ma bonté, mon amour et
ma générosité. Il me fait grand plaisir de
voir mon peuple reconnaître le bien et s’y
attacher ; il me fournit ainsi l’occasion de
le combler de miséricordes, car c’est leur
bonheur que je cherche. Va donc, et
apprends aux enfants des hommes, combien
je suis bon ! ”
Pour étrennes du premier de l’an, elle
s’offrit elle-même en holocauste à la volonté
divine, pour être consumée par le feu puri-
ficateur des souffrances, des croix et de l’a-
mour. En récompense, le Christ laissa tom-
ber de ses lèvres, ces paroles : “Ton offrande
m'a plu ; mais sache que je ne permets pas
qu’on me vaine en amour : voici mon
cœur ouvert par l’amour, je te le donne
n
>
|
1%
1)
UP,
DE KAUFBEUREN 79
pour être ton séjour, ton asile et ta défense
contre tes ennemis.”
Dieu lui fit voir un jour un fertile et
riche pâturage, qui cependant était parsemé
de ronces et d’épines. “Voïs-tu, dit-il, ce
pâturage ? bien que rempli d’épines, il est
cependant très-bon, il n’en est point de
meilleur : mon amour te nourrira de souffran-
ces qui te rendront semblable à moi. Telle
a été ma nourriture chaque jour de ma vie
terrestre : je te réserve, à toi ma chère bre-
bis, la même part de souffrances, mais je
t'assisterai de ma grâce, je te rassasierai de
joies inexprimables, et j’étancherai ta soif
dans un océan de délices.”
Cependant, au milieu de cette vie inté-
rieure et surnaturelle, Crescence ne cessait
pas d'accomplir les règles ordinaires de la
communauté ; elle prenait même plaisir à
les exécuter simplement, jusque dans les
détails les plus vulgaires.
Lamour de Dieu a pour complément
naturel l’amour du prochain. Crescence
éprouvait en effet pour les autres une cha-
rité que ne pouvaient détruire ‘ou affaiblir,
a
80 LA VÊÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
ni la méchanceté ni l'injustice, ni même
l'ingratitude des hommes, maïs cet amour,
cette compassion n'avaient pas leur inspira-
tion dans le terre-à-terre des choses humai-
nes. La source en était plusélevée. ‘“ Elle
semblait, dit un témoin, n’être pas née pour
elle, mais pour les autres.”
Elle avait un don spécial pour consoler
les affigés, c'était toutefois pour les pécheurs
qu’elle avait le plus d’attraits. Elle avait
un pouvoir irrésistible pour ramener à Dieu
les personnes éloignées de leurs devoirs, et
les faisait trembler en leur dévoilant les
secrets de leur conscience, que lesprit seul
de Dieu pouvait lui faire connaître. Un
regard, une parole suffisait souvent. pour
convertir le pécheur le plus endurei.
Sa compassion pour les faibles et les
malades ne connaissait pas de bornes ; elle
voulait les assister et partager leurs souf-
frances ; jour et nuit, elle leur prodiguait les
soins les plus difficiles et les plus répugnants.
Une vieille religieuse, la mère Dorothée
Osterrieder, était affectée d’une maladie si
repoussante que les autres religieuses ne
Lee
ème
lour,
pira-
imai-
‘Elle
pour
isoler
heurs
avait
, Dieu
rs, et
it les
seul
Un
pour
et les
: elle
souf-
ait les
nants.
rothée
adie si
ses ne
DE KAUFBEUREN 81
pouvaient dominer leur dégoût. Crescence
se fit sa garde-malade, et son zèle grandit
avec le mal ; elle poussa l’héroïsme de la
mortification jusqu’à mettre dans sa bouche,
à l'instar de Ste. Catherine de Sienne, peut-
être pour se punir d’un sentiment involon-
taire de répulsion, les expectorations mal-
saines de la malade, |
Ëlle triompha également de son dédain
naturel, dans deux autres circonstances, où,
non contente de nettoyer et panser les bles-
sures que. deux sœurs avaient aux pieds,
elle alla même jusqu’à en extraire le pus
avec sa bouche. Elle confondait dans un
même sentiment de charité et de commisé-
ration ses ennemis et les pauvres.
Quelqu'un eut l’'inconvenance, alors
qu’elle était considérée comme sorcière par
ses calomniateurs, de lui cracher à la figure ;
aussitôt Crescence se jette à genoux et lui
demande humblement pardon. |
Par un froid rigoureux de l'hiver, un
vieux mendiant \ l’air misérable, racontent
le Père Ott et la sœur Gabriel, se présenta
à la porte du couvent et demanda l’aumône
tt ee ses
82 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
d’une paire de chaussures. Emue de pitié,
Crescence fit le tour du couvent sans pou- |
voir s’en procurer ; allant trouver la supé-
rieure, elle la supplia à genoux, les larmes
aux yeux, de lui permettre d’ôterses propres !
souliers, et de les offrir au pauvre indigent. |
Sa prière agréée, elle courut toute joyeuse (
les lui porter. Le personnage disparut
aussitôt, laissant sur le parquet l’empreinte
de ses pieds sanglants. On eut point de L
peine à connaître le nom de celui à qui
Crescence avait fait la charitce. e
L’on conserve avec une grande véné- il
ration dans la cellule de la pieuse religieuse,
à Kaufbeuren, un plateau d’argent dont
| voici la touchante histoire : Un mendiant,
ee inconnu à Kauf beuren, vint solliciter l’au-
mône. Crescence le reçoit. Voulant honorer
Jésus-Christ dans ses pauvres, elle prend
un plateau d'argent qui se trouvait sous sa
main, et tend à l’indigent un morceau de
pain. Celui-ci l’accepte, et disparaît subi-
tement. Crescence étonnée jette les yeux sur
le plateau, et elle lit ces paroles gravées au
fond, en caractères distincts : ‘ En récom-
E
e pitié,
S pou-
x supé-
larmes
propres
idigent.
joyeuse
lisparut
apreinte
oint de
ui à qui
e véné-
igieuse;
nt dont
endiant,
ter l’au-
honorer
e prend
t sous Sa
ceau de
ait subi-
yeux sur
avées au
| récom-
DE KAUFBEUREN 83
pense de ta bonne action, je te donnerai la
vie éternelle.”
Nous avous vu nous-mêmes, lors de
notre visite au couvent de Kaufbeuren, ce
plateau qui porte encore l’empreïinte visible
des caractères ainsi tracés par une main
invisible,
Nous pouvons donc conclure avec un
témoin du procès de sa canonisation :
‘ jamais personne n’eut de rapports avec
elle sans recevoir lumière, consolation et
assistance.”
Dévotion pour les âmes du purgatoire.—L'intima-
tion de la supérieure.— Secours et délivrance. — Le con-
seiller Scholl.— Témoignage du curé de Kemnat.— L'œu-
vre des Auxiliatrices du Purgatoire— Foudation.— Pro.
grès croissants.—
La Vénérable Crescence avait une com-
passion si grande pour les âmes du Pur-
gatoire, qu’on peut la comparer au dévoue-
ment d’une mère qui endure dans son cœur
toutes les souffrances de son enfant malade.
Elle recherchait avec empressement tous les
moyens pour les secourir, leur sacrifiant
volontiers ses prières et ses actions.
intima-
Le con-
— L'œu-
— Pro.
COM
Pur-
voue-
| cœur
alade.
us les
ifiant
DE KAUFBEUREN 85
Semblab'e à la veuve de l'Evangile, elle
vursa tous ses biens, sa vie entière, c’est-à-
dire toutes ses œuvres de satisfaction pour le
châtiment temporel dû au péché, dans le
trésor de l'Eglise, en faveur des Âmes qui
ont à payer dans l’autre moule leurs dettes,
jusqu’à la dernièreobole. Souvent quelques-
unes de ces âmes lui apparaïissaient avec
la permission de Dieu, lui relatant leurs
souffrances et implorant son secours. Son
dévouement dès lors ne connaissait plus de
bornes ; elle ne se lassait point tant qu’elle
ne leur avait pas obtenu adoucissement ou
délivrance.
On raconte à ce sujet plusieurs anec-
dotes qui méritent d’être rapportées ici :
En 1718, Crescence tomba très malade.
Interrogée par la mère Johanna Altweger,
si du moins elle dormait la nuit, elle répon-
dit négativement. Sur les instances de la
supérieure, elle lui déclara que les pauvres
âmes du purgatoire lui apparaissaient, et
que leurs plaintes, leurs gémissements, leurs
supplications, rendaient tout sommeil im-
possible. Celle-ci, crut à propos d’interve-
|
|
|
}
|
86 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
nir : € I] faut que vous vous reposiez, dit-
elle, autrement vous ne pouvez résister
longtemps. Si donc les âmes du purgatoire
viennent vous importuner ce soir, je veux
que vous me les renvoyiez ; l’obéissance vous
fait une loi dé dormir.’ [La servante de
Dieu obéit fidèlement, maïs la pauvre supt-
rieure n’eut pas plus tôt vu et entendu ces
apparitions, dans sa propre cellule que, prise
de frayeur, elle ne put faire autrement que
de les supplier d'aller de nouveau auprès
de la sœur malade. Klle raconta elle-même
le fait aux religieuses le lendemain, jurant
de ne jamais tenter semblable aventure, à
l'avenir.
Le 19 octobre 1716, Crescence, au son
de langelus se rendait au chœur, lorsqu’elle
remarqua un nuage blanc s’avançant au-
devant d’elle. (C’est sous cette forme, que les
pieuses Âmes se manifestaient d’ordinaire à
elle.) Sans savoir quelle était cette Âme, elle
pria pour elle. Le même jour, mourait à
une grande distance, à Ratisbonne, le Père
Wagner, jésuite, qui lui avait voué une gran-
de admiration. La nouvelle de sa mort n’at-
tel
, dit-
ésister
atoire
“veux
e VOUS
te de
su pé-
U ces
, prise
nt que
uprès
-même
jurant
sure, à
au 80h
qu’elle
nt au-
que les
aire à
1e, elle
irait à
> Père
gran-
t n’at-
DE KAUFBEUREN 87
teignit Kauf beuren que trois jours après.
Le 21 octobre, il apparut à Crescence,
et lui demanda le concours de ses prières,
disant que Dieu ne lui avuit point permis de
se faire connaître la première fois. 1l souf
frait surtout de la privation de la vue de
Dieu, Le 23, après uvoir prié ardemment à
une messe offerte À son intention, elle eut la
consolation de revoir la même âme, rayon-
nante et entourée d’une splendeur céleste, la
remerciant de son assistance.
Pendant son noviciat, uu jour que Cree-
cence était à prendre une légère collation
avec les autres sœurs, tout-à-coup la porte
du réfectoire s'ouvre et se referme aussitôt
avec violence. L’effroi s’empara de toutes
les religieuses ; seule Crescence ne s’alarma
point et demanda à la supérieure de lui per-
mettre d’aller voir s’il n’y avait point quel-
qu'un au dehors. Elle sortit en effet et vit
une religieuse qui lui dit d’un ton lamenta-
ble, qu’elle avait autrefvis habité le couvent,
et que depuis neuf aus, déjà, elle était dans le
purgatoire ; elle la conjura de prier pour sa
prompte délivrance et indiqua des prières et
88 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
des bonnes œuvres spéciales à être offertes à
cette intention. Peu de temps après, Cres-
cence eut le bonheur d’être assurée de la
délivrance de cette Âme.
Trois nuits de suite, un gémissement
se fit entendre dans sa cellule, Elle deman-
da enfin à cette Âme qui elle était. La voix
reprit qu’elle était celle d’un jenne soldat de
lu garde du comte, à Munich, récemment
», 11)! ,. , . . \
décédé, qu’il était venu peu avant assister à
la profession religieuse de sa sœur à Kaut-
,
à
beuren ; qu’il avait abrégé sa vie par un
usage immodéré de l4 boisson, et qu'il était
condamné pour cela à souffrir des tourments
inexprimables. ‘ Si vous ne venez à mon
aide, dit-il, je devrai souffrir autant d’années
que j’en ai vécu de moins, à cause de mes
excès.” La sainte religieuse se dévoua pour
cette Âme qu'elle revit plus tard ‘entrant glo-
rieusement dans le ciel.
Voici une autre anecdote, de toutes, la
plus remarquable.
C’était en 1718 Le 21 novembre, mou-
rait François Joseph Scholl, conseiller, et
un des officiers les plus importants à la Cour
ertes à
| Cres-
de la
sement.
emaNn-
sa Voix
dat de
ment
ister À
Kaut-
ar un
l était
ments
à mon
innées
> mes
a pour
nt glo-
tes, la
») Mmonu-
ler, et
, Cour
LE KAUFBEUREN 89
du comté, à Kemnat. Le même jour, Eres-
cence entendit un bruit singulier dans ses
papiers, comme si quelqu'un ent cherché on
fouillé parmi eux, et ce bruit se répéta le
soir et le lendemain matin. Elle entendit alors
distinctement ces paroles : “je suis l’âme de
Scholl, priez pour moi.” Quand au bruit
insulite qu’elle avait remarqué, la voix dit
qu'il se manifesterait plusieurs fois encore,
et qu'il lui en dirait la raison dès .que Dieu
le lui permettrait. Cela continua ainsi jus-
qu'au 7 décembre. Alors la même voix se fit
entendre et avoua à Crescence que pendant
qu’il arrangeait ses affaires durant sa der-
nière maladie, quelqu'un vint réclamer la
réparation d’un dommage qu’il lui avait
causé ; qu’il avait congédié cet homme rude-
ment, en lui disant que d’après ses papiers
il n'avait rien souffert. Il (Scholl), avait
fait erreur, l'individu se trouvait à perdre qua-
tre florins. [’âÂme pria la servante de Dieu
de parler de l’affaire au curé de Kemnat, et
de convaincre la veuve du conseiller,:de répa-
rer le dommage causé.
Crescence fit part de tout ce qui s'était
90: LA VÉNÉRABLE MARIE CRESCENCE
passé au curé de Kemnat, alors confesseur du
couvent. Il se rappela aussitôt que quel-
qu’un s’était plaint de ce personnage, et chose
étrange, cet homme lui avait rapporte
exactement les mêmes paroles que Crescence
entendit lors de l’apparition. Le tort fut
aussitôt réparé, et le bruit dans les papiers
cessa ; mais cependant, les gémissements et
les supplications du défunt continuèrent,
Le premier janvier suivant, l’apparition lui
dit que Dieu lui avait annoncé une délivran-
ce prochaine. Le 6, Crescence avait offert
pour cette âme, des messes que quatre prêtres
lui avaient promis de dire en même temps,
à son intention. La dernière de ces messes
fut dite, entre dix et onze heures, et au même
moment, le conseiller défunt lui apparut
-dans une splendeur extraordinaire, et la
remercia avec effusion de son aide. Elle
viten esprit cette Âme conduite par les
anges duns le ciel, et accueillie avec joie
devant le trône de Dieu.
: Le Père Ott ajoute : “ Le Père Meichel-
beck, curé de Kemnat à qui Crescence com-
muniqua tous les détails de cet incident, en
eur du
quel-
chose
porté
scence
rt fut
apiers
nte et
èrent,
n lui
ivran-
offert
rêtres
lemps,
messes
même
parut
et la
Elle
ar les
ce joie
ichel-
com-
nt, en
DE KAUFBEUREN 91
mit par écrit toutes les circonstances, de
telle façon qu’on ne peut nullement douter
de la vérité de cette anecdote.
Ces faits attestés par des personnes
éclairées et prudentes, ne sauraient soulever
le mépris ou la dérision, d'autant plus que
la doctrine de l’Eglise nous enseigne l’exis-
tence d’un purgatoire, et que les âmes qui y
sont détenues, peuvent être secourues par
les prières des fidèles, et d’une manière eft-
cace, surtout par le saint sacrifice de l’autel.
Parmi les dogmes de la foi catholique
il n’en est guère de plus propre à stimuler
la piété que celui du purgatoire. La prière
pour les morts est en effet un immense sou-
lagement à la douleur ; elle rétablit un com-
merce qui semblait à jamais rompu; elle
répare les ruines que le péché a amoncelées.
Que de fois n’entend-on pas les protestants
eux-mêmes, manifester leur admiration
pour ce culte d’outre-tombe, et nous envier
les compensations qu’il nous apporte !
De nos jours, en 1856, naquit à Paris,
de l'inspiration d’une pieuse femme, Eugé-
nie Smet, une association religieuse. dont le
\
92 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE
but principal et en quelque sorte unique cst
le soulagement des âmes du lurgatoire par
la prière, la souffrance et les bonnes œuvres.
Prier, souffrir, agir pour les âmes du
purgatoire, telle est en effet la devise de
celles qui s'intitulent elles-mêmes ‘“ Auxi-
liatrices.”” C’est pour acquitter leur rançon
qu’elles prient ; toutes leurs œuvres sutisfac-
toires sont d'avance offertes pour lu déli-
vrance de ces captifs retenus dans les chai-
nes de l’expiation. A la pénitence elle joi-
gnent le travail ; aux exercices religieux elles
ajoutent les héroïsmes de la charité : Aller
gratuitement à domicile soigner les maludes
pauvres, les assister à leurs derniers moments,
+
les ensevelir lorsqu’ils ont expiré, s’intéres-
ser aux femmes âgées et aux jeunes person-
nes du monde, ouvrir des écoles profession-
nelles pour le peuple, où l’enfant, la jeune
fille, le vieillard viennent tour-à-tour cher-
cher consolation, et secours en. même temps
qu'ils y trouvent force et lumière, telle
est l’œuvre accomplie, dans ce siècle d’oubli
de Dieu. et d'incrédulité, par les : Dames
Auxiliatriees du purgatoire.
que cast
ire par
eu vres.
es du
'ise de
Auxi-
auçon
tisfac-
déli-
chai-
Île joi-
x elles
Aller
aludes
ments,
ntéres-
)JersO1-
ession-
Jeune
cher-
temps
telle
oubli
Dames
DE KAUFBEUREN 98
Déjà, répondant à un besoin du cœur
comme à un désir des peuples, cette fonda-
tion à pris une extension extraordinaire.
Des rameaux féconds se sont implantés dans
toutes les parties de la France, et sur toutes
les plages. La catholique Belgique, la pro-
testante Angleterre, ont accueilli avec joie
et bienveillance cette institution nouvelle, et
n’ont pas tardé à en apprécier les bienfaits.
Les Auxiliatrices, échangeant de grand cœur
les joies du foyer et les liens de la patrie
contre les joies de l’immolation et les conso-
lations de l’apostolat, ont pénétré jusque
dans la Chine, et il y a une couple d’années,
elles venaient de ce côté de l’ Atlantique,
confier à la terre des Etats-Unis si bien pré-
parée à tous les élans généreux, et aux plus
abondantes moiïssons, le germe précieux
de cette dévotion à la fois si consolante et
ai salutaire.
Paris, ce berceau de tant de dévoue-
ments sublimes, a vu, l’année dernière, s’éle-
ver dans ses murs, auprès de la chapelle
expiatoire à Montmatre, une de ces commu-
nautés d’Auriliatrices, qui, comprenant que le
Re
94 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
salut de la France est uniquement dans le
retour à la croyance de ses pères, fournit
gratuitement et généreusement à une popu-
lation avide de foi et de vérité, le pain béni
de l'instruction et de l’éducation religieuse,
Espérons que, dans un avenir prochain,
l’on verra cette œuvre prendre racine sur ce
sol du Canadu, où le souvenir des rc :ts est
si vivace, et leur culte si en honneur, et
produire les plus abondants fruits.
ans Je
urnit
popu-
à béni
leuse,
‘hain,
sur ce
‘ts est
ir, et
VIII
L'amour de la souffrance— Mortifications et
pénitences— La croix de bois— Crescence modèle
d'humilité et d'abnégation— L'obéissance, le bdton
du pélerin— Le sas rempli d'eau.— L'autorité. —
De même que l’amour-propre immodéré
recherche sa satisfaction dans la jouissance
immodérée des sens, ainsi l’esprit de Jésus-
Christ, s’élevant contre la chair, évite les
plaisirs des sens comme son plus cruel enne-
mi. C’est pourquoi ÜCrescence s’efforçait
96 LA V£ÊNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
sans cesse, non-seulement de renoncer aux
plaisirs du monde, maïs même, s’imposait
continuellement des pénitences et des priva-
tions corporelles. [’amour du boire et du
manger était son premier ennemi ; elle l’ap-
pelait volontiers, ‘“ son ennemi domestique.”
‘ [l ne faut manger, disait-elle à ses sœurs
en religion, que par nécessité et non par
plaisir.” On lui reprochait fr:quemment s4
trop grande sévérité pour elle-même, Sa
réponse était toujours : ‘ L’homme ne vit
point seulement de pain, mais se nourrit de
,
la parole de Dieu. ” Sa vie était un jeñne
continuel, et tout le monde se demandait
comment elle pouvait subsister avec une
nourriture si pauvre et si minime. Elle s'était
fait une règle de ne pas s’arrêter an goût de
ce qu’elle prenait. Pendant la plus grande
partie de son existence, elle ne faisait qu’un
repas, le midi; quelquefois elle passait
deux ou trois jours sans manger.
Pendant sa dernière maladie, eile ne
prit aucun aliment pendant six semaines :
la sainte communion était sa seule nourri-
ture.
seu
mèê
lui
con
lors
tait
rép
bus
plu
d’e
ral
cl
aux
)osait
riva-
et du
l'ap-
que.”
œu l'
| par
nt sa
, Sa
e vit
it de
eñne
ndait
une
était
t de
ande
u’un
esait
LÉ KAUFBEUREN 97
L'eau fut pour plusieurs années son
seul et unique breuvage, et ce n’était pas
même de l’eau fraîche. Cette mortification
lui étuit d'autant plus pénible qu’elle était
consumée par une fièvre ardente, Souvent,
lorsqu’elle ne se croyaïît pas vue, elle ajou-
tait toutes espèces de choses amères, ou
répugnantes même, à ce qu’elle mangeaît ou
buvait, à tel point qu’elle en était venue à ne
plus goûter ce qu’elle prenait.
De même pour les autres sens. Loin
d’en rechercher les jouissances, elle savou-
rait avec empressement les exhalaisons
malsaines et délétères qui s’échappaient
des malades Elle $se refusait toute
position qui put lui procurer quelque
repos et le confort, soit en voyage, à l’ou-
vrage ou à la prière et ne se permettait
aucun appui.
Toutes ces mortifications ne purent sa-
tisfaire l’esprit de pénitence qui animait
Crescence, comme en témoignent ces
paroles tirées de son cœur : “Plus nous
clouons notre corps à la croix, disait-elle,
plus nous supportons avec patience les offen-
Pie oh area rem re mermterc octets mmnmnrens me 2e mes ee de
98 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRE&CENCE
ses dont nous sommes l’objet, plus nous
devons espérer de grâces dans ce monde et
dans l’autre.” Elle s’appliquait, à inventer
de nouvelles manières de torturer davantage
son pauvre corps, mais jamais elle ne mit ses
désirs à éxécution sans avoir auparavant
reçu l’adhésion de son directeur de cons-
cience.
Son sommeil ne durait jamaiïs plus
que deux ou trois heures, rapporte son confes-
seur, le Père Pamer. Et encore infligeait-elle À
son corps une position gênante. 1l lui arriva
souvent, dès sa jeunesse, de coucher sur la
dure, Plus tard elle occupait un lit, il est
vrai, mais elle s’y couchait sur une longue
croix de bois que l’on conserve encore avec
vénération dans sa cellule. Et lorsque cette
satisfaction lui fut refusée, à cause de son
âge et de sa faiblesse, elle trouva une com-
pensation dans les souffrances atroces qu’é-
prouvait son corps, dès. qu’elle s’étendait
dans son lit : C’était tantôt un feu dévorant
qui brûlaïit ses chaïrs, et tantôt un froid qui
glaçait tous ses membres. Elle gardait
cependant la même position tant que l’on ne
nous
nde et
venter
antage
it ses
avant
cons-
plus
‘onfes-
t-elle à
arriva
sur la
il est
ongue
e avec
> cette
e son
com-
qu’é-
endait
orant
id qui
ardait
on ne
DE KAUFBEUREN 99
Jui faisait pas un ordre de se lever.
Elle ajoutait à ses privations, en se fus-
tigeant cruellement. Son corps et ses bras
étaient entourés de cilices piquants, qu’elle
ne quitta presque jamais. Elle gardait sur
sa poitrine, en mémoire de la Passion du
Christ, une croix de près d’un pied de long,
hérissée de pointes aigues. Sur sa tête nue
elle portait en souvenir de la couronne d’é-
pines, un cercle d’aiguillons de fer qui lui
causait une douleur intense.
Chaque fois qu’elle en avait la permis-
sion, au moins une fois mais plutôt trois fois
par jour, elle se frappait de verges, et si
rudement que le sang coulait. Ses habits
collaient tellement à ses plaies qu’elle ne
pouvait les enlever saus aide. Crescence
célait avec soïn ses instruments de discipline ;
mais un jour, le sœur chargée de lui aider,
constata avec stupeur des lambeaux de chair
sanglants collés aux clous de son fouet de
torture.
Quelques uns de ces appareils de sup-
plice, existent encore, maïs on croit qu’elle a
détruit les plus cruels, peu avant sa mort.
100 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE
Audelà de trente ans après, ils portaient
encore les traces visibles de sang et répan-
daient un agréable parfum tout alentour.
Un nombre considérable de personnes attes-
tent avoir elles-mêmes constats le fait.
Elle avait aussi l'habitude de mettre de
petits caïlloux dans ses chaussures afin de
se rappeler et de vénérer les traces sanglan-
tes des derniers pas du Sauveur. C’est dans
ces conditions qu’elle fit, par exemple, les
pélérinages à St. Wendélin, à Notre-Dame
des Douleurs, à Ebeuhofen et à St. Michel.
Si elle consacra sa personne à des mor-
tifications qu’on ne peut qu’admirer sans
pouvoir les imiter, l’humble religieuse s’at-
tacha encore davantage au renoncement de
sa propre volonté, et à se dominer entière-
ment ; elle atteignit un dégré de perfection
auquel peu d’âmes arrivent. Toutes les
passions de l’homme semblaient mortes en
elle.
* L'humilité, disait Crescence, ne con-
siste pas à courber la tête et à donner libre
cours à des paroles d’abaïissement, maïs plu-
tôt à se connaître soi-même et ses péchés, et
taient
LE KAUFBEUREN 101
à bien comprendre la grandeur de Dieu, et
par là se détacher de la considération et de
l'amour des hommes.” ‘“ Faites Seigneur,
s'écriait-elle, que je vous connaisse ! Vous
seul connaï «ez ma faiblesse, je m’anéantis
et je vous prie d'agir en moi et de me con-
duire selon que vous le jugerez à propos.”
Elle n’eut pas de misère à pratiquer
cette vertu. Jamais elle ne rechercha gain
ou avantage pour elle-même; la réputation,
les honneurs du monde n’occupèrent point
ses pensées, Par contre, elle s’estimait la
plus pécheresse de la terre, en ce sens que
relativement aux grâces reçues, elle leur
avait opposé une résistance moins excusable
vu leur nombre incalculable, que pour les
personnes qui en avaient reçues moins.
D'un autre côté c’est le propre de humilité
de reconnaître chez soi les plus légères
taches, sans se préocuper des défauts des
autres, et ne voir en eux que le bien qu'ils
ont accompli ; et la grâce a pour effet de
mettre en lumière ses propres fautes tout en
laissant dans l’ombre celles d’autrui.
Elle ne pouvait comprendre que l’on
102 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
s’adressât à elle pour obtenir des prières ou
conseil. “ Je suis un rien détestable, assurait-
elle, un ver de terre, une paille inutile, je’
suis indigne du pain que je mange, du soleil
qui luit audessus de ma tête, de la terre qui.
me supporte, je mérite d’être honnie de la
société.” Ce sentiment était si profond
dans son Âme que, sur son lit de mort, elle
demanda, qu’au lieu de la couronne de roses
ordinaire, une couronne de paille rustique
ceignit son front.
Partout et toujours elle recherchait la
dernière place à tel point qu’elle ne se con-
sidérait pas digne d’être avec les pau-
vres..
Le Père Ott assure qu’elle réussissait si
bien à cacher ses vertus qu’on en connais-
sait 4,peine la millième partie. Quand l’obéis-
sance lui faisait un devoir de les dévoiler
Crescence rougissait ; et c’était avec confu-
sion qu’elle se rendait au désir de ses supé-
rieurs. Elle évitait d’ailleurs toute singu-
larité ; au chœur, à table et à la récréation,
elle tenait une conduite si conforme à celle
de ses autres compagnes qu’un observateur
2 2.7
fond
elle
oses
ique
it la
con-
pau-
it si
nais-
béis-
iler
nfu-
upé-
igu-
ion,
elle
teur
DE KAUFBEUREN 103
superficiel n'eut rien remarqué d’extra-
ordinaire. |
Les louanges lui répugnaient, et quand,
dans les dernières années de sa vie, les per-
sonnages les plus distingués venaient lui
rendre visite, attirés par sa renommée, Cres-
cence s’en attristait et s’excusait en disant
qu’elle savait bien laver les plats dans la
cuisine mais qu’elle ignorait complètement
comment converser avec les grands de la
terre. Elle se conduisait devant eux avec
une extrême modestie et une grande réserve
mais sans affectation, les yeux baiïssés, les
mains cachées sous son scapulaire. C’est
devant les nobles et les princes surtout
qu’elle prenait plaisir à mentionner qu’elle
était la fille d’un pauvre tisserand, accueillie
par charité dans le couvent, n’ayant apporté
aucune dot quelconque.
Si fuir les honneurs est chose difficile,
accepter avec plaisir le mépris et la disgrâce,
les rechercher même avec avidité, est encore
plus difficile. Et cependant, on peut dire
qu'aucune femme du monde n’éprouve au-
tant le désir de plaire que Crescence ressen-
104 LA VENÉRABLE MARIE-CRESCENCE
tait celui d’être méprisée et conspuée. Un
étrauger, qui ne la connaissait point, rappor-
tait, un jour devant elle, qu’il avait entendu
dire que Crescence était une sorcière et était
en prisou : “* Grâce à Dieu je ne connais
rien de cela, répondit-elle simplement, m
mes péchés m'ont bien mérité de sem blabies
et même de plus grands châtiments.” Aussi
souvent qu’elle pouvait le faire sans manquer
à l’obéissance et à la sainteté du lieu, elle
faisait intentionnellement des fautes gros-
sières et de lourdes bévues, soit en chantant,
soit à l’ouvrage ou À la conversation, ou
bien quelque remarque insensée, de manière
à s’attirer le ridicule.
On peut dire avec vérité que l’humilité
et l’amour constituent les traits caractéris-
tiques que l’on remarque chez cette pieuse
religieuse. Elle avait compris et appliqué
à la lettre dans sa conduite cette parole des
proverbes : ‘‘que là où l’orgueil réside, il y a
aussi quelque chose d’injurieux, tandis que
la sagesse est la compagne nécessaire de
l'humilité.”
L'obéissance pour (Crescence n'était
VO
Un
ppor-
endu
était
nnais
“+
labies
ussi
iquer
elle
gros-
tant,
, Ou
inière
nilité
téris-
ieuse
liqué
e des
ya
que
e de
DE KAUFBEUREN 105
point basée sur des considérations humaines :
elle avait sa racine dans la foi. ‘“ L’obéis-
sance, disait-elle, est le bâton du pélerin, avec
lequel lâme marche sûrement dans le
chemin, de lu vertu ou plutôt vole dans le sen-
tier étroit de la perfection jusqu’à ce qu’elle
ait accompli le voyage du Temps à l’Eter-
nité”” Elle s’appliqua à linculquer dans
l’esprit des autres, et enseigna à ceux qui
furent sous sa direction, à considérer les
supérieurs et le confesseur comme les délé-
gués de l'autorité Divine, à acquiescer res-
pectueusement et de bon gré à leurs ordres,
comme s’ils venaient de Dieu lui-même.
Les motifs et les qualités de celle qui
lui manifestait la volonté de Dieu lui étaient
indifférents. Il lui importait guère qu’elle
fut jeune ou âgée, intelligente ou ignorante,
bien disposée ou préjugée contre elle. ‘“ Si
Dieu m’imposait d’obéir à une allumette de
souffre, je le ferais volontiers,” avait-elle
souvent habitude de dire.
Son esprit de foi lui faisait sacrifier
volontiers son corps et son âme, sa volonté
et son jugement, en un mot toute sa vie in-
106 LA VÉNÉRABLE MARIE CRESUENCE
térieure au désir de ses supérieurs ; comme
son Divin époux elle était obéissante jusqu’à
la mort.
Au premier signal de la cloche ou au
premier appel de autorité, CUrescence laissait
là sou ouvrage, quelqu’il fut ; à table, avait-
elle déjà même porté la cuillère à su
bouche qu’elle s’arrêtait subitement et rem-
plissait d’abord l’ordre reçu. Toujours
elle demeura fidèle à cette belle maxime :
‘* Ne rien faire par soi-même, faire tout par
obéissance.”
Nous ne relutons pas ici les luttes
qu’elle eut à supporter de la part de la Mère
Teresa Schmid, qui allait jusqu'à lui com-
_imander de se faire victime de la moquerie
et de la dérision de tous. Qu'il nous suffise
de rappeler cette réponse mémorable :
‘ Si ma supérieure et un ange me comman-
duient à la fois quelque chose, j’obéirais tout
d’abord à ma supérieure, parce que il ne
peut y avoir de déception dans cette obéis-
sance, car le Seigneur a dit : “ Celui qui vous
écoute m’écoute.”?
Nous avons déjà raconté la manière
DE KAUFBEUREN 107
omme 4 dont la Mère Johanna, fut amenée par des
usqu'à motifs sérieux à lui imposer de pénibles
épreuves. Ajoutons iei quelques autres épiso-
u au | des :
aissait Un jour, durant l’hiver, la supérieure
avait- lui dit d'aller faire des pelottes de neige et
à sa de venir les sécher à la chaleur du poële.
t rem- Crescence obéit sans hésitation, mais quand
ujours la neige vint à fondre et à couler sur le plan-
xime : cher du réfectoire, plnsienurs religieuses se
ut par formalisèrent d’un acte si niaïs, et lui jetèrent
à la figure l’injure que jamais avant elle
luttes aucune créature si stupide était entrée dans
à Mère un couvent ; elles allèrent s’en plaindre à la
com- supérieure, qui imposa une sévère punition
querie à Crescence, Celle-ci la remplit fidèlement.
suffise | en silence, sans qu’un murmure ne séchap-
rable : | pât de ses lèvres. Par obéissance, elle cou-
nma - sentait À balayer le plancher avec le manche
is tout nu du balai, ou bien elle mettait jen terre
il ne des plantes la tige en bas et les racines en
obéis- | dehors. |
1i vous La mère Johanna lui dit nn jour de
rester À un certain endroit du jardin, Dieu
anière | permit qn’elle oublia de Ja rappeler.
108 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE
L’obéissante fille y séjourna plusieurs heures
durant, bien qu’une autre sœur lui reprochât
une paresse inqualifiable, jusqu’à ce qu’enfin
la supérieure l’envova quérir.
Une obéissance si extraordinaire méri-
tait d’être récompensée. Elle le fut en effet,
comme on le verra par cette anecdote dont
l'exactitude est attestée par plusieurs témoins,
et qui fut publiée dans le temps, par toute
la ville :
La mère Johanna avait commandé à
Crescence d’aller chercher de l’eau à un
puits près de la eacristie, dans un sas ou
tamis dans lequel il avait des trous de la
largeur du poing. L’humble religieuse
prend le sas, se dirige en hâte vers la fon-
taine, le rapporte rempli d’eau et traverse
ainsi la cour, le réfectoire jusqu’à la cham-
bre de la supérieure. Toute surprise et per-
plexe, celle-ci fait comme si rien d’anormal
n’était arrivé et lui ordonne d’aller jeter
l’eau au ruisseau et d’accrocher le sas à sa
place ordinaire. Les sœurs Krimer, Pez et
Kempter, témoins du fait, n’en pouvaient
croire leurs yeux. Une autre fois elle em-
eures
ochât
’enfin
verse
cham-
't per-
ormal
jeter
à sa
ez et
aient
> em-
DE KAUFBEUREN 109
plit, par obéissance, une cuve d'eau en se
servant de ce même sas et la vida de la
même manière,
Durant les dernières années de sa vie,
un jour qu'elle était si malade qu’elle n’a-
vait pas mangé depuis longtemps, le Père
Provincial exprima l'opinion qu’elle devait
prendre quelque nourriture. Elle la prit
en effet sur l’ordre qu’on lui en fit, mais à
peine l’avait-elle absorbée qu’elle en ressen-
tit de violentes douleurs, et son état s’ag-
grava tellement qu’on crut qu’elle allait
succomber, Comme ceux qui l’entouraient
mauifestaient leurs regrets et leur anxiété,
elle dit : * Il n’est point nécessaire de vivre,
mais il est absolument nécessaire d’obéir.”?
Crescence resta fidèle à la règle qu’elle
s’était imposée de ne rien faire autrement
que par obéissance, non-seulement dans ses
œuvres de mortification et ses occupations
journalières, mais même dans la réception
de la sainte communion, bien que, pour elle,
la privation de cette manne céleste lui était
insupportable. Elle s’abstenait cepeudant de
s'approcher de la sainte table, si on le lui or-
110 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
donnait. Le jour d’une fête spécialement
chère à son cœur, elle s’approchait avec les
autres sœurs pour communier lorsqu'on l'en-
voya à la cuisine ; elle obéit sans murmure,
Même dans ses visions, elle prenait congé
de l'Enfant Jésus dès que le signal de la
eloche se faisait entendre. La vertu d’obéis-
sance lui était plus précieuse que les visions
ou les miracles. Dans ses extases, quand,
détachée de la terre, elle etait inaccessible
aux sensations extérieures, cependant la
voix de l’obéissance, un simple mot, la rame-
nait à elle. Toute trace de volonté person-
nelle s’effaça graduellement en elle par la
grâce de Dieu, et elle réalisa en tous points
cette parole de St. Thomas à Kempis :
‘ Cherchez sans cesse à faire la volonté des
autres plutôt que la vôtre propre.” Lors
de son élection comme supérieure, Crescence
voulut s’exempter de cet honneur, mais
du moment que fut prononcé le mot d’obéis-
sance, elle inelina la tête et accepta la charge
avec résignation. Toutefois, elle pria le
Père Provincial de lui nommer une sœur à
qui elle put avair le mérite d’obéir dans tout
aIne-
rson-
ar la
oints
pis :
2 des
Lors
*ence
mais
béis-
arge
a Île
ur à
tout
DE KAUFBEUREN 111
ce qui regarderait sa personne. La sœur
Neth lui fut adjointe comme assistante. Il
était édifiant de voir jusqu’à quelles limites
cette vraïe fille de St. François et sa digne
initatrice pratiqua cette obéissance et com-
bien elle v fut fidèle. Elle ne parlait jamais
à une personne étrangère, n'allait jamais
au parloir, et même souvent n’usait de ses
droits comme supérieure,sans en avoir préa-
lablement obtenu la permission de son assis-
tante. En un mot, elle dirigeait ses inten-
tions vers Dieu et faisait ce qu’on lui com-
mandaît, dans toute la simplicité de son
cœur, et par amour pour Dieu.
Nous aurons occasion de relater et
d'admirer plus loin son inaltérable soumis-
sion, jusque sur son lit de mort.
IX
Un ange dans la chair— Candeur du jeune âge. —
La force de l'exemple— Détachement des biens ter-
restres.— Prévoyance — L'offre de la Duchesse
de Savoie— Le legs de Crescence.— Révélation.—
Document écrit.—
‘ Dans l’état religieux, la chasteté est
la pupille de l’œil ; on doit la protéger con-
tre la plus légère atteinte.” (C’est en ees
termes que Crescence exhortait ses sœurs en
religion, à pratiquer cette vertu ; maïs son
être tout entier respirait si fidèlement la
âge.—
ns ter-
chesse
tion.—
LE KAUFBEUREN 113
chasteté virginale et la modestie, que son
seul regard inspirait l'amour de cette vertu,
mieux que les plus éloquentes paroles.
Le Père Binner, de la société de Jésus,
avait l’habitude dela surnommer l’ange fait
chair et un autre, le Père Pamer, disait que
par cette vertu elle était moins un être
humain qu’une sainte du ciel ou un ange
sans Corps.
Elle eut, relativement à cette vertu, le
bonheur de jouir de trois rares prérogati-
ves : D’abord, sa réputation était si imma-
culée que jamais aucun doute ne s’éleva sur
son innocence, ce qui est étonnant, car pen-
dant la plus grande partie de sa vie, elle
avait dû setrouver en contact avec des adver-
saires préjugés et des calomniateurs rusés ;
maïs sa modestie virginale était tellement
imprimée dans tout son être, ses manières
si aisées et sa réserve si pleine de noblesse
que l'œil le plus défiant n’eut pu découvrir:
en elle aucun fonde ment au plus léger soup
çon. Fes
En second lieu, elle n’a point commis.
de péché véniel contre cette vertu, du moins
114 LA VÉNÉRABLE MARIE CRESUENUE
autant que l’on peut en juger. Ses confes-
seurs l’affirmèrent, et elle-même s’écriu plus
d’une fois: “J'aimerais mieux mourir mille
fois, que de souffrir l’ombre d’une faute
contre cette vertu.”
Enfin, elle fut une de ces âmes privilé-
giées, dont l'imagination même n'a jumuis
éprouvé de tentations contre la pureté. Elle
conserva l’innocente et inconsciente candeur
de l’enfant jusqu’à un Âge très avancé, et
n’eut jamais le désir de connaître quoique
ce fut du vice opposé. Plusieurs fois, elle
s'ouvrit en toute simplicité à son confesseur
et à ses compagnes de couvent de cette gran-
de grâce.
Nous avons vu déjà que, dès l'âge de
six ans, Crescence avait fait vœu de perpé-
tuelle chasteté et pris St. Louis de Gonzague
pour patron et modèle. Elle avait fait un
pacte avec ses yeux des’abstenir de regards
vains ou indiscrets, et le respecta à tel point.
que des religieuses, qui ont demeuré long-
temps avec elle, disent qu’elles n’ont jamais
pu voir ses yeux suffisamment pour en dis-
tinguer la couleur. “Une seule fois, dit le
onfes-
u plus
r mille
faute
rivilé-
jumuis
. Elle
indeur
né, et
101que
is, elle
esseur
C gran-
ge de
perpé-
IZAgUE
ait un
egards
point.
long-
jamais
n dis-
dit le
LE KAUFBEUREN 115
ère l’amer, qui la visita souvent durant sa
dernière maladie, la timide fille de St. Fran-
cois leva la vue sur moi. C'était quelques
inisan5s avant sa mort. ??
Celui de ses yeux
qui pouvait se mouvoir se fixa sur lui avec
un accent de tendresse, qui ne s’effaça jamais
de son souvenir.
Une parole, un mot Ini semblait-il im-
modeste, aussitôt elle pâlissait et se mettait
À trembler de tous ses membres. La con:
versatiou touchait-elle à la beauté d’une per-
sonne, à une robe élégante ou à un mets
délicieux, elle ne pouvait s'empêcher de rou-
gir et s’en allait, jugeant ces propos indignes
de la fiancée de Jésus-Christ. Bien qu’elle
aimât la musique, et qu’elle chantât bien,
elle ne prètait l’oreille qu'aux hymnes reli-
gieux et aux morceaux sacrés qui pussent
inspirer des sentiments pieux.
Il semble que Dieu lui avait accordé la
faveur de combattre l’impureté chez les
autres et d’augmenter en eux l’amour et là
pratique de la chasteté. Plusieurs personnes
confessèrent ouvertement avoir été délivrées
de violentes tentations de ce genre, par un
116 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENUE
seul regard de cette ange dans la chair, ouà ! av
son seul souvenir ; et après sa mort, elle 3 re
ji secourut d’une manière efficace ceux qui 4 sai
| eurent recours à ses prières, à ce sujet. | jo
Les Pères Pamer et Ott témoignent bl
qw’ils ont souvent eu, durant leur ministère Een
de prêtres, des preuves remarquables de cette
puissance. Le Père Ott cite en particulier, de
le cas d’un jeune homme qui était adonné et
aux pires -entraînements. Sur son avis il qu
implora l’intercession de la vierge défunte bi
et aussitôt il fut exaucé, et ne retomba dé
plus dans ses fautes. Ecoutons les conseils ca
maternels qu’elle donnait aux novices: no
‘: Nous ne saurions être trop sur nos gardes, au
sur ce point dangereux, il faut veiller sans | di
cesse pour saisir ces ‘“ pelits renards. ” êt:
Laissés à eux-mêmes ils vont détruire la 1è\
vigne du Bien-Aimé. Ces renards sont : + ric
la curiosité des yeux, la loquacité de la lan-
gue, le rire immodéré, l’efféminement de la to
nel vie, le désœuvrement et les fréquentations.
| Les Personnes consacrées ont un fiancé m
|| | jaloux qui réciame le cœur tout entier et ne et
peut souffrir qu’une autre créature le partage
iancé
et ne
rtage
DE KAUFBEUREN 117
avec lui. Il faut fuir les amitiés particuliè-
res, bien qu’elles paraïssent spirituelles et
saintes dans le principe ; elle finissent tou-
jours par devenir dangereuses et préjudicia-
bles. En un mot, l’humilité est la seule
sauvegarde de la chasteté.”
Nous avons déjà vu que l’amour-propre
de Crescence était soumis à la mortification
et à l'humilité. Il en découle naturellement
qu’elle devait être tout-à-fait détachée des
biens terrestres et qu’elle devait posséder à
dégré éminent cette pauvreté évangélique,
car l’amour-propre est la lourde chaine qui
nous rattache à ce qui est audessous de nous,
aux vaines créatures. Les paroles suivantes,
dites du fond de son cœur, indiquent quelle
était la plénitude de sa pauvreté : “je ne
lèverais pas un pied pour acquérir toutes les
richesses du monde.”
Dans les choses temporelles elle préféra
toujours le dénuement à l’abondance.
Elle avait connu et ressenti dans la
maison paternelle les misères de la privation
et de l’indigence, elle dont la pauvreté avait
été l'héritage. Et cependant, l’argent, les
118 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
biens terrestres la laissaient complètement
indifférente : “ Que vais-je faire avec cette
paille et ce caillou, disait-elle, en parlant de
ce sujet.? ” |
Aussi trouvait-elle une consolation inex-
primable à ne rien posséder par elle-même,
à part Dien seul. Elle évitait toujours de se
servir à part du mot mien en parlant des choses
laissées à son usage, et s’abstenait de dire
mon lit, ma cellule. Elle se considérait la
religieuse admise au couvent par compassion,
et ne prétendait à aucune satisfaction, même
la plus légère. Elle mangeaïit à peine et
quand on lui servait une nourriture qu’un
mendiant eut dédaignée et refusée, elle s’en
véjouissait du fond du cœur.
Elle entrait si parfaitement dans l’es-
prit de pauvreté du couvent aw’elle ne se
servait ni n’empruntait jamais rien, pas
même un morceau de papier ou une aiguille,
sans la permission au préalable de lu. supé-
rieure. Elle ne voulait pas qu’on dit la messe
À son intention sans en avoir d’abord obtenu
l'autorisation.
Son esprit de mortification s’étendait non-
emert
cette
ant de
hinex-
A
même,
sde se
choses
dire
ait la
ssion,
A
mêrne
ine et
qu’un
le s’en
s l’es-
ne se
1, pas
guille,
_supé-
messe
btenu
itnon-
DE KAUFBEUREN 119
seulement à la privation de nourriture, mais
encore au vêtement ct à l’ameublement de
sa cellule ; elle n'avait pas de lumière dans
sa chambre, se contentant du reftet qui lui
parvenait par celle d’en face. Jamais du-
rant sa maladie, elle manifesta le désir de
quelque soulagement.
Sévère pour elle-même, elle était indul-
wente pour les autres et aimait surtout les
personnes âgées, faibles où malades, et
enviait presque leur panvreté.
Elle employait avec la plus grande
economie tout ce que lon contfiait à sa
direction. A la cuisine, rien ne se gaspillait,
pas même une bouchée de pain ; pas un mor-
ceau de bois ne se brûlait inutilement. Ce
qui pouvait servir, fut-ce même un bout de
fil ou un copeau, elle le ramassait avec soin
pour qu'il ne fut pas perdu inutilement,
mais qu’il atteigne la fin pour laquelle Dieu
l'avait crée,
Un des plns pénibles sacrifices d’obéis-
sance que Crescence éprouva, fut lorsque la
supérieure lui intima de garder dans sa
chambre des objets que la sainte pauvreté
=
om
ET ES
120 LA VÊNRRABLE MARIE-CRESCENCE
ne lui permettait pas, à son sens, d’y conser-
ver. Des dames de distinction avaient sol-
licité la maîtresse générale de forcer la ser-
vante de Dieu à accepter certains présents,
comme de magnifiques peintures ou des
fleurs pour décorer le petit autel de sa cellule.
La supérieure n’osa pas refuser, et Crescence
dut consentir ; mais bientôt elle trouva un
moyen d’en disposer en faveur des pauvres
ou des églises.
Elle refusa toujours d'accepter aucune
aumône pour elle-même, et recevait-elle
quelques présents, aussitôt elle allait les
remettre entre les mains de la supérieure,
sans se préoccuper du mode de leur distri-
bution. Elle en agit ainsi même pour une
aide destinée expressément par un bienfai-
teur à sa sœur malade et affligée. La Du-
chesse de Savoie, qui avait pris sous sa pro-
tection les nièces de Crescence, voulut la
gratifier d’une rente annuelle de deux cents
florins dont elle pourrait disposer avec l’ap-
probation des supérieurs. On ne put déter-
miner Crescence à accepter cette somme
soit. pour ellemême ou la communauté.
pnser-
it sol-
L ser-
seuits,
1 des
llule.
cence
a un
uvres
icune
it-elle
it les
ieure,
\istri-
r une
enfui-
y Du-
à pro-
ut la
cents
DE KAUFBEUREN 121
Elle suggéra à la bienfaitrice d’accorder
cette gratification plutôt au pauvre couvent
de Clares, à Heïlbron, quise trouvait au cen-
tre du protestantisme. La noble douarière
fut si grandement édifiée par ce désintéres-
sement, tout de charité, qu’elle créa une ren-
te de cinq cents ftorins à ce couvent d’Heil-
bron et plus tard elle la porta à sept cents
florins.
Pour récompenser la pieuse religieuse
de n'avoir pas compté sur les secours hu-
mains, mais s'être confiée uniquement dans
l'esprit de pauvreté et dans Lui seul, Dieu
combla le couvent de Kaufbeuren d’une
abondance telle que l’on peut considérer
Crescence, sous le rapport matériel, comme
sa seconde fondatrice.
Sur son lit de mort, elle remercia avec
effusion le Seigneur de lavoir fait naître et
mourir pauvre, et réitéra aux religieuses sa
reconnaissance pour lavoir accueillie par
pitié, elle, pauvre fille indigente, et l’avoir
endurée si longtemps. Elle ajouta qu’elle
avait cependant une faveur nouvelle à leur
demander : de vouloir bien, après sa mort,
A ee
122 LA VÉNÉRABLE MARIE CRESUENCE
recevoir au nom du bon Dieu, pour
prendre sa place, une pauvre fille sans dot.
‘“ Le Christ lui avait promis, dit-elle, de rc-
compenser la communauté pour cet acte de
:Varité.” Les sœurs, les larmes aux yeux,
lui promirent d’exécuter son désir. On
sonsevre encore dans le couvent un docu-
ment trouvé après sa mort, écrit de sa pro-
pre main dans lequel elle relate cette deman-
de, avec la promesse À elle faite par le
Christ. C’est, croit-on, la seule fois qu’elle
mit par écrit une révélation. Elle se lit
comme suit :
‘ Un jour, je priai mon Bien-Aimé de
daigner récompenser le grand amour témoi-
gné par mes chères sœurs, en m’acceptant,
moi pauvre et indigne créature, dans ce
saint ordre et de m'avoir admise à fäire
profession ; je le suppliai aussi de vouloir
bien combler le couvent de ses saintes béné-
dictions, de leur accorder les biens temporels
nécessaires, et de les préserver de tout mal
et du corps et de l’Âme ; que cependant sa
sainte volonté fut faite ! Alors mon Bien-
Aimé répondit :—“Mon enfant, j'ai entendu
pour
s dot.
de rt-
cte de
yeux,
. On
docu-
a pro-
eman-
par Île
qu’elle
se lit
mé de
témoi-
eptant,
ans ce
à faire
vouloir
3 béné-
iporels
it mal
ant sa
Bien-
tendu
LE KAUFBEUREN 123
ta prière et dans ma sagesse j'ai décidé
qu'après ta mort, je retirerai quelque peu
mes bienfaits et mes grâces, ufin qu’elles con-.
naissent et voient de quel prix est ma grâce ;
après cela leurs yeux s’ouvriront.”’—‘Ah !
Père bien-aimé et Divin Epoux, je vous en
conjure par votre amour, ne les privez pas
pour un long temps de votre divine grâce.
Hâtez-vous de les secourir. —Mon bon Sau-
veur reprit: ‘“ Mon enfant, si après ta mort
elles reprennent une autre personne dans le
couvent pour l'amour de moi, je les comble-
rai de nouveau de mes bénédictions, maïs
elles devront n'accepter qu’une postulante
vertueuse et de bonne volonté et quand
celle-ci mourra, la remplacer par une autre
et continuer ainsi dans la suite ; Voicila ma-
nière dont j'ai entendu ta prière ; ces
paroles que je viens de te prononcer, mets-
les par écrit, afin qu'on puisse les trouver
après ta mort et suivre ces conseils.” —C'est
ce que j'ai fait sur son ordre et par obéis-
sance”?
Cette demande a toujours été fidèlement
remplie par les sœurs de Kaufbeuren.
Maîtresse des Novices et Supérienre— Fantes
dévoilées.— Nécessité de la méditation— Adminis-
tration de la fille du tisserand.— Seconde fondatrice. —
Les six ailes des Séraphins— Le chapitre des fautes. —
St. Antoine de Padoue—
La Vénérable Crescence remplit pendant
vingt quatre ou vingt huit ans, la charge si
importante de maîtresse des novices, avec
le plus grand succès. La lumière d’une
sagesse surnaturelle qui la guidait, l'efficacité
d’un exemple si parfait de toutes les vertus,
Fantes
Ldminis-
atrice.—
autes.—
ndant
rge si
_ avec
d’une
icacité
vertus,
DE KAUFBEUREN 125
la puissance de sa prière, avaient tant d’effet
qu’elles produisaient d’abondants fruits mé-
me dans les cœurs mal disposés. Personne ne
pouvait résister longtemps à la force de son
humilité et de son amour.
Bien qu’elle connût la perfection et la
sainteté requises d’une âme consacrée à Dieu
dans l’état religieux, et qu’elle fut à même
d'en décrire l’idéal dans un langage éloquent,
cependant, elle connaissait trop bien la faibles-
se de la nature humaiïne pour demander trop
à la fois. Elle condescendait avec une patience
et une indulgence de mère aux imperfections
de ses élèves et réussissait à vaincre de gran-
des fautes par l’indulgence.
La sœur Weiss rapporte le fait suivant :
“ Un jour que durant mon noviciat, je m’é-
tais montrée indisciplinée et j’avais repoussé
avec obstination ses admonitions maternelles,
Crescence me reprit, il est vrai, par des
paroles pleines de fermeté, maïs ensuite vint
me montrer elle-même avec bonté comment
m'y prendre pour faire les ouvrages les plus
simples, me recommandant d’y apporter
toujours de la bonne volonté, et elle répéta
126 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
eette leçon trois ou quatre fois ; je puis dire
avec vérité que sa simple vue était pour moi
une leçon continuelle d’hamilité, d'amour et
de charité.”
La sœur Anger assure que Crescence
supportait avec la plus angélique patience
les plaintes et les reproches injustes formulés
par les religieuses professes contre la maî-
tresse des novices, même lorsqu’elles
s'étaient trompées ou avaient commis quel-
que faute.
Jour et nuit, à toute heure on la trou-
vait prète à consoler, à instruire et à éclairer
ses filles spirituelles dans les difficultés.
Aussi les novices avaient-elles une gran-
de confiance et une respectueuse vénération
pour leur maîtresse ; elles trouvaient auprès
d’elle, consolation, avis et force. Elle avait
surtout le don de relever et de confirmer dans
la voie de la perfection les cœurs timides et
abattus. La sœur Miller raconte que du-
rant son noviciat elle fut obsédée par une
pensée de découragement au point qu’elle
avait presque décidé de quitter le couvent.
S’en étant ouverte à Crescence, elle en reçut
cence
tience
mulés
A
maî-
’clles
quel-
> gran-
ration
auprès
> avait
r dans
ides et
Le du-
r une
qu’elle
uvent.
| recut
Cd
DE KAUFBEUREN 127
un si puissant encouragement d’espérance
en Dieu que, depuis ce jour, elle jouit d’une
paix sans mélange. |
Elle exerçait une surveillance active sur
les novices, s’enquérant de ce qu’elles fai-
saient, les reprenant avec douceur, les habi-
tuant à la pratique journalière de quelques
petites mortifications des sens et de la volon-
té, ce qui, d’après elle, était plus important
que de châtier le corps et de se livrer à de
pieuses dévotions. La piété, recommandait-
elle, devait être une piété éclairée, basée sur
le renoncement de sa propre volonté :—
‘ Une foule de personnes consacrées à Dieu
atteindraient les plus hauts dégrés de la per-
fection, si seulement elles voulaient se renon-
cer à elles-mêmes et correspondre à la grâce,
sans commettre la folie de vouloir garder
pour elles une parcelle de leur cœur.”
La sainte vénération des novices pour
leur maîtresse avait une base plus profonde.
Elles ne tardèrent point à constater qu’elles
se trouvaient en contact continuel avec une
sainte, qui avait le don de découvrir les
secrets les plus cachés de leurs cœurs. Et
Le ee
Se RE
re mom
128 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
cela est amplement prouvé. La sœur Anger
raconte, entr’autres incidents, qu'ayant été
troublée par une pensée contre la foi, dans
une retraite, Crescence vint tout-à-coup la
trouver, bien qu’elle n’eut communiquée à
personne ce qui se passait au fond de son
âme, et lui parla de ce doute, le résolut et le
dissipa. Plusieurs sœurs déclarèrent qu’elle
leur avait dévoilé des péchés secrets, en le
exhortant à s’en confesser.—
Souvent, pendant ses instructions com-
me maîtresse des novices, elle était ravie en
extase ; sa figure réflétait tantôt la pâleur
de la mort, et tantôt se couvrait d’un vif
incarnat ;— elle demeurait dans cet état un
quart d’heure ou une demi heure. Les no-
vices étaient saisies d’une crainte respec-
tueuse et n’étaient pas peu étonnées de l’en-
tendre dévoiler leurs fautes et leurs tenta-
tions comme si elle eut lu dans le fond de
leurs cœurs. Les entretiens duraient une
ou deux heures, quelques fois davantage, et
elle, si faible pourtant, parlait avec une
aisance et une éloquence qui n’étaient pas
d’un mortel. C’est l’Esprit Saint, disait-on,
Anger
t té
dans
com-
ie en
âleur
in vif
tat un
es no-
"espec-
e l’en-
tenta-
id de
t une
ge, et
C une
it pas
ait-on,
DE KAUFBEUREN 1294
qui parle par sa bouche.”
Elle cherchait avec zèle à inculquer à
ses novices la nécessité et la manière de mt-
diter sur la Passion, sur le renoncement
entier de soi-même, sur la pauvreté de l’es-
pritet de l’état religieux et surtout sur
l'obéissance par esprit de foi.
Elle avait établi deux règles pour le
choix, et la réception des novices :-—“d’abord
de ne point considérer si elles sont riches
des biens de ce monde mais, si elles sont
riches en vertus, et ensuite chaque novice
doit être traitée et conduite d’après ses qua-
lités propres, ses passions, ses besoins et ses
aspirations particulières. Il est ridicule dé
chercher à les conduire toutes par le même
chemin.”
Des principes si éclairés, un exemple si
saint, et tant de prières ue pouvaient man-
quer de produire des fruits au centuple.
Elle forma en vérité de bonnes et pieuses
religieuses dont les vertis se répandirent
au loin.
Qu'il serait à souhaiter que les éduca-
teurs de la jeunesse eussent tous de sembla-
D EP ND AE
4
‘l
%
4
\
}
'
!
Î
130 LA VÉNÉRABLE MARIE CRESUENCE
bles principes. La famille, la patrie, l’ Eglise
en bénéficieraient largement.
Le 23 juin 1741, Marie Crescence fut,
par un vote unanime de la communauté,
élue supérieure, pour remplacer la vénérée
Mère Johanna qui venait de mourir. L’hum-
ble servante fut déconcertée de ce choix ; un
flot de larmes s’échappa de ses yeux, et elle
devint si faible que deux sœurs durent l’ai-
der pour se rendre à l’endroit où la coutu-
me voulait qu’elle s’agenouillât. Elle
supplia de la mettre de côté. — “ Mes chères
sœurs, dit-elle, vous avez élu la plus misé-
vables des créatures ; ‘e suis une ignorante
et n’entends rien aux affaires ; avez-vous ou-
blié que je suis la fille d’un pauvre tisserand ?
Il n’y a rien de bon en moi, et comment
voulez-vous que moi, qui ne sais pas me con-
duire moi-même, je puisse gouverner les
autres ?”” Le Père Provincial Schmid, qui
présidait l’élection, intervint alors et lui dit
que l’obéissance lui faisait une loi d’accepter
la charge. Ce mot d’obéissance eut un
effet magique : ses pleurs cessèrent, sa figure
eprit sa sérénité ordinaire et elle accepta,
Eglise
e fut,
1auté,
snérée
’hum-
X; un
et elle
at l’ai-
coutu-
Elle
chères
misé-
orante
US OU-
rand ?
nment
le con-
er les
d, qui
lui dit
cepter
ut un
figure
>cepta,
LE KAUFBEUREN 131
des mains de Dieu, avec une soumission
entière et comme une croix, cette nouvelle
fonction. Nous avons déjà dit .qu’afin de
ue pas perdre le mérite de l’obéissance, elle
demanda de préposer à sa direction person-
nelle quelqu’une de ses sœurs ; elle eut ainsi
l’occasion de pratiquer à un dégré éminent
la vertu pour laquelle elle avait tant de pré-
dilection.
Pendant près de trois ans, Crescence
dirigea la communauté, avec une prudence,
une fermeté, un zèle et une humilité qui lui
valurent non-seulement l'approbation mais
admiration même des personnes du dehors.
Elle, qui avait si souvent entendu répéter
qu’elle n'avait été reçue que par charité,
qu’elle était à charge et qui en était elle-
même si convaincue qu’elle choïsissait tou-
Jours la dernière place, voilà que mainte-
nant, elle élève le couvent à une splendeur
jusqu'hlors inconnue, tant dans l’ordre tem-
porel que dans l’ordre spirituel, et mérite
d’être décorée du titre de ‘“ seconde fonda-
trice. ”?
Sous sa direction, le pauvre asile de
Kauf beuren devint un paisible petit royau-
132 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE
me d'amour et de piété au milieu des tracas
et des bruits du monde. Les maximes, les
érdonnances et les lois établies p. r elle furent
jugées si sages et si protitables, qu'après sa
mort, on en fit une règle que l’on iuséra
dans la constitution.
Crescence possédait à un haut dégré
ce que St. Bonaventure appelle les six aiîles
des séraphins, c’est-à-dire le zèle de la justice,
la compassion pour les malades et les faibles,
une patience inébranlable, une vie exem-
plaire, la prudence et le discernement, entin
uue tendre piété.
Elle voyait À ce que les employés fus-
sent largement et régulièrement payés, que
tous les comptes fussent soldés sans délai, et
elle prenait elle-même connaïssance des
livres et des dépenses.
Insouciante de sa propre réputation,
elle veillait constamment à l’honneur des
autres, prenant chaque fois la part de l’ac-
cusée. Elle déploya beaucoup de tact, d’im-
partialité et de justice dans la distribution
des diverses charges, d’après les aptitudes,
le caractère et le mérite de chaque sœur.
tracas
es, les
furent
\
"ès s4
inséra
dégré
ailes
ustice,
aibles,
exem-
enfin
s fus-
s, que
lai, et
e des
fation,
r des
> l’ac-
d’im-
bution
tudes,
sœur.
DE KAUFBEUREN 133
Si douce et si conciliante que fut Cres-
cence, elle trouvait la fermeté de reprendre
et corriger au besoin, mais elle ne punissait
jamais qu'après une longue délibération,
sans précipitation, mais avec une fermeté
alliée à une douceur qui gagnait les coeurs.
C'était l'habitude dans ce couvent,
comme d’ailleurs dans un grand nombre
d'institutions religieuses, de tenir un journal
ou cahier des fautes commises par les soeurs.
* Lorsque, comme supérieure, elle présidait
le chapitre des fautes, dit la soeur Gabriel,
on eut cru assister À une école de vertu.
Elle encourageait et cousolait avec une ten-
dresse maternelle. Quand son tour était
venu de confesser ses fautes, elle le faisait à
wenoux, dans l'attitude d’une suppliante,
implorant de ses soeurs pardon pour les
manquements qu’elle avait pu commettre
et les mauvais exemples qu’elle leur avait
donnés. Elle s’excusait de nous avoir admo-
nestés, en recommandant de ne pas las uivre
dans ses égarements mais d'écouter ses ex-
hortations.”?
134 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
Crescence apporta uue prudence extrô-
me dars la réception des auspirantes à l’état
religieux. ‘De cette décision, disait-elle,
dépend l’honneur de Dieu et de la commu-
nauté.”. Durant son supériorat elle ne
reçut que deux novices. Un jour, que le
Père Provincial lui recommandait fortement
une personne riche et appartenant à une
famille noble, Crescence ne put s'empêcher
de dire en voyant la postulante : “celle-ci
n’est pas pour nons.”” De fait, peu de tem}:
après, la jeune fille du monde retournuit
chez elle, de son plein gré.
La zélée supérieure était très sévère
sur les rapports des religieuses avec les per-
sonnes du dehors, fussent-elles parentes on
même dans l’état ecclésiastique. ‘“ Quoiqué
ces fréquentations soient bonnes dans le
principe, souvent elles ne produisent aucun
bon résultat. Elles distraient pour le moins,
changent l'esprit, et tournent aisément le
cœur vers les créatures, tandis que la
réflexion et le silence entretiennent les sain-
es pensées et l'amour de Dieu.”
Les discours mondains de la rueétaient
ai
DE KAUFBEUREN 135
extré- interdits dans le couvent ; ils étaient bannis
l'état scrupuleusement de la conversation. L’in-
t-elle, dolence et l’oisiveté lui répugnaïent. “ Ne |
PEU travaillons point comme des serviteurs qui s |
le ne craignent l’eeil du maître. mais pour Dieu, i k.
ue le en fidèles servantes du Christ.” Aussi était- A
ement elle toujours la première aux travaux Îles } {
une plus avilissants, et souvent les soeurs, à qui if ]
rècher incombaient ces fonctions, trouvaient leur à |
elle-ci ouvrage déjà accompli par une main bien- :
temps faisante, qui n’était autre que celle de leur h
urnuit
bonne supérieure. Jamais elle ne s’abstint
d’un exercice de la communauté, ni même
SURF de la récréation, à moins d’être retenue au
es per- lit par la maladie.
es Dans la première année de sa charge
uoique Crescence fut gravement malade. Une
ans le attaque d’hydropysie la fit souffrir horrible-
sueun ment pendant trois mois. Tous, y compris
moins, les médecins, craignaïent une mort prochai-
ent le ne. Son corps vint à enfler tellement qu’elle ct |
que la ne pouvait plus se coucher ; elle restait même ( ! |
1-88: très difficilement assise. Tout-à-coup, un i
changement s’opéra, elle recouvra bientôt ill
ftaient |
sa santé première à l’étonnement de tout le
136 LA VÉN®RABLE MARIE-CRESCENCE
monde. Comme ses compagnes la question-
uaient à ce sujet, elle leur dit que St. Antoine
de Padoue, son patron, Jui était apparu ct
lui avait annoncé qu'elle ne mourrait point
de cette maladie, et aussitôt le mal avait
disparu.
stion-
itoince
ru et
point
avait
XI
La renommée de Crescence.— Don de prophétie —
Visites distinguées.— . Prédictions— Intendant et
sénateur.— La suppression de l’ordre des Franciscains.—
Le cas de conscience.-—La famille Andréas.—Guérisous. —
Le chapelet de la religieuse et les Luthériens —
: La réputation de la sainteté et de la
sagesse de Crescence ne se borna pas au
diocèse d’Augsbourg, mais se répandit dans
toute l’ Allemagne et même audelà, Attirés
par son renom, conduits par Dieu, les
plus hautes classes de la société, les maîtres
de la science et de la piété accoururent au
138 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
pauvre couvent, les uns pour chercher cou-
fort, les autres conseil dans les affaires épi-
neuses, tous édification et prières.’ Parmi
eux citons la Princesse Amalia, épouse de
l'électeur de Bavière reconnu plus tard par
une partie de |’ Allemagne comme empereur,
sous le nom de Charles VII. Elle vint trois
fois à Kauf beuren rendre visite à l’humble
fille du pauvre tisserand.
On rapporte, à l’occasion de la visite de
Clément Auguste, électeur de Cologne, au
retour d’une promenade en $Souabe qu'il
insista auprès de Marie-Crescence, (qu’on
disait douée du don de la prophétie), pour
qu’elle voulut bien lui dévoiler quelque chose
de son avenir. La religieuse hésita long-
temps, mais cédant enfin aux sollicitations
répétées de son noble interlocuteur, elle lui
dit que bien qu’il eut construit un grand
nombre de châteaux, cependant il ne mour-
rait dans aucun d’eux. L’évènement con-
firma la prédiction. Il tomba malade pen-
dant un voyage à Munich et mourut dans
un château étranger, le lendemain de son
arrivée.
cou-
s épi-
armi
e de
d par
ereur,
t trois
amble
ite de
e, au
qu’il
qu’on
, pour
chose
long-
ations
Ile lui
grand
mour-
| con-
e pen-
dans
e son
LE KAUFBEUREN 139
L’archevèque de Salzbourg, le Cardinal
de Constance, l’évêque d’Augsbourg, la
duchesse de Savoie de la famille Lichtenstein,
le genéral impérial Collovrath de la Moravie,
pour ne mentionner que quelques noms par-
mi un très graud nombre d’autres, vinrent
tour-à-tour rendre hommage à la réclusé
volontaire, et lui demander les conseils et
la sagesse que le pouvoir humain était im-
puissant à donner. Jamais leur attente ne
fut trompée, et on ne connaït aucune per-
sonne qui n’aît été satisfaite audelà de ses
espérances.
Comme bien on le suppose, plusieurs
visiteurs vinrent, poussés par la curiosité où
dans un méchant dessein, soit pour trouve
matière à rire, ou pour tourner en ridicule ce
dont ils seraient les témoins. Un cruel dé-
sappointement les attendait : Crescence gar-
dait alors une attitude si réservée et «i
peu communicative, que l'entretien prenait
fin aussitôt, et ils s’en retournaient en se
disant que la servante de Dieu n’était guère
qu’une femme commune et ignorante. Il
arrivait souvent que ces visites prenaient une
140 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENUE
tournure toute autre que celle attendue.
D’aucuns repartaient houteux et confus ;
d’autres confessaient que Crescence leur avait
dévoilé l’état caché de leur conscience.
“Un ecclésiastique, raconte le Père
Ott, peu soucieux de sa dignité, ayant appris
la visite prochaine de l’archevêque de Colo-
gue, s’imagina de mystifier Crescence. Se
faisant accompagner de quelques personnes,
il se présenta au couvent comme le prélat
attendu. Il fut reçu par les religieuses avec
toute la pompe et l’éclat dus à un si haut
personnage. Seule, la pieuse vierge ne se
prêta pas à l’enthousiasme général et l’ac-
cueillit avec froideur. Se trou. :at à l'écart
avec lui, elle lui révéla quelque chose qui
jusque Ià était pour lui un secret intime, et
lui conseilla d'employer plutôt son temps à
se préparer à la mort ; que dans trois mois
il ne serait plus. Tout bouleversé, le mau-
vais plaisant suivit le conseil et peu après il
mourait en effet.” ù
La correspondance, que Crescence dut
entretenir avec des personnages qui étaient
venus la visiter, était si considérable qu’slle
ndue.
nfus ;
"avait
Père
appris
Colo-
Se
nes,
prélat
Avec
haut
ne se
l’ac-
écart
e qui
ne, et
mps à
mois
mau-
rès il
e dut
aient
qu’elle
DE KAUFBEUREN 141
absorbaït tout le temps d’une religieuse.
llusieurs milliers de lettres traitant de
matières de conscience furent brûlées ; on
en trouva cependant un grand nombre après
sa mort, comme l’atteste un document signé
par le Père Elbel, commissaire général de
l’ordre des Franciscains. D’après ce docu-
ment, il ordonna lui-même d’en brûler huit
cent soixante dix-sept à cause des choses
secrètes qui y étaient contenues. Parmi ces
lettres il s’en trouvait de l’Impératrice
Amalie, de la Princesse Amalie, de l’Impé-
ratrice Elizabeth, de la Reine Josèphe de
Pologne, du roi Auguste III, de l’archevê-
que de Salzbourg, de l’évêque de Brixon,
de la Duchesse de Savoie, etc. etc. Ces
noms démontrent la hauté réputation dont
elle jouissait, et le prestige qu’elle exerçait.
Parmi ceux qui correspondaient sou-
vent avec elle, mentionnons l’albé de Plank-
setten, Maurus Xaverius, qui est mort en
odeur de sainteté. Dans la biographie de
e religieux, on rapporte qu’un jour Crescen-
ce lui ayant adressé un plant de poirier, il
le confia au jardinier pour {e mettre en terre.
ETES
Re
Er SR EME RS PE
ESS
142 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
Celui-ci ne put s'empêcher de remarquer que
ce serait inutile vu que la racine était dessé-
chée. Le Père Maurus insista; et cette
racine devint un arbre magnifique qui don-
na des fruits délicieux.” :
* Un officier de l’armée occupant une
position élevée et adonné à tous les excès,
racontent les actes de béatification, trouva
un jour sur son sécrétaire une lettre cachetée.
A peine l’eut-il parcourue, qu’il resta com-
me foudroyé. Cet écrit contenait le détail
de tous ses crimes, et au bas se trouvait la
signature de M. Urescence Hôss. C’en fut
assez. Il se convertit aussitôt, et écrivit lui-
même à Crescencé pour l’assurer de son
retour à Dieu et lui témoigner sa gratitude."
Un autre grand personnage avait ment
une vie très scandaleuse. Les pi et les
larmes de sa pieuse et digne épouse avaient
été inutiles. Il vint à Kauf beuren et eut un
long entretien avec Crescence. lle parla
si éloquemment à son cœur qu'il en fut tout
troublé, il retourna chez lui, fit une bonne
confession et redevint un mari exemplaire
et vertueux. Sur son lit de mort, il disait
q
(
si
er que
dessé-
cette
1 don-
t une
excès,
rou vi
chetée.
| com-
détail
vait la
en fut
vitlui-
le son
tude.’”
t Wen
et les
vaient
eut un
parla
ut tout
bonne
nplaire
disait
DE KAUFBEUREN 143
hautement : “Que j'estime heureux ceux
qui ont recours aux prières de Crescence.
C’est par son intercession que Dieu m’a
accordé cette grande grâce de ma conver-
sion.” Le Père Ott ajoute que l’âme de ce
jeune homme apparut après sa mort à la
servante de Dieu, la suppliant de le délivrer
par ses prières du purgatoire, comme elle
l'avait, dans le passé, sauvé de l’enfer éter-
nel. Peu après. une révélation lui apprit
sou entrée dans le séjour de la gloire.
Un jeune marchand d’Augsbourg avait,
en peu de temps, dissipé une brillante for-
tune dans les débauches de l’ivrognerie et
du jeu, et résistait aux supplications de sa
famille et de sa mère ; il ne souffrait pas
même qu’on lui parlât de la religion. Une
de ses sœurs, religieuse à Kaufbeuren, le
recommanda aux puissantes prières de Cres-
cence. Ce jeune homme dissolu tomba
tout-à-coup malade et se convertit d’une
manière édifiante ; il mourut dans des sen-
timents d’une componction pénitente, et
avec résignation. D’après le rapport du
Père Ott, lui aussi apparut à l’humble reli-
144 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
gieuse, et lui dit qu’il ne devait son salut
qu’à ses ferventes prières.
Les Âmes, douées de grâces extraordinai-
res pour leur propre sanctification, reçoivent
d'ordinaire de l’Esprit Saint des attribu-
tions merveilleuses, pour le bien-être tem-
porel et spirituel des autres. La vertu de
cette amante de la croix, de cestte fidÿle
épouse du Christ, resplendit du plur bel
éclat par la simplicité et le détachement
dont elle ne se départit jamais, même à l’a-
pogée des honneurs et de lu considération.
Relativement au don de prophétie que
possédait Marie-Crescence, le témoignage du
Cardinal Von Roth, de Constan:e, est d’une
importance majeure. Lorsque ce prince de
l'Eglise vint, en 1770, vénérer le tombeau
de la servante de Dieu, il déclara, en pré-
sence de la communauté et, de plusieurs
ecclésiastiques, que la pieuse religieuse li
avait de son vivant, dévoilé plusieurs événe-
ments concernant l’avenir, et que tous
s’étaient réalisés par la suite,
La sœur Leder fut atteinte, en 1742,
d’hydropisie du cœur ; elle pouvait cepen-
salut
dinai-
ivent
tribu-
tem-
tu de
fidle
R bel
ement
à l’a-
ation.
ie que
ge du
d’une
nce de
mbeau
n pré-
sieurs
se jui
événe-
) tous
1742,
cepen-
LE KAUFBEUREN 145
dant suivre les exercices religieux et aucun
danger n’était appréhendé. . Le 31 mars,
Crescence, alors supérieure, vint la trouver
très à vonne heure, la prévint de se prépa-
rer à la mort et de recevoir sans tarder
l'extrême-onction. Surprise, elle ne laissa
pas d’obéir et se fit administrer le saint-viati-
que. Le lendemain, après avoir assisté à la
messe, la supérieure lui intima l’ordre de
prendre le lit en recommandant à l’infirmiè-
re de ne pas la laïsser un instant. A une
heure de l’uprès-midi, une crise fatale l’em-
portait.
Dans l’année 1731, la sœur Burbaru
Neth, sembla tomber en agonie : les sœurs
infirmières donnèrent, à trois heures, le signa]
ordinaire de la cloche pour assembler les re-
ligieuses auprès du chevet le la mourante,
Deux postulantes, se trouvant à passer par
l’oratoire, y virent Crescence en prières et
demandèrent à leur maîtresse de se rendre
près de l’agonisante. ‘ Retournez sans
crainte à votre onvrage, dit-elle, ce n’est pas
maintenant mais à cinq heures que notre
compagne rendra le dernier soupir.” En
146 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESUENCE
effet comme l’horlorge sonnaït cinq heures, la
religieuse mourait.
A la sœur Pez elle dit qu’elle serait
atteinte d’une maladie qui exigerait de la
séparer des autres religieuses, ce qui arriva
effectivement en 1749.
Un jour, le 23 février 1731, Crescence
rencontrant la sœur Collette au bas de l’es-
calier lui dit à brûle-pour point de se prépa-
rer.à la mort, qu’il en était grand temps.
Celle-ci, qui se portait tout-à-fait bien, n’en
crut rien. Le même soir, au souper, elle se
sentit mal, et fut frappée d'une attaque de
paralysie qui la priva de toute connaissance.
On s’empressa autour d’elle ; elle put heu-
reusement recouvrer ses sens, recevoir l’ab-
solution et l’extrême-onction. Dix heures
plus tard, son corps n’était plus qu’un cada-
vre.
Le Père Troper, prédicateur de l’église
paroissiale, tomba malade mais cependant
son état n’était pas alarmant. Le Père Bin-
ner étant venu faire une visite au couvent.
Crescence le pria de retourner sans tarder
au presbytère administrer les derniers sacre-
en
res, la
serait
de la
arriva
scence
e l’er-
prépa-
temps.
, n’en
elle se
que de
seance.
it heu-
ir l’ab-
heures
n cada-
l'église
sendant
re Bin-
ouvent.
tarder
*S SACTre-
UE KAUFBEUREN 147
ments au religieux. Comme il hésitait, elle
insista si fort qu’il vint raconter à son frère
en religion cette prédiction. Le Père Troper
accueillit ce conseil avec empressement et se
tit donner l’extrême-onction ; à peine les
cérémonies de l'Eglise étuient-elles finie *
qu'il perdit connaissance st mourut le même
soir,
La sœur de Orescence, Regina Hôss,
apprit d'elle, de la même façon, que leur père
bien-aimé devait mourir le lendemain avant
midi, et l'heure précise de la mort de son
mari Joseph Heinritz. Ces deux prédictions
'accomplirent à la lettre.
La sœur Bernaruine Gast était tourmen-
tée d’une grande frayeur de la mort. Cres-
cence lui dit qu'elle aurait à souffrir cette
torture morale, jusqu’à peu de temps avant
sa mort ; que cette tentation ferait alors
place à une paix très douce. Au commence.
ment d’Aout 1713, ses craintes furent chan-
gées tout-à-coup en un désir ardent de la
mort. Le 11 du même mois, elle s’éteignit
dans le Seigneur, joyeuse et souriante. :
Un jeune noble, qui venait de terminer
Be he en PI OT OU OR AE
(à
ft
rs
pl
|
1!
FE)
1,
Ï
1
|
148 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
ses eiuies, avait résolu d’embrasser la carrit-
re militaire. Au cours d’un voyage, il vint
rendre visite à la servante de Dieu et lu;
confia son dessein. Cette dernière sourit et
lui déclara que ce ne serait pas la milice
séculière mais bien lu inilice spirituelle qu’il
joindrait. Il haussa les épaules avec incré-
dulité. Peu après cependant, il entrait dans
la société de Jésus et devint prêtre et pro-
fesseur.
Elle annonça à un citoyen de Kautf beu-
ren, qui n’avait aucune éducation littéraire,
longtemps avant qu'ils se réalisassent, les
évènements les plus incroyables : Il devait
devenir l’intendant d’une noble famille, puis
sénateur, et enfin membre du Conseil Privé
de sa ville natale. (Cet homme avait deux
fils ; lorsqu'ils étudièrent le latin, le père se
joignit à eux avec zèle et fit de rapides pro-
grès. Grâce à son savoir et à son honora-
bilité, la famille noble d’Imhoff lui confia
l'intendance de sa maison, et il devint eu-
suite sénateur de la ville où il était
né.
Pendant que Crescence était encore
JE
carriè-
il vint
et lu;
urit et
milice
le qu’il
» incré-
ait dans
et pro-
ut beu-
téraire,
ent, les
devait
le, puis
l Prive
t deux
père se
les pro-
nonora-
confia
int en-
| était
encore
LE KAUFBEUREN 149
muîtresse des novices, il lui arriva plusieurs
tois de leur dire : ** Vous ne faites guère
attention à ce que je vous dis, maïs viendra
un jour où vous recueillerez toutes mes paro-
les.” Personne ne comprit alors ce que cela
voulait dire, mais, elles se réalisèrent quand,
après sa mort, les religieuses cherchèrent à
se rappeler tous ses enseignements, en vue
de sa béatification.
Nous avons déjà rapporté la prophétie
qu'elle fit au sujet de la suppression et du
rétablissement de son propre couvent. D’a-
près une tradition pieusement conservée,
Crescence, vers 1744, déclara à la supérieure
de la province Saxonne de la Ste. Croix de
l'Ordre des Franciscains, qui était arrêtée la
voir en se rendant à Rome, que cette pro-
vince alors très étendue et très prospère;
serait plus tard tout-à-fait supprimée, mais
que quelques couvents continueraient à exis-
ter cependant ; que ce germe donnerait, en
deux occasions, une nouvelle vie à l'Ordre
de lu Ste. Croix, d’abord imparfaite et qu’en-
suite il allait atteindre à une grandeur et
une extension jusqu'alors inconnues et irait
150 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
planter ses rameaux jusqu’audelà de l'Océan.
Cette double prophétie s’accomplit au com-
mencement de ce siècle. Pendant tout le
temps que demeura en vigueur la loi inique,
proscrivant les institutions religieuses, ceux
des Pères de cette communauté qui survécu-
rent aux violences de la révolution, sap-
puyèrent sur ces paroles, dans l’espérance
de jours meilleurs. De 1824 à 1831, et
surtout depuis 1844, quand Frédérie Guil-
laume IV eut le noble cuurage de rendre à
cet ordre sa liberté d’action, cette institution
progressa et grandit d’une façon étonnante
et dès ! 858, elle fondait plusieurs monastères
dans l’ Amérique du Nord.
Il «rrivait souvent qu’éclairée de l’es-
prit de Dieu, elle devinait les paroles, les
désirs ou même les secrets du coeur des per-
sonnes qui la venaient consulter.
Un missionnaire de renom, le Père
F'lotto, de la société de Jésus, recteur du
collège de Mindelheim avait un cas de cons-
cience très épineux à juger. Ilne pouvait
en venir à une décision dans l’affirmative ou
la négative, bien qu’il eut consulté plusieurs
4
céan.
com-
ut Île
ique,
ceux
vécu-
s’ap-
rance
1, et
Guil-
dre à
ution
nante
stères
cons-
uvait
veou
sieurs
DE KAUFBEUREN 151
auteurs à ce sujet, et il se trouvait dans une
grande perplexité. La mère Johanna ac-
compagnée de la soeur Crescence vint à
Mindelhein pour une affaire et alla le con-
sulter à ce propos. Pendant qu’il s’entre-
tenait avec la supérieure, la servante du
Seigneur l’interrompit : *“* Dans cette affaire
—qu’elle indiqua distinctement,—votre révé-
rence doit décider affirmativement : c’est la
volonté de Dieu.” Extrême fut la surprise
du prêtre. Il assura plus tard qu’il n’avait
fait part de ses doutes à personne et que
personne n’avait pu les connaître.
Le Prieur des Bénédictins de Zurefalten
avait entendu parler des révélations et des
extases de la sainte religieuse. Appréhen-
dant une ruse du démon, il offrit le saint
sacrifice de la messe, afin que Dieu daigna
éclairer la pauvre âme, si ces visions étaient
suscitées par l’ange des ténèbres, ou, # os
révélations étaient véritables, de les favori-
ser par sa grâce. Dieu seul et lui connais-
saient ce désir. Cependant le même jour,
Crescence révéla à sa supérieure les pensées
du zélé prêtre, et avec sa permission lui
pi)
a)
à |
1
Sp pee pe SC pere mm
152 LA VÊÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
écrivit pour l’en remercier.
Voici une anecdote étonnante que ra-
conte le Père Ott, et qui témoigne hante-
ment de l'esprit prophétique de la vierge
de Kauf beuren :—
Antoine Andreas, un pauvre paysan
de Thalhofen avait deux enfants : l’un âgé
de einq ans l’autre de six semaines à peine,
Le 28 octobre 1742, les parents se rendirent
à l’église, laissant les deux enfants seuls au
logis. Une méchante femme du nom
d’Anna Korpf, qui avait reçu l’hospitalité
chez ces pauvres gens peu de semaines anu-
paravant et qui cherchait une occasion d’en-
lever le bébé, protita de leur absence pour
s’introduire dans la maison. Elle espérait
pouvoir, avec l’aide d’un complice, vendre
l'enfant à un haut prix à certains juifs que la
guerre avait amenés à Augsbourg, dans un
but de lucre. Afin de ne pas être découverte,
elle étouffa l’ainé, cacha son corps sous un
amas de paille, mit le feu au berceau et s’en-
_ fuit sécrètement avec le bébé à Augsbourg.
Au retour de l’église, un spectacle navrant
s’offrit aux yeux de la mère : Ia maison était
âgé
eine,
irent
ls au
non
talité
S au-
d’en-
pour
érait
ndre
que la
hs un
erte,
s un
LE KAUFBEUREN 153
pleine de fumée, le berceau vide, et les en-
fants disparus. A ses gémissements, tout
le village accourut à la suite du curé. Onré-
ussit à enrayer les progrès de l'incendie, mais
nulle part aucune trace des petits êtres.
Trois jours durant, on les chercha mais les
recherches furent vaines. Une rumeur vint
à se répandre que les parents eux-mêmes
étaient les auteurs de cette disparition inex-
plicable. C’en fut assez pour jeter les deux
époux dans un état voisin du désespoir. A
plusieurs reprises ils furent trainés devant
les tribunaux. [gnorants, sans protecteur
aucun, ils ne savaient comment prouver leur
innocence d’une charge aussi terrible, Dans
sa détresse extrême la pauvre mère eut re-
cours à St-Antoine de Padoue afin que, par
son intercession , ils pussent trouver leurs
enfants et détruire les affreux soupçons qui
planaïent sur eux. À peine son cœur avait-
il adressé au ciel cette supplication, qu’il lui
sembla voir, debout devant elle, une religieuse
qu’elle erunt être la pieuse Crescence, venant
à son secours. Elle voulut à l’instant faire
route pour Kaufbeuren mais personne ne
154 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
consentit à l'accompagner: un vieillard de
77 ans s’imposa cette tâche par compassion
et pitié. Le 30 octobre, ils se présentèrent
au couvent, mais Crescence était malade au
lit, incapable de recevoir personne. La mal-
heureuse mère sanglotant chargea la portit-
re d’aller au moins Jui raconter sa misère,
Urescence se contenta de faire dire à cette
femme, de porter sa lourde croix avec patien-
ee et prière, d’avoir confiance, que Dieu don-
neraîit à l'affaire un résultat heureux et
aussi qu’elle ne devait jeter de blâme sur
personne et pardonner à ses ennemis ; il
s'écoulerait encore quelque temps avant que
son innocence soit reconnue ; les persécu-
tions allaient s’acharner contre elle. Quant
à la sainte messe, ( que la mère avait promis
de faire dire, mais dont elle n'avait point
parler à Crescence,) celle-ci s’en chargea,
mais elle lui recommanda de faire sans tar-
der le pélérinage qu’elle avait promis, si
toutefois elle n’en était pas empêchée.—Elle
le fut en effet : l’innocente femme fut arrêtée
aur la route par la police et traduite devant
le tribunal. —
STD
drent
de au
isère,
cette
atien-
à don-
it que
rsécu-
Quant
romis
point
1rgea,
s tar-
18, sl
— Elle
‘rêtée
2vant
LÉ KAUFBEUREN 15
Non satisfaite de cette réponse, lintor-
tunée voulait à tout prix savoir si
ses enfants étaient encore vivants et où ils
se trouvaient. Elle renvoyu la portière au-
près de Crescence qui lui fit réponse qu'elle
trouverait l’ainé dès son arrivée chez elle ;
que le bébé vivait encore, il est vrai, mais
était très faible. —
En s’en retournant de la Cour chez elle,
la malheureuse femme apprit que lon avai
trouvé le corps de l’ainé sous un amas de
paille. Les investigations de l'autorité, les
insultes et les affronts du peuple exaspéré
continuèrent pendant quelques semaines
encore, Une rumeur cireula ensuite que le
dernier avait été trouvé à Augsbourg.
Aussitôt les parents se mirent en marche
pour cette ville. Ils arrêtèrent au couvent
de Kauf beuren et Crescence leur assura qu'ils
apprendraient où était leurs enfants, dès
qu'ils atteindraient les portes de la cité. ls
y rencontrèrent en effet des personnes qui
les conduisirent à la maison des enfants
trouvés, où il le supposaient être.— A l'entrée
de la ville, les malfaiteurs avaient perdu
20 Ch AE UE ER
ER me — UE voue ne ne Me 2 7e .
LEELEES
=
LISE
sr
E LS DE g n mr
156 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENUEÉ
courage et afin de n’être pas apperçus, ils
avaient jeté à terre, à côté de la voie, le pa-
uier contenant le frêle enfant. Une femme
protestante avait trouvé lu pauvre petit être
à demi-mort de froid, et l’uvait confié à
l'hospice.
in entraut dans la salle, où reposaient
ans leur petits lits plus de trente enfants,
la mère, poussée par l'instinct maternel et
guidée par une main invisible, se dirigea
tout droit au berceau de sa fille, et l’enlevant
dans ses bras, s’écria: ‘O mon Annette
chérie, comment es-tu venue ici ? ”’ : Chose
étrange, l’enfant sourit à sa mère qui, ivre
de bonheur et d'émotion, s’affaissa.
Les témoins de cette scène en furent
émus aux larmes. L'on prodigua à ces
parents affligés les soins que réquéraient
la longueur du trajet et les souftrances mo-
rales qu’ils avaient endurées.
Les soupçons tombèrent bientôt sur la
vraie coupable. Elle fut arrêtée, trouvée cou-
pable et exécutée ainsi que son complice.
Durant tout le cours du procès, les parents
furent logés, à Augsbourg, aux frais de la
LS, ils
le pa-
emme
it être
ufié à
saient
fuuts,
nel et
irigea
levant
nnette
Chose
il, ivre
furent
à ces
raient
es Mmo-
sur la
e cou-
iplice.
arents
de la
os |
LE KAUFBEUREN 15
ville, et ils retournèrent chez eux vers la fin
de juillet 1743 avec leur entant. A leur
passage à Kauf beuren, ils ne manquèrent
pas de rendre visite à leur protectrice.
Avant même de les voir, Crescence dit à la
portière : ‘ d'aller ouvrir, que c'était la
famille de Thalhofen, avec leur fille retrou-
vée qui frappait.”
Ces pauvres gens sollicitèrent de Cres-
cence de leur obteuir la grâce de ramener
vivant, leur enfant dans leur village. Si
malade qu’elle fut, sa mort eut pu les expo-
séei à de nouvelles détractions. Aussi vou-
lurent-ils continuer leur voyage le même
jour. La servante de Dieu apaisa leurs
craintes, et les persuada de passer la nuit à
Kauf beuren, les assurant que la petite mala-
de ne mourrait pus avant leur retour. Elle
mourut en effet quatre jours après leur
arrivée.
Il est constant, que par ses prières, un
grand nombre de malades furent guéris,
beaucoup d’affligés consolés, mais pendant
sa vie bien peu de ces faits merveilleux furent
consignés par écrit, et dès lors un très grand
LE.
158 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENC!
nombre restèrent ignorés.
Voici quelques gucrisons miraculeuses
tirées des actes de béatitication :
Le tils unique d'une pauvre veuve
Krautman, de Kaut beuren, souffrait d'une
fièvre maligne, qui ne laissait ancun espoir.
A la même heure à laquelle Creseenee com-
inença ses prières pour le malade, à la de-
mande de la mère désolée, un changement
inattendu s'opéra et le jeanne homme re-
eouvra rapidement la santé.
L'enfant d’un instituteur de Stettin,
âgé de cinq ans, était atteint depuis sa nais-
sance d’une difformité des mains et des
pieds qui rendait tout monvement impossi-
ble. Toutes les ressources de l’art ne lui
avaient apporté aueun soulagement. La
mère ent recours aux prières de Crescenve
qui lui remit de l’huile bénite et un T latin
imprimé sur un papier, en signe de croix.
Trois jours s'étaient à peine écoulés que dé-
ja l'enfant marchait et ses membres avaient
repris leur position n--male.
Une dame de qualité de Pappus souffrait
depuis de longues années d’un cancer. Non
re
leuses
veuve
d'une
spoir.
com
a do-
ement
1e re-
tettin,
à nais-
t des
Lpossi-
ne lui
scene
[latin
croix.
ue dé-
vaient
uffrait
Son
DE KAUFBEUREN 159
état S'aggravait, la douleur devenant insup-
portable, Tous les remèdes ayant échoué, elle
eut recours à Crescence. Un pen d'huile
qu'elle reçut d'elle eut un effet magique :
Le mal invétéré disparut presque sur le
champ. La miraculée écrivit elle-mème le
détail de sa guérison soudaine.
Lors d’un incendie désastreux, qui avait
originé dans une brasserie de Kauf beuren,
on craignit beaucoup une conflagration.
Le peuple vint demander à la servante de
Dieu de se mettre en prières. Et le feu
S'éteignit et cessa comme de lui-même. Tous,
luthériens comme catholiques, y virent une
intervention surnaturelle et en attribuèrent,.
d'un commun accord, le mérite à la puis-
sante fille de St-François.
il est de tradition constante à Kauf-
benren, que Crescence est une protectrice
souveraine contre le feu. Dès qu’un incen-
die éclate, on court au couvent chercher une
relique de la sainte religieuse, on jette cet
objet au milieu des flammes. Aussitôt,
celles-ci se concentrent, se replient sur elles-
mêmes et s’apaisent, sans jamais se propager
lg]
Li
LA
160 LA VENÉRABLE MARIE-CREKCENCE
et s'étendre à d'autres édifices.
La guérison subite et complète d’un
habitar:: de Fulsen, nommé Joseph Filser.
rapportée par le Père Ott, créa une grande
sensation. Après trois mois d’une moladie
très grave, les médecins avaient perdu tout
espoir de le sauver. A peine eut-il reçu
quelques objets bénis, que lui envoyait Cres-
eence, qu’il se sentit bien.
Les miracles, que Dieu daigne accorder
à ceux qui ont foi en Lui, n'ont jamaïs man-
qué au sein de l'Eglise catholique ; chaque
pays et chaque siècle ont été les témoins de
la munificence et de la méstricordede Dieu.
Ce sont les manifestations de sa puissance ;
Elles abondent partont où il y a des malades
à guérir, des affictions à consoler, des
pécheurs à convertir, des Âmes à sauver.
SR
Due
rence
souff
mÉnus
cence
jubil
d’un
lilser.
rande
laudie
| tout
reçu
Cres- # XII
order
man-
haque
ins de "a | ë
ins de Vision de St-Paul.— Dernière maladie de Cres-
Dieu. vence— Recommandations suprêmes— Vivre pour
souffrir encore.— La semaine sainte— Je mourrai à
minuit.— L'Archange Raphaël— Séparation.— Cres-
alades cence s'endort dans le Seignenr— Regrets changés en
jubilation.—
ance ,
Crescence ne se lassa point durant les
deux dernières années de sa vie, de parler
de la mort. C’était son sujet favori.—t 1]
ny a rien de plus doux, disait-elle, que
Jésus, Marie, et la mort.”
ne mpemmeneminnnndimnine sons
; RARES RTE
an ee SRE rap
162 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRERCENCE
Un jour, rapporte le Père Ott, elle eut
une extase si prolongée que ‘la supérieu-
re, alarmée, la rappela à elle-même, au nom
de l’obéissance. Elle n’avait pas encore re-
couvré parfaitement l'usage de ses sens,
qu’elle dit : ‘ O mère, que je suis éloigné
de vous !”” Plus tard, elle lui avoua que son
ange gardien l'avait conduite, eu effet, en
purgatoire et dans le ciel, qu’alors il lui avait
dit : “ C’est ici ta demeure éternelle. J’en-
tendis le plus délicieux concert de louanges
qu’il soit possible d'imaginer ; je vis le par-
fait anéantissement en Dieu, les saints plon-
gés dans un océan de joie ineffable et de bon-
heur, Je n’en puis dire davantage. En vérité,
l'œil n’a point vu, l’oreiile n’a point enten-
du et le cœur de l’homme ne peut concevoir
ce que Dieu réserve à ceux qui l’aiment.”
Sa dernière maladie, que les médecins
ne purent diagnostiquer, se fit sentir au
commencement du carême, en février 1744.
Tout son corps était consumé d’une fièvre
intérieure extrême. Le médecin protestant
ne put attribuer cet état qu’à l’ardeur de l’a-
mour qui enflammait son âme. Ses os sem-
e eut
érieu-
1 nom
re re-
sens.
loigné
e son
et, en
iavait
J’en-
1anges
le par-
s plon-
le bon-
vérité,
enten-
\cevoir
nt.”
sdecins
tir au
1744.
fièvre
cestant
de lP’a-
DS SeM-
LE KAUFBEUREN 163
blaïient brulés jusqu'à la moëlle ; la tête et
les côtés étaient le siège de douleurs cons-
tantes ; une soif iutolérable tourmentait sex
lèvres desséchées ; sa langue, enflée et rude
comme l'écorce d’un arbre, était toute cre-
vassée ; Son corps se réduisait à la peau et
aux os, et encore le dos ne devint bientôt
qu’une plaie sanglante. Elle avait l’épaule
et le côté gauche de la figure terriblement
enflés. C’était avec vérité qu’elle disait au
Père Pamer qui s’enquérait de ses souffran-
ces : qu’il lui semblait qu’elle était rotie
sur un gril surchauffé.” Il eut été naturel
qu'une semblable maladie infectât la cham-
bre. Bien an contraire, on y savourait une
odeur agréable, quoi qu'aucun parfum n’y
fut répandu.
La maladie ne fit pressentir d’abord
aucun danger. Cependant Crescence déclara
aussitôt à son confesseur et à l'infirmière
qu’elle en mourrait. Peu de jours après,
elle calma les inquiétudes des religieuses
qui s’alarmaient des symptômes dangereux
qui s'étaient manifestés, leur disant que sa
maladie serait longue, et qu’elle mourrait
mers enmennpemennset maparmmpents Rage
re À 6 EF - En REES
164 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENUE
après de grandes souffrances ; Cette perspec-
tive semblait la combler de joie. —
Elle tint parole. Six semaines durant
elle endura des tourments audessus des
forces humaines et cela d’une maniere
sublime, que ceux qui en furent les témoins
turent épris d'un sentiment d’admiration et
de surprise, à ce spectacle d’une me trans-
tigurée par l'amour et la souffrance. A
l'exemple du Divin Rédempteur, jamais elle
ne fit rien pour les adoucir, ne requit jamais
d'aide de personne et passa ce temps sans
rien manger n1 boire, si ce n'est un peu d'eau
sur l’ordre du médecin, ce qui ne faisait
qu'aggraver sa soif. —
Les hommes de l'art ne pouvaient s'ex-
L
pliquer qu’une personne, déjà minée à ce
point par la faiblesse, put résister à une
fièvre semblable, sans mourriture aucune :
Le docteur de Kempten, déclara, dans un
cerit qui est conservé, que cela surpassait les
pouvoirs de la nature.
Sa seule nourriture était la sainte com-
runion, qu'elle reçut tous les jours de sa
maladie, excepté le Vendredi-Saint, Sa
LE KAUFBEUREN 165
wrandeur d'âme s'accrut avec les souftrances.
Loin de se plaindre, elle se réjouissait dans
un amour séraphique et souvent ou l'enten-
dit s'écrier : ‘ Et vous, membres et os de
ere si mon corps, réjouissez-vous ! rendez grâce |
‘moins au Seigneur de vous avoir donné la capacité
tion et de soutfrir ! Pourquoi m’abstiendrai-je de
trans- boire au calice dela Passion du Sauveur? Je
be. À
is elle
ne voudrais pas même remuer un pied, afin
de diminuer mes douleurs. Encore davan-
Jamais tage, O mon Dieu ! mais augmentez ma
s sans patience avec mes souffrances. —" «|
d'eau Dans l'atfliction, le cœur de Crescence pa |
faisait “emblait un rocher immuable au milieu de !
l'océan contre lequel les vagues peuvent |
il S'eX- bien venir s'abattre avec fureur, mais qui |
à ce sont impuissantes à le renverser. Il y avait. l
à une à vrai dire, deux personnes dans Crescemee : |
Leune : l'amante provoquant l’admiratien, la malade |
ns un attirant sur elle la compassion et la pitié. Sa |
sait les chambre devint une école de vertu, son elevet
une chaire éloquente, où se retraçaient toutes |
e com- les tragiques scènes du calvaire. |
de sa C'est dans la maladie que les famtes et
t. Sa les imperfections d’un chacun, se commas-
166 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
sent le mieux. L’humilité, le mépris de
soi, l’abnégatioun et la soumission de Crescen-
ce se réalisèrent alors d’une manière tou-
chante. A plusieurs reprises elle assembla
les sœurs et implora instamment leur pardon
pour les mauvais exemples qu’elle avait don-
ués et les fautes commises par elle, et solli-
cita l’aumône de leurs prières. Elle les sup-
plia de mettre sur sa tête après sa mort, non
une couroune de fleurs, comme cela se . fai
sait d'habitude, maïs une simple couronne
de paille, et de l’enterrer dans un endroit
“inconnu des hommes. Voulant pratiquer
l’obéissance jusque dans la mort, elle écri-
vit au Père Provinciel de lui imposer l’obéis-
sance à l’arrêt suprême de la mort. Celui-
ci répondit, qu’autant que la chose était en
son pouvoir, au nom de Dieu et en confor-
mité à sa volonté et ses décrets il lui impo-
sait cet acte suprême d’obéissance. L’épouse
du Christ se réjouit et bénit le Seigneur de
lui permettre d'accomplir un acte d’obéis-
sance wême en exhalant son dernier sou-
pir.
| Elle cherchait autant que possible à
DE KAUFBEUREN 167
rester seule afin de donner libre cours à ses
e e e ’ Q Q Q
pieuses aspirations ; elle évitait de recevoir
des visites à part celles de la sœur infirmière
et de son confesseur. Le peu de temps qui
lui restait à vivre, elle voulait le consacrer
tout entier à l'amour de Dieu. C’est l’opi-
. ’ ’ "
nion générale que ce fut sa ferveur extra-
ordinaire qui détermina, dans les trois der-
niers jours, une violente hémorragie qu’on
1 ne put arrêter.
e : fat” En dépit de la difficulté qu’elle éprou-
FOR vait À parler, elle accueillit avec bonté et
affection les religieuses qui désiraient la
voir ; elle leur donna de magnifiques instruc-
| enri tions, pleines de charité et de douceur. |
de Elle appela auprès de son chevet les nou- :
Se velles religieuses pour leur donner ses der- (||
sort niers conseils. Elle les consola et leur re- |
os commanda chaleureusement la fidélité à
ki cé suivre la règle et à se sanctifier. Elle Îles
pousse fit ensuite s’approcher à tour de rôle, et à
dl né chacune elle dit ce qu’il y avait à retrancher
obéis- et à faire pour s’amender, créant ainsi sur
r sou-
leur esprit une impression qui dura toute
leur vie.
‘ble à
1
Lil
ms
— ———
168 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
Bientôt parurent plusieurs symptômes
sen
| d’une mort prochaine, Le 27 mars, fête de as
{ Notre-Dame des sept Douleurs, elle eut une ni
| | longue faiblesse qui jeta les religieuses dans 4
une pénible anxiété. Son confesseur appelé di
en toute hâte, erut lui aussi la mort immi-
nente, Etant enfin revenue à elle, Cres- \ Li
[ cence dit aux assistants que les saints qu’elle Je
| avait souvent priés de l'assister À l'heure de plu
| la mort, s'étaient approchés de son chevet se
et lui avaient promis de revenir quand elle ut
serait pour quitter ce monde, me
Plusieurs jours avant sa mort, à su de- Sun
mande, les derniers sacrements lui furent de
administrés ; elle les reçut avec une dévotion ne
touchante : elle s'aceusa devant toute la
” ! \
communauté, demanda pardon à chaque
sœur en particulier des mauvais exemples
qu’elle avait donnés, remercia de nouveau
avec effusion de l’avoir reçue dans le couvent
et recommenda son âme à leurs prières.
Dès lors, on eut dit qu’elle éprouvait
un double désir, apparemment contradic-
toire : de mourir, et de vivre encore pour
pouvoir souffrir davantage. Le Seigneur
mes
te de
t une
dans
ppelé
imimi-
Jres-
u’elle
re de
urent
otion
te la
aque
myples
veau
uvent
puvait
radic-
pour
gneur
DE KAUFBEUREN 169
sembla écouter sa demande. Le lundi saint,
ses souffrances, pourtant déjà extraordinai-
res, augmentèrent graduellement en nom-
bre et en intensité. Cette peinture vivante
du Divin Crucifié srrachait les larmes.
Les douleurs se faisaient sentir surtout
À la tête, aux mains et aux pieds. ‘ O mes
sœurs, dit-elle, ne pleurez pas, réjouissez-vous
plutôt, et bénissez Dieu. Toute ma joie,
toute ma vie, toute ma force consistent À
souffrir et à aimer. Si, avec le Christ, je
me voyais clouée à la croix, tous mes désirs
seraient satisfaits. Ceci est le ciel sur la
terre et un avant-goût de la félicité éter-
nelle.
Les trois derniers jours de la semaine
sainte, et surtout le jeudi saint où elle eut
le bonheur de communier, se passèrent pour
ainsi dire dans nne extase continuelle. En
même temps, un parfum singulier s’échappa
du lit de la malade et se répandit dans
tout le couvent. Le Provincial, le Père
Schmid, la trouva le soir dans un ravisse-
ment profond. A peine eut-il prononcé les
mots : ‘“ Vénérable Crescence”’ que cette
IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (MT-3)
LO ie le
=:
7 us "=
2
(FE
JL ne
LE
IS LS LS
170 LA VÉNÉRABLE MARIE CRESCENCE
fille de l’obéissance recouvra connaissance,
et comme on lui demandait où son esprit
était allé, elle répondit : “ Mon ange gardien
m'a conduit au jardin des oliviers ; là, j'ai
contemplé mon Bien-Aïmé en prières et
son corps sacré recouvert d’une sueur de
sang ; je m’approchai de lni, l’adorai et lui
offris de souffrir tout pour Lui’ Mon
Bien-Aimé reprit : ‘“ mon enfant, relève-toi
et vièns souffrir avec moi.”—
Le vendredi saint, elle semblait ne plus
appartenir à la terre ; son corps n’avait
plus qu’un souffle de vie. Son confesseur
lui ayant demandé si elle avait accompagné
le Sauveur au sommet du calvaire, un pro-
fond soupir s’échappa de son cœur : ‘ Oh !
qu’il est triste de voir un Dieu se faire hom-
me, souffrir et mourir ! Si ce n’eut été de
sa toute puissance, je serais morte avec lui,
d'amour et de compassion.”
Le jour de Pâques, le cinq avril, devait
être le dernier de sa vie. Elle fit assem-
bler de nouveau les sœurs après le diner ;
elle leur renouvela en quelque mots ses der-
niers avis avec une onction et une affec-
r'e
=
pe
ssance,
esprit
rardien
là, j'ai
res et
ur de
i et lui
Mon
ève-toi
1e plus
n'avait
fesseur
pagné
n pro-
66 Oh !
> hom-
été de
ec lui,
devait
assemM-
diner ;
>s der-
affec-
LE KAUFBEUREN 171
tion qui laïssèrent la plus profonde et la plus
poignante impression.
De ce moment, ses pensées se tournè-
rent vers Dieu ; elle ne répondait que par
signes aux paroles de son confesseur.
Vers le soir, elle demanda À la sœur
Kôgl quelle heure il était ; elle répondit
qu’il était sept heures. Alors Crescence dit
très distinctement, de manière que toutes les
religieuses pussent entendre : “je mourrai
à minuit.” Puis elle pardonna de nouveau
à tous ses ennemis et institua les âmes du
Purgatoire ses héritières pour toutes les
inesses, les prières et les œuvres de péniten-
ce qui seraient offertes pour le repos de son
Âme. A neuf heures, une nouvelle hémor-
ragie lui fit perdre beaucoup de sang et fut
suivie de l’agonie ; cependant elle ne per-
dit pas conscience de ce qui se passait.
Les religieuses accoururent au chevet
de leur Mère supérieuse expirante. Le
Père Pamer, le Père Provincial, et son
sécrétaire y étaient déjà. Elle gisait sans
mouvement, sans parole, les yeux levés vers
le ciel ou sur son crucifix, la bouche ensan-
Al
{rl
ll
lil
|
172 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENUE
glantée et à demi-ouverte ; elle accompa-
gnait par signes les invocations du prêtre.
Le Père Provincial lui
prier Dieu, quand elle serait admise à le
posséder, pour le bien de l'Eglise, pour les
religieux et surtout pour l’ordre séraphique
qu’elle avait embrassé, afin que cette commu-
nauté continuât à être dans l'avenir un mo-
dèle d’édification et de sainteté.
sante donna des signes évidents de son
acquiescement.
À onze heures et demi, son confesseur,
se rappelant qu’elle avait souvent dit que le
saint archange Raphaël devait lui servir de
guide pour la conduire aux cieux, lui dit :
‘ Vénérable Mère, l’archange Raphaël ne
tardera pas à venir.”
et distinctement : ‘Il est déjà auprès de
moi.”
Ce furent les dernières paroles de Cres-
cence. Peu après, elle ouvrit les yeux et
jeta sur son confesseur un premier et der-
nier regard plein de tendresse, comme pour
lui dire adieu.
celui-ci, le sentiment d’une douceur si angé-
demanda alors
Elle répondit aussitôt
Jamais il n'éprouva, dit
ñ
JE
cCompa-
prêtre.
ors de
e à Je
ur les
phique
ommu-
an Mmo-
’agoni-
de sou
‘esseur,
que le
rvir de
i dit:
aël ne
ussitôt
res de
e Cres-
eux et
at der-
le pour
va, dit
| angé-
DE KAUFBEUREN 173
lique. Puis elle ferma pour jamais ses chas-
tes yeux à la lumière du monde.—
Tous étaient émus et attendaient avec
pénible anxiété l'heure fatale. Au même
moment que la cloche de l’église sonna Îe
premier coup de minuit, la pieuse vierge,
calme et sereine, exhala son dernier soupir.
C’est ainsi que cette Âme d’une pureté
céleste, riche en grâces, en vertus et en mé-
rites, quitta la prison de son corps. Nous
avons toute raison de croire que cette pure
et fidèle épouse du Christ fut aussitôt in-
troduite dans le séjour du bonheur éternel, car
au même instant où l’horlorge sonna minuit
et qu’elle expira. deux incidents inexplicables
se produisirent : La douleur extrême des
religieuses se changea aussitôt en une joie
d’une douceur surnaturelle, et si débordante
qu’elles eurent peine à la contenir, —chose
qu'aucune n'avait jamais encore ressentie.
Au procès de béatification, cinq des personnes
alors présentes témoignèrent, sous serment,
de ce fait. Un phénomène semblable se pro-
duisit à la mort de Ste. Rose de Lima. On
peut interpréter cet événement comme une
rs Re
DR Re
174 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
preuve de l’entrée immédiate de cette âme
dans la béatitude éternelle, et l’on peut
croire que, par une permission insigne de
Dieu, quelques parcelles d’un bonheur indi-
cible ont rejailli sur ceux qu’elle laissait
derrière elle. Deuxième incident extraor-
dinaire : De son corps inerte s’exhala le
plus suave et le plus doux parfum qui rem-
plit tout le couvent d’une odeur très péné-
trante.
Crescence était morte à la dernière mi-
nute du jour de Pâques le 5 avril 1844, à
l’âge de 61 ans, 5 mois et 15 jours, et elle
avait vécu quarante et une années dans
le cloître.
ct
ex
tél
cr
le
d
ICE
e âme
1 peut
ne de
r indi-
laissait
Xtraor-
ala le
li rem-
AD EEE 4
péné
re mi-
844, à
t elle
s dans
XIII
Transformation soudaine.—La mort de Crescence
ct le sentiment populaire — Affluence— Phénomène
extraordinaire — Parfum odoriférant.— Pélérinages et
témoignages de gratitude— Conversion d’un grand
criminel — Les larmes de Crescence.—
Après avoir récité les prières d'usage,
les religieuses se mirent à ensevelir le corps
de la servante de Dieu, maïs elles ne purent
contenir leur surprise du changement mer-
SE ee
CEE
176 LA VENÊÉRABLE MARIE-CRESCENUE
veilleux qui s'était produit. Sa figure, d’or-
dinaire émaciée, livide et amaigrie, était de-
venue d’une blancheur et d’un incarnat
admirables ; ses lèvresauparavant dessichées
avaient oris uue teinte rosée et animée. On
eut dit qu’elle s'était endormie dans tout
l'éclat d’un rajeunissement. Lorsqu’elles
soulevèrent le corps dans le lit, ce corps qui
pendant les trois derniers jours de sa vie
n'avait pu se lever de la hauteur d'un
doigt, se tenait maintenant droit, immobile.
On le plaçca sur un banc, sans appui, et il de-
meura ainsi assis, dans la position d’une
personne vivante, pendant audelà d’un quart
d'heure, les membres flexibles comme ceux
d’un enfant. Personne ne pouvait s’expli-
quer la chose.
Le bruit de cette mort se répandit à
bonne heure le lendemain par toute la ville,
et catholiques et protestants, ecclésiastiques
et séculiers, affluèrent bientôt au couvent.
Le Père Provincial, voyant la foule impa-
tiente s’apprêter à escalader les murs du
monastère, dut en permettre l’entrée. La
chambre où Crescence était exposée ne put
», d’or-
ait de-
uarnat
uchées
ce, On
Ss tout
qu’elles
ps qui
sa vie
r d'un
mobile.
t il de-
d’une
n quart
e ceux
s’expli-
andit à
a ville,
stiques
uvent.
impa-
urs du
e. La
ne put
DE KAUFBEUREN 177
contenir tous les visiteurs. Un grand nom-
bre cherchèrent à se procurer quelque reli-
que, et à faire toucher à son corps leurs cha-
pelets, en dépit de la défense du Père Pro-
vincial. Les Luthériens témoignèrent hau-
tement de leur respect, et l’on vit: un vieil-
lard protestant fendre la foule et s’écrier en
versant des larmes : ‘ [1 faut que je la revoie
une fois encore, celle qui à toujours vécu
pieusement et saintement et n’a jamais offen-
sé qui que ce soit.”
De tous côtés l’on entendait dire:
‘ Quel parfum délicieux qui rafraîchit le
corps et l’Âme ! je n’en ai jamais ressenti de
plus suave.”” Cette odeur exquise dura pen-
dant les trois jours qui précédèrent l’enter-
rement et toute la ville l’expérimenta. Au-
eune matière odorante n'avait cependant
été répandue par les religieuses. Pancrace
Hautter, qui déposa Crescence dans son cer-
cueil, déclara souvent qu’il s’en était échappé
une senteur aromatique prononcée telle
qu’il n’en avait jamais connue. Plus d’un
prodige s’accomplit lors du décès de la pieuse
Fransciscaine.
178 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRE8UENCE
Un enfant d’un mois souffrait d’une
rupture qu’il avait apportéeen naissant ; les
médecins n’en pouvaient rien et l'enfant
se tordait jour et nuit dans des douleurs ter-
ribles. Son père vint prier au corps de la
bienheureuse Crescence, le recommundant À
son intercession, Au même instant, l’en-
fant s’apaisa, toute trace de rupture dispa-
rût. Devenu curé de Kauf beuren, il rendit
témoignage au procès de canonisation que
ses parents lui avaient maintes fois parlé de
la faveur qu’il tenait de la servante de
Dieu.
Une jeune femme de Kaufbeuren ne
pouvait plus se tenir debout, tant la maladie
l'avait rendue impotente. S’étant fait con-
duire auprès du cercueil, elle se mit à genoux
et adressa avec confiance cette prière : ‘ O
Mère Crescence, maintenant vous pouvez
prier Dieu qu’il daigne me rendre à la santé,
si toutefois c’est sa volonté et si cela doit
aider à ma conversion. Je crois fermement
que vous êtes déjà dans le ciel et que vous
pouvez obtenir de Dieu tout ce que vous
désirez.” Elle fut guérie à l’instant même,
'E
d’une
nt ; lex
"enfant
airs ter-
de la
dant À
, l’en-
dispa-
| rendit
nn que
arlé de
nte de
ren ne
naladie
it con-
enoux
66 O
pouvez
a santé,
la doit
nement
e vous
e vous
même,
UE KAUFBEUREN 179
et les yeux pleins de larmes de reconnais-
sance, alerte et joyeuse elle retourna à sa
demeure, d’où elle était venue si diffcile-
ment, et continua à jouir d’une excellente
santé,
Apolline Metz éprouva pendant dix
années une tentation terrible qui la mettait
presqu’au désespoir. Elle ne pouvait se
défendre d’un sentiment de haine pour les
auteurs de ses jours. Tous ses exercices de
piété n’avaient pu diminuer en aucune façon
cette tentation. À la mort de l’épouse du
Christ, elle accourt au couvent. Une sim-
ple prière confiante dissipa à jamais cette
pensée infernale, pour la remplacer par un
sentiment de pieux et tendre amour pour
ses parents.
Les funérailles de Crescence eurent lieu
le 8 avril. Rien n’était changé dans l’aspect
du cadavre : même contenance séraphique,
même flexibilité des membres, même par-
fum, mais plus prononcé encore.—
_ À six heures du matin, les restes mor-
tels furent apportés au son de l’humble
cloche par huit religieuses dans la petite
mie
DRE
a og + Ie St D ss
180 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENUE
chapelle de la communauté sans pompe
aucune, selon le désir de la défunte, et les
règles de l’ordre. Le crucifix seul la précé-
dait, et bien peu de personnes furent admis
à assister à la cérémonie.
Crescence fut inhumée au centre de ja
nef de l’église ; le tombeau fut fermé le
même jour et recouvert d’un simple pavé
de briques. Une humble pierre tumulaire
portant les initiales de son nom, avec une
croix et la date de l’année de sa mort, ornait
seule cette tombe. Ce n’est qu’en 1771
qu’une pierre commémorative la remplaça.
Sur la colonne en face se lisait l'inscription :
Ici repose la Vénérable Mère Ma rie-Crescence
Hôss, qui s’est endormie dans le Seigneur, le
avril 1744, à l’âge de 62 ans. Suivant la
coutume on célébra, après l’enterrement et
les jours suivants, la messe des morts pour
le repos de son âme.
Cette odeur imerveilleuse dont nous
avons déjà parlée se fit sentir encore long-
temps après.
Extrayons à ce sujet le témoignage
suivant des actes de sa béatification : Tous
CE
pompe
et les
, précé-
admis
> dela
rmé le
> pavé
mulaire
ee une
, ornait
1 1771
mplaça.
ption :
rescence
neur, Le
ant Îla
ent et
s pour
t nous
> long-
ignage
Tous
LE KAUFBEUREN 181
les objets dont Crescence avait fuit usage,
ses haires, ses instruments de pénitence et
plusieurs chapelets qu’elle distribua, répan-
dirent cette senteur caractéristique. Ou la
distinguait surtout en trois endroits : au
tombeau de la pieuse religieuse, dans la
chambre où elle avait rendu le dernier sou-
pir et dans la cellule qu’elle avait occupée
durant de longues années et qui est encore
considérée comme un sanctuaire.
A part les religieuses, des milliers de
pélerins étrangers, parmi lesquels plusieurs
protestants et des hommes de savoir et d’éru-
dition, ont attesté ce phénomène remarqua-
ble. Chose étonnante, d’aucuns saisissaient
cette odeur aux trois endroits à la fois, pendant
que d’autres ne la ressentaient qu’à un seul.
Par exemple, la Princesse Antoine et toute
sa suite remarquèrent, lors de leur visite
cette odeur caractéristique. Citons encore
parmi un grand nombre d’autres, le Cardi-
nal de Constance, l’évêque de Chur, l'abbé
de Planksetten, qui assure l’avoir ressentie
bien qu’il fut privé du sens de l’odorat de-
puis son enfance, le Comte et la Comtesse de
182 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
Caprès, des professeurs distingués, ete. etc.
“Je confesse volontiers, dit le Père
Ott, que lors d’un pélérinage au tombeau
de Crescence, en 1760, en compagnie d’un
marchand d’Augsbourg et du Rev. Bonshat,
je ne constatai nulle part un parfum surna-
turelle, alors que mes deux compagnons l’as-
piraient avec bouheur. Muis, lorsque j'y
retournai en 1770, en qualité de confesseur,
j'éprouvai alors, avec une douce consolation
cette sensation extrêmement agréable et
dans la cellule de Crescence et dans la
chambre où elle est morte. Depuis lors, je
ne ressentis rien dans mes visites réitérées, À
venir à 1774, quand j’ouvris la porte de la
cellule au Prince Lichtenstein. La même
sensation éprouvée quatre années aupuara-
vant se manifesta de nouveau. Maïs cette
jouissance ne dura que quelque minutes
pour moi, pendant qu’un des assistants en
fit ses délices une heure durant.” Les
religieuses de Kauf beuren, nous ont assuré
que même encore, de nos jours, cette seuteur
se manifeste parfois aux visiteurs, ou s’échap-
pe des vêtements ayant jadis appartenu ‘À
CE
bte. etc.
e Père
»mbeau
ie d’un
onshat,
surna-
ons l’as-
que j'y
esseur,
solation
able et
lans la
lors, je
érées, À
de la
même
aupara-
s cette
ninutes
nts en
7 Les
assuré
seuteur
’échap-
enu ‘À
DE KAUFBEUREN 183
Marie-Crescence et que l’on peut considérer
à bon droit comme de précieuses reliques.
Il y a dans ce fait là une preuve éviden-
te que le Christ régnait au fond de son
cœur, et qu’il daignaiït choisir ce mode pour
refléter sa divine présence.
Le tombeau de la pieuse religieuse de-
vint bientôt un sanctuaire et un lieu de pélé-
rinage. Bien peu de saints ont été l’objet
d’une vénération aussi grande.
Le jour même de son enterrement, la
population accourut en foule, faisant toucher
au cercueil leurs chapelets et des images,
pour en avoir un souvenir. On raconte
des faits extraordinaires qui se sont alors
accomplis. Dès les deux premières années
après sa mort, des pélerins vinrent de gran-
es distances, soit pour solliciter des grâces
ou pour la remercier de faveurs obtenues.
Il en vint non-seulement de la Bavière, mais
encore de la Bohême, de la Hongrie, du
Tyrol et de l’Autriche, et des ex-votos
de gratitude furent envoyés en grand nom-
bre au couvent de Kaufbeuren, désormais
184 LA VENÉRABLE MARIE-CRESCENCH
célèbre dans la chrétienté.
Depuis sa mort à venir à 1779, plus de
quatre-vingt personnes appartenant à des
familles royales visitèrent son tombeau. Le
Père Ott rapporte que, pendant qu’il était le
directeur spirituel de la communauté, il fit
visiter le couvent à trente quatre personnes
de sang royal. Citons parmi elles : L’Im-
pératrice Marie-Thérèse, qui tit à la com-
munauté plusieurs dons précieux, Maxi-
milien-Joseph électeur de Bavière et son
épouse qui s’y rendirent en sept occasions,
le Prince Louis-Eugène de Wurtembourg,
l'épouse de l'Empereur Joseph IT.
Un grand nombre de prélats et de
princes de l'Eglise vinrent célébrer le saint
sacrifice dans la petite chapelle : Le Cardi-
nal Roth, les évêques d’Augsbourg, de Ra-
tisbonne, de Chur, le prince abbé de Kemp-
ten, le coadjuteur de l’évêque de Paderborn,
l’évêque de Tempe qui séjourua deux jours
au couvent et exprima, dans un document
précieusement conservé, son étonnement de
toutes les choses merveilleuses qu’il y avait
vues, entendues et lues, et avec la convic-
re
m
CÉ
plus de
à des
vu. Le
était le
6, il fit
‘sonnes
L’Im-
& com-
Maxi-
et son
‘ASIONS,
bourg,
et de
e saint
Cardi-
de Ra-
Kemp-
erborn,
X jours
‘ument
rent de
y avait
COnvic-
DE KAUFBEUREN 185
tion qu’un jour Crescence serait regardée
comme une vierge prédestinée. |
À part ces personnages, andel\ de trois
mille cinq cents personnes de haut rang vin-
rent s’agenouiller et prier sur la tombe de
la religieuse vénérée.
On estime à une moyenne de trente
mille le nombre de pélerins qui, chaque
année, visitèrent la petite chapelle où repo-
saient les restes de Crescence, et le nombre
en à doublé lorsque s’est ouvert le procès de
sa canonisation. En 1772, il s’éleva à plus de
70.000. |
L'église du couvent, jusqu'alors désertée
et silencieuse, était maintenant remplie du ‘
matin au soir de pienx fidèles. Jadis une
seule messe y était célébrée d'ordinaire.
Pendant que le Père Ott fut le directeur des
religieuses, il s’en disait une moyenne d’au
moins trois mille par année.
Les présents et ex-votos déposés sur son
tombeau sont innombrables. A venir au
ler juillet 1751, il en fut offert audelà de
six mille, pour la plupart des objets en cire.
Par décret du Pape, ils furent placés dans
RE re nee
PL Te
186 LA VÉNÉRABLE MARIE CRESUENCE
.
des armoires spéciales en dehors de la cha-
pelle. En 1779, les offrandes en or et en
argent atteignirent le chittre extraordinaire
de trois mille.
Les travaux en cire, les peintures, les
béquilles, les bandages, les aiguilles avalées
et restituées, des bijoux, des pierres précieu-
ses, des ornements d’église d’une grande
richesse et plusieurs calices d’une rare beau-
té, sont une preuve palpuble de la croyance
populaire que des miracles avaient été opé-
rés par l’intercession de la Vénérable Cres-
cence.
Pendant audelà de cent trente ans, ce
fut unc suite ininterrompue de pélérinages.
La suppression de la société de Jésus rendit
plus difficile pour un temps, ces manifesta-
tions de piété, mais pour reprendre de nos
jours un regain de force et de vitalité. Les
ex-votos enlevés lors de la suppression du
couvent sont remplacés aujourd'hui par uu
nombre incalculable d’offrandes comme tri-
but de reconnaissance pour la délivrance
d’afflictions et de guérisons obtenues. Com-
bien surtout de conversions extraordinaires
CE
la cha-
r et en
rdinaire
res, les
avalées
précieu-
grande
re beau-
royance
té opé-
e Cres-
atuie, ce
rinages.
8 rendit
inifesta-
de nos
6. Les
ion du
par un
me tri-
livrance
,, Com-
dinaires
LE KAUFBEUREN 187
qui n’ont pas eu la publicité. ‘“ A son tom-
beaa les plus grands pécheurs, rapporte le
Père Ott, furens vaincus par la grâce. Par-
mi eux il s’en trouvait quiétaienten proie
au désespoir, d’autres qui, de leur sang
même, avaient signé un pacte avec le démon.
Une personne qui était venue dans lin-.
tention de se confesser de péchés qu’elle
avait longtems cachés, allait céder aux solli-
citations de l'esprit du mal et s’apprêtait à
sortir de de l’église sans se confesser, quand
sur le seuil, elle fut repoussée dans la cha-
pelle par une force invisible. En vain cher-
cha-t-elle à s'enfuir. Prise de terreur, écon-
tant la voix de sa conscience et contrite, elle
fit humblement sa confession et put s’en
retourner librement, consolée e£ repentante.
Une veuve de condition, mais tombée
dans la misère et la dévonsidération, cédant à
une affreuse pensée de désespoir se dirigea
vers la rivière, pour s’y ensevelir. Elle
s'était élancée dans le vide et son corps
allait toucher l’eau quand une main invisi-
ble l'urrêta. Elle ouvrit les yeux et recon-
nut dans cette religieuse, Crescence qu’elle
188 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENUE
avait souvent invoquée dans son malheur.
Un sentiment de reconnaissance remplaçu
l’idée de suicide ; elle déchargea son cœur
dans le secret de la confession et vint faire
un pélérinage d'actions de grâces au tombeau
de sa libératrice, L’aisance reparut au foyer
retrouvé, et dès lors elle ne cessa plus de
bénir celle à qui elle était redevable de son
salut temporel et éternel ;—
Nous ne pouvons nous abstenir de rela-
ter ici la conversion d’un grand criminel.
Les principaux détails sont tirés de deux
documents du temps et confirmés par un
grand nombre de témoins :
Cet homme s’appelait Etienne Wein-
rauch et il avait une fille, Frederica, qui
n'avait guère plus de trois ans lors de l’arres-
tation de son père. Cette enfant avait. pour
la Vénérable Crescence une piété et une dévo-
tion inexplicables. Au moment même où
son père fut appréhendé et traîné de chez lui
à la prison, elle tomba du haut d’un esca-
lier et demeura comme inanimée sur le
plancher. La mère effrayée invoqua Cres-
cence et l'enfant reprit aussitôt ses sens, en
JE
alheur.
mplaça
1 cœur
t faire
mbeau
u foyer
lus de
de son
le rela-
iminel.
, deux
Jar un
Wein-
4, qui
l’arres-
it. pour
e dévo-
me où
hez lui
esca-
sur le
Cres-
ns, en
LE KAUFBEUREN 189
disant ‘ O mère, Crescence était déjà rendue
et m’a aidée.’ L'enfant vécut trois semai-
nes, dans de grandes souffrances. Elle de-
mandait souvent un rosaire et une image
de la religieuse et priait instamment pour
son pauvre père : ‘ Papa ne revient pas. Il
va donc mourir et rejoindre Cresconce ; je
mourrai moi aussi, et j'irai à elle.” Trois
heures avant de mourir, la chère pctite pria
sa mère d'ouvrir les rideaux de son lit afin
que Crescence put venir la chercher et indi-
qua l’endroit où elle se tenait ; elle s’étei-
gnit en souriant, pressant avec joie sur son
petit cœur le chapelet et l’image de la ser-
vante de Dieu.
Plusieurs raisons faisaient craindre que
le père mourût dans l’impénitence. Cepen-
dant, immédiatement après que la sentence
eut été rendue contre lui, il fit mander le
Père Pamer, uniquement parce qu’il avait
assisté sa petite fille et il fit sa confession
générale. Prenant dans ses mains un cru-
cifix et une image du Sauveur, il déclara
qu'après Dieu c’était à Crescenee qu’il de-
vait sa conversion. Puis il monta courageu-
190 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
sement à l’échafaud, demanda pardon de
ses crimes. Sa mort loin d’être infamante
fut un objet d’édification pour les trois mille
personnes présentes et eut les pins heureux
résultats.
Ce qui confirme l'intervention puis-
sante de la servante de Dieu dans le fait
que nous venons de rapporter, c’est qu’en
même temps que l'exécution avait lieu, un
autre phénomène miraculeux se passait dans
le couvent de Kauf beuren :
Les religieuses étaient à faire le chemin
de la croix pour le pauvre condamné. Or,
quand elles furent rendues à la huitième
station, le portrait de Crescence,—qu’un
peintre avait inséré dans cette scène contre
sa volonté, —changea tout-à-coup d'aspect et
prit une teinte de fraîcheur et de grâce ex-
traordinaires. Les yeux devinrent rouges
et enflés comme si elle eut crié bien fort ;
deux larmes, s’échappant de l’œil gauche,
se détachaient parfaitement sur la toile.
Ceci dura environ une heure, jusqu’à ce que
lesteintes s’effaçant graduellement eussent
complètement disparu. ‘ Nous augurâmes,
CE
on de
,nante
8 mille
eureux
| puis-
le fait
qu’en
eu, Uni
it dans
hemin
é. Or,
itième
-qu'un
contre
pect et
ce ex-
rouges
1 fort ;
auche,
toile.
ce que
ussentt
A
râmes,
DE KAUFBEUREN 191
ajoutent les sœurs, que Dien avait eu pitié
de l’âme de Weïnrauch. ”
L’épouse du Christ qui, durant sa vie,
avait fui les honneurs du monde et recher-
ché le mépris et l’humiliation avait trouvé
la gloire éternelle réservée aux élus et la
vénération la plus grande de la part des
hommes.—
XIV
Choix de miracles— La “ poudre de Crescence ”
et l'épouse du médecin de Naïsenbeuren.— Le Prince
Louis-Eugène à Wasserloss— Témoignage des doc-
teurs Flacho et de Wogan.— La famille protestante et
la prière de la servante catholique— Le cheval du
Prince Hohenzollern.—
Lorsque l’Ordinaire du diocèse d’ Augs-
bourg émana l’ordre de lui faire tenir les
rapports des faveurs et des guérisons considé-
rées comme miraculeuses, ils furent envoyés
"
scence ?”
» Prince
les doc-
tante et
eval du
Augs-
nir les
onsidé-
nvoyés
DE KAUFBEUREN 193
par milliers. Mais comme ils étaient pour
la plupart rédigés dans une forme défec-
treuse ou que les faits relatés ne pouvaient
servir au procès de béutification, l’évèque
d'Augsbourg obtint de la Sacrée Congréga-
tion des Rites de les brûler. Tout un volume
suffirait à peine si l’on voulait publier tous
les faits importants. Contentons-nous donc
dl’en rappeler ici quelques-uns, tirés surtout
des actes de la béatification :
La fille d’un médecin d’Ottobeuren,
Marie-Françoise Prix, souffrait depuis treize
ans d’une fistule suppurative d’un caractère
très grave et qui répandait une odeur si in-
fecte que personne ne pouvait l’arprocher.
La plaie se changea bientôt en cancer. Les
médecins même, au nombre desquels se trou-
vait son frère, jugèrent l'opération nécessaire.
Le chirurgien lui déclara qu’elle allait cer-
tainement perdre l’œil.
La jeune fille fit vœu d'envoyer un œil
d'argent au tombeau de Crescence si elle
recouvrait la santé. Sans le secours d’aucun
remède, la plaie se cicatrisa, au grand éton-
nement des hommes de l’art.
kr
194 LA VÉNÉRABLE MARIE CRESCENCE
Une femme du nom de Kollman, avait
réussi à cacher à tout le monde un cancer
dont elle souffrait depuis dix ans. La dou-
leur devint intolérable et elle dut consulter
le célèbre docteur Appin de Kauf beuren.
Il lui représenta que la maladie était très-
avancée et que la seule ressource était une
opération chirurgicale. Effrayte, la femme
se rend aussitôt au tombeau de Crescence, et
implore son intercession. La poignante
douleur cesse. Le jour suivant le médecin
ne put retrouver aucune trace de la terrible
maladie. Il témoigna lui-même, sous ser-
ment, de cetfe cure merveilleuse.
A la suite d’une chute, une jeune en-
fant s’était brisé l’épine dorsale ; ce qui pro-
duisit une déviation de deux mains de lar-
geur. L'enfant criait nuit et jour et ne
pouvait ni s’asseoir ni se coucher. Les pa-
rents la confièrent à la protection de Cres-
cence, mirent son image sur la partie malade
et lui firent prendre de l’eau qui avait été ré-
pandue sur un rosaire de Crescence. Aussitôt
la douleur cessa, la déviation disparut et
l'enfant reprit son état normal.
lecin
1lade
é ré-
sitôt
ut et
LÉ KAUFBEUREN 195
Un médecin de renom avait réussi, à
deux reprises, à sauver de la mort une fem-
me de Nassenbeuren, âgée de 67 ans, qui
était atteinte d’une rupture dar eureuse,
Pour la troisième fois, la maladie revint
avec un caractère de gravité telle que le
docteur ordonna de lui administrer les der-
niers sacrements. Peridant cinq jours toutes
les tentatives échouèrent ; une fièvre terrible,
des vomissements répétés, l’inffammation
desintestins indiquèrent une mort prochaine.
Ayant perdu tout espoir, le médecin la quitta.
La malade envoya son fils, peu après, quérir
le Dr. Hanser, pour soulager ses douleurs.
Celui-ci n’y alla point, prétendant que c’était
inutile. Mais sa femme dit alors au jeune
homme : ‘“ Votre mère a-t-elle confiance
dans la chère Crescence, qui a secouru tant
de personnes quil’ont invoquée ? Voici quel-
que chose qui vient d’elle,” en lui remettant
un peu de poudre provenant de l’arbre dont
nous avons déjà parlé. Les vomissements
s’arrêtèrent, dès que la mourante eut avalé
cette poudre ; la fièvre s’apaisa, les intestins
reprirent d'eux-mêmes leur place, elle repo-
196 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENUE
sa tranquillement toute la nuit. Le jour
suivant, la vieille femme était en parfaite
santé. Quatorze témoins, y compris le chi-
rurgien, attestèrent le fait sous serment.
Urïsule Schmid s'était tellement gelé
les deux pieds, qu’or crut l’amputation nc-
cessaire. Dans sa naïve confiance en la
servante de Dieu, elle s’attacha un de ses
rosaires autour du pied droit, puis autour du
pied gauche, et fut instantanément guérie.
Une jeune fille de dix-neuf ans, du dio-
cèse de Mayence, avait reçu les derniers
sacrements, et semblait déjà à l’agonie, quand
la mère pensa dans sa détresse à envoyer
chez lesbon et atffable prince Louis-Eugène,
de passage à Wasserlôss au retour d’un
voyage à Kauf beuren, d’où il avait apporté
quelques reliques de la Vénérable Crescence.
Le prince se sentit porté à en fuire usage dans
cette circonstance et se rendit lui-même
auprès de la malade, qu’il trouva dans un
état pire qu’on ne lui avait. représenté. Il
comprit que Dicu seul pouvait la réchapper,
et l’exhorta à mettre sa confiance dans la
toute puissance de Dieu et dans l’intercession
E
e jour
arfaite
le chi-
nt.
t gelé
on né-
en Ja
de ses
our du
guérie,
du dio-
eruiers
quand
nvoyer
ugène,
r d’un
pporté
scence.
re dans
-même
ns un
té, Il
apper,
ans Ja
CESSION
DE KAUFBEUREN 197
de Crescence, Au moment où elle allait
expirer, il lui douna un peu de l'eau qu’il
avait rapportée de Kaufbeuren. Aussitôt
les douleurs cessérent. A mesure que le
prince touchait les membres de. la malade
avec le petit morceau de Fhabit de Crescen-
ce, lenflure diminuait sensiblement ; la figu-
re décomposée reprit son aspect accoutumé :
Le prince et huit témoins, parmi lesquels
unc dame protestante furent entendus sous
serment et prouvèrent l'authenticité de ce
miracle.
Une religieuse, la Rev. sœur Sophie, de
Meckingen, dans le diocèse de Constance,
était traînante depuis quatre ans, d’une espè-
ce d’hydropisie appelée tympanite. Les
plus habiles médecins lui avaient, il est vrai,
procuré quelque soulagement, inais en dé-
cembre 1770, le mal reparut avec une nou-
velle gravité. Les remèdes étant tout à fait
inutiles, le Dr Klacho l’abandonna. Au len-
demain d’une crise plus forte, la sœur de-
manda à son confesseur la permission de
mettre de côté les remèdes humains et de
prendre plutôt, de la poudre de C'rescence, en
198 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
se recomimandant à sa puissante intercession.
Le Père Mayer la lui accorda. Ilétait alors
dix heures. Peu de temps après avoir aval
cette poudre, elle éprouva le désir de man-
ger,—ce qui ne lui était arrivé depnis quel-
ques années.— [Ensuite elle essaya avec l’aide
de deux assistantes à se lever de sa chaise,
Tout-i soup elle se sentit une telle vigueur
qu’elle jeta sa canne de côté, et lorsque les
sœurs vinrent la visiter après diner, elles
furent stupéfaites de la voir venir seule à
leur rencontre. Le religieux appelé en toute
hâte s’empressa d’accourir, croyant le der-
nier moment arrivé. Ilreste cloué immo-
bile et sans voix, en voyant marcher vers lui
celle qui deux heures auparavant, il avait
laissée sans mouvement dans sa chaise,
Revêtant ses habits, la sœur gnérie descen-
dit, en tête de la communauté, à l’église ren-
dre actions de grâces, chanta le Te Deum
avec entrain, et d’une voix qui dominait
celle des autres sœurs. Elle devint plus tard
la supérieure du couvent. Les docteurs
Flacho et Conrad de Wogan, rendirent
témoignage que cette guérison subite sur-
ssion.
alors
avalé
man-
quel-
l’aide
aise,
œueur
e les
elles
eule à
toute
der-
mmo-
ers lui
avait
haise,
escen-
> reh-
Deum
ainait
3 tard
‘teurs
livrent
sur-
DE KAUFBEUREN 199
passait tontes les forces de la nature.
Le fait suivant, bien que non consigné.
dans les actes de béatification, a fait l’objet
d’une enquête minutieuse ordonnée par
l'évêque d’Eichstadt, et le rapport de la com-
mission es’ *onservé dans les archives épis-
copales :
Magdeleine Oberhof, née en 1711, était
professe au couvent d’Eichstat, depuis 1730,
et pendant tout ce temps elle avait été lan-
guissante et depuis vingt ans avait le côté
droit paralysé. En 1763, elle fut conduite
par la maladie au portes du tombeau, et
reçut à deux reprises les derniers sacrements.
Quatre fois elle eut recours à la poudre dite
de Crescence et éprouva un soulagement
instantané, Le 22 décembre, elle eut une
grande faiblesse. Appréhendant une mort
prochaine on récita les prières des agoni-
sants. Elle perdit de nouveau connaissance
et 1] lui sembla que l’image de Crescence
qu’elle avait devant elle, s’animait et lui
disait qu’elle ne mourrait pas maintenant,
que ce n’était pas la volonté de Dieu et
qu’elle (Crescence), ne le permettrait pas ;
200 LA VENÉRABLE MARIE-CRESCENCE
elle devrait vivre encore longtemps. La
malade se sentit portée À répéter ces paroles
devant les assistants, et s'adressant au Père
qui l’assistait : ‘“ Laïssez-1à vos supplications,
je ne suis pas pour mourir, je ne peux pas
mourir,” puis leur raconta sa vision. Elle se
leva ensuite, prit un peu de nourriture, passa
une nuit calme et le lendemain, elle qui depuis
neuf semaines était incapable dese tenir seule,
s’habilla sans aide aucune, assista À la messe
et chanta le Te Deum. La guérison fut
complète. Le Dr Hafner, qui avait soigné
la religieuse pendant vingt-un ans, fut au
nombre de ceux qui témoignèrent de cette
eure merveilleuse,
Une famille protestante de Kauf beuren
avait une fille, Euphosine, qui devint com-
plètement aveugle à l’âge de quatre ans.
La médecine n°v pouvait rien. Or, la ser-
vante Marie Acklsperger était catholique.
Elle fit une neuvaine À son intention à Cres:
cence et vint tous les jours prier sur son tom-
beau. Dans l’une de ses visites elle amena l'en-
fantet mouilla ses yeux avec quelques gout-
tes de l’eau miraculeuse. A huit heures du
La
aroles
Pèe re
tions,
pas
lle se
passa
epuis
seule,
messe
1 fut
oigné
tt au
cette
euren
CcOM-
ans.
, ser-
lique.
Cres-
| tom-
l'en-
gout-
es du
DE KAUFBEUREN 201
matin le dixicme jour, l’enfant ouvrit les
yeux ; tout mal avait disparu. La ville
entitre fut témoin de ce fait.
Une femme de peine, Véroniqne Stark,
s'était enfoncé une aiguille si profondément
dans la paume de la main que le médecin
ne put l’extraire. L’emplâtre qu’il lui mit
ue fit qu'aggraver sa souffrance. Obligée de
gagner sa vie à la journée, à laver, elle laissa
là les remèdes et invoqua Crescence, lui
promettant d'envoyer à son tombeau une
aiguille en argent si elle la délivrait. La
douleur cessa aussitôt, et elle put vaquer à
ces travaux ordinaires, bien qu’on put voir
l'aiguille encore dans la main. Un jour, en
essuyant ses mains elle remarqua que la
toile était retenue par quelque chose, C’était
la tête de l'aiguille qui avait traversé la
paume ; elle l’en tira facilement,
Anna Heiber avait avalé une aiguille
qui s'était arrêtée en travers dans la gorge. On
ne put l’extraire. A peine venait-elle de
faire un vœu à Crescence, que l’aiguille s’ar-
racha d’elle-mème violemment de sa bou-
che, en présence de plusieurs personnes.
202 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
Nous avons vu nous-mêmes, lors de
notre visite au couvent de Kaufbeuren, en
juillet dernier, (1894), cette aiguille au milieu
d’une foule d’autres ex-votos de gratitude.
I yaun très grand nombre d'objets de
cette nature, qui forment nne riche mosaïque
de foi et de reconnaissance, et on ne peut les
contempler sans être saisi d’un sentiment
d'émotion, de surprise et d’admiration.
Le baron Rossi, l’officier-commandant
de Constance tomba tellement malade d’une
fièvre qu’il ne pouvait plus se remuer. Voyant.
tout espoir humain perdu, il eut recours à la
servante de Dieu. Un prêtre de l’ordre de
St-Dominique alla, à sa demande, dire la
messe au tombeau de Crescence, pendant
qu’il communiait à une messe qui se disait
dans sa chambre, à la même heure. Ses for-
ces revinrent immédiatement et augmentè-
s :: rapidement qu’il put, à quelques jours
à r. nair quelques amis à sa table et
faire ic pélérinage au tombeau de sa libéra-
trice.
* Un prêtre de mes amis, raconte le
Père Ott, se plaignit un jour à moi que de-
LE KAUFBEUREN 203
rs de pais un an il ne pouvait se reposer. Dès
a Fe ui s'apprêtait à dormir, un fantôme effray-
HO ant sous la forme d’un chien repoussant, se
FIGE. précipitait sur lui et l’empêchait de dormir,
is de ai grand détriment de sa santé. Je lui l
Ex. di renis un rosaire de Crescence en l’exhortaut |
is A à avoir confiauce en elle. Chaque soir
EEE désormais, il mettait le chapelet dans son |
Et bras et faisait une courte prière. Jamais |
Ant plus Pabbé Galler ne fut importuné pur
ke us cette visite désagréable.”
(uans Un rosaire, que Crescence avait elle-
rs à la même donné, demeura pendant plus de deux |
Me D heures au milieu des flammes lors d’un
Lie incendie à Kôugetried. Il fut retiré par |
Hoant hasard du feu avec une fourche de fer et, à Il
disait la surprise de tous les spectateurs, il était |
à is parfaitement intact.
pre On employa souvent ces rosaires dans
“da les cas de maladie difficile, et ils prouvèrent
- FA di leur efficacité même dans les circonstances |
1e les plus désespérées. |
On rapporte qu'à Lucerne, dans le cours |
te le de dix-huit années, toutes les mères de
e de- famille qui se recommandèrent à l’interces-
204 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENUE
sion de Crescence, lui furent redevables de
la vie et de la santé pour elles-mêmes et
pour leurs enfants. Une seule fit exception
et celle-là avait tourné en ridicule et méprisé
cette confiance en la servante de Dieu.
Que la Vénérable Crescence assiste, mê-
me dans les choses temporelles, ceux qui la
vénèrent est évident, comme le raconte le
Père Ott :
Le prince Hohenzollern Hechmingen
avait un superbe coursier de grand prix qui
tomba malade durant le siège de Schweïd-
nitz. Le vétérinaire n’y pouvait rien. Le
cheval était étendu à terre, les fers déjà en-
levés ; il allait mourir, quand le prince dé-
couragé eut recours à Crescence et promit
d'envoyer à son tombeau un cheval d’argent
‘si elle lui rendait son fidèle compagnon de
batailles. Au mème instant le cheval se
leva, courut à l'écurie et se mit à manger.
Notons avant de terminer ce chapitre
quelques uns des miracles accomplis en ce
siècle :
Gaspard Verschig, âgé de treize ans
avait perdu la raison à la suite d’un accès de
DE KAUFBEUREN
frayeur. Il y avait déjà sept ans qu’il était
ainsi, lorsque sa mère implora Crescence et
la raison revint tout de suite à l'enfant.
Antoine Heymer souffrait depuis un an
de la cataracte et était complètement aveu-
gle. Une opération avait déjà échoué. Il
promit un pélérinage au tombeau de Cres-
cence et la même nuit il recouvrait la vue.
John Loder, tomba, un vendredi
saint sous une lourde voiture. Plusieurs
côtes étaient cassées, les chairs déchirées.
Les médecins déclarèrent l'accident fatal.
Neuf heures après, la mort semblait immi-
nente. Après s'être recommandé à la ser-
vante de Dieu il lui sembla que tout repre-
nait, dans son corps, sa position normale.
Cinq jours plus tard, il reprenait l'ouvrage
comme auparavant.
En 1816, Jacques Schônl apporta au
tombeau de Crescence, une longue esquille
d’un de ses os renfermée dans une châsse
magnifique. Après avoir souffert pendant
cinq ans et demi d’une blessure au pied
qui l’empêchait de marcher, il fit vœu de
faire un pélérinage et, sur le champ, l’os sor-
206 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENUE
tit de lui-même ; la guérison fut instanta-
née.
Marie-Crescence Bucheuscheid avait la
langue tellement enflée qu’elle lui sortait de
la bouche et pendant virigt-sept jours la
pauvre fille ne put parler. Elle fit une
promesse à Crescence ; la langue revint à
son état naturel.
Une personne du Tyrol, Anna Kuln
avait à peine pris de l’eau miraculeuse rap-
portée du couvent de Crescence et que lui
présentait la sœur, qu’une lèpre infecte dis-
paraissait.
Catherine Strohmilier était aveugle de-
puis sept ans; les deux yeux étaient atteints
de la cataracte noire qui, on le saît, est une
maladie incurable. Elle dût sa guérison
complète à Crescence.
Un soldat avait été blessé, par la mi-
traille sur un champ de bataille. Il resta
gisant dans son sang, sans bandage, depuis
neuf heures du soir à sept heures du matin.
La balle fut extraite il est vrai, mais le bras
resta impotent. Il fut donc ‘échargé com-
me invalide : il ne pouvait aucunement tra-
anta-
ait la
it de
s la
une
int à
uln
rap-
à Jui
dis-
e cle-
eints
une
rison
mi-
resta
puis
atin.
bras
com-
tra-
DE KAUFBEUREN
vailler. Ayant eu recours à Crescence., au
bout de trois jours, Richard Koller,—c’était
son nom--pouvait faire tont espèce d’ou-
vrage. |
Un charpentier de Markback, était
dans la dernière période de la consomption
et avait été condamné par les médecins. II
reçut même les derniers sacrements. Sur
les instances de sa femme il s’adressa à Cres-
cence. Cette maladie, qui ne pardonne point
pourtant, disparut, ne laissant aucune trace
quelconque.
Des guérisons merveilleuses, semblables
À celles que nous venons de relauter, se sont
produites sans interruption, et dans ces der-
nières années, un regain d'éclat les a mises
en évidence. Suivant le témoignage des
religieuses à nous-mêmes, il ne se passe
guère de semaine sans qu'on signale quel-
que fait merveilleux. Mais, comme l’auto-
rité religieuse ne s’est pas encore prononcée
sur leur authenticité, nous croyons devoir
nous abstenir de les rendre publiques.
Jusqu'à ce que l’Eglise ait statué en
dernier ressort, nous ne pouvons entretenir à
208 LA VÊENÉRABLE MARIE-CRESCENCH
leur égard qu’une certitude morale qui
peut être sujette à l’erreur. Aussi, tenons-
nous à déclarer que c’est là l’unnique portée
de l'interprétation que nous avons donnée
aux faits relatés dans cet ouvrage.
hr
qui |}
nons- |
ortée
,
nnee
Enquête épiscopale— Le procès apostolique—-
Commission papale— Jugement de la Congrégation Ges
Rites— Marie-Crescence déclarée Vénérable— La |
révolution et le procès de béatification— La preuve
requise pour établir un miracle.— Coup d'œil rétros- |
pectif.—
Nous avons déjà mentionné que Benoit
XIV, dans un bref en date du ler octobre
1745, ordonna À l’évêque d’Augsbourg de
ne pas poursuivre l'enquête sur la vie de
Crescence, mais plutôt de l’ajourner à un
temps déterminé, et cela à cause de la gran-
210 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
de vénération dont elle était entourée. Ce
décret eut pour effet de faire croire que la
béatification de la vierge consacrée à Dieu
n’avait aucune chance de succès. Mais
cette opinion n’était pas fondée. L’évêque
d’Augsbourg résista en conséquence à la
pression qui s’exerçait de tous côtés pour
hâter la cause de canonisation. Les avis
différents de personnes très-distinguées et
favorables à Crescence, comme celui du Père
Azevedo, de la Congrégation des Rites, ne
purent changer sa détermination.
Enfin, l’évêque Winceslas se rendant au
désir unanime des fidèles, nomma en juillet
1775, une commission chargée d’entendre
des témoins et faire l’enquête dite épiscopale.
La commission finit cette enquête le 12 juillet
1777, après avoir tenu deux cent vingt-neuf
séances et avoirentendu trente cinq témoins. -
Le rapport fut envoyé à Rome avec une
pétition de l’évêque, à l’effet de le prendre
en considération et d’instituer le “ procès
apostolique. Le Postulant”’, (Postulator causæ)
le Père Obwexer, le représentant attitré
de l’ordre des Franciscains à Rome, réussit à
pour
BAT
es et
Père
8, ne
nt au
juillet
endre
opale.
uillet
-neuf
joins.
une
ndre
OCÈès
USE)
titré
sit à
UE KAUFBEUREN 211
obtenir du Pape, en 1785, la nomination
d’une commission pour commencer le * pro-
cès apostolique ”” ce qui veut dire de consi-
dérer à nouveau l'affaire et d’entendre les
témoins.
La commission papale siégea d’abord à
Kauf beuren, le 80 jnillet 1755 et se termina
à Ottobeuren le 20 juillet 1790, et tint deux
cent cinquante neuf séances. Les procès-
verbaux contiennent les témoignages de
trente sept témoins. Le 21 Aout 17538, les
deux enquêtes furent déclarées valides par
la Congrégation des Rites et le deux août
1801, le Pape Pie VIT fit connaître la déci-
sion de la Sacré Congrégation des Rites dans
le jugement suivant qu’il rédigea lui-même :
“IL est avéré et certain que la Vénérable ser-
de Dieu, la sœur Marie-Crescence Hôss a
possédé et a pratiqué à un dégré vraiment
héroïque les vertus théologales, et les vertus
morales qui s’y rattachent.”
La cause de la béatification fut, par
suite des révolutions qui émurent l’Europe
et par un concours de circonstances impré-
vues, interrompue pendant soixante-dix ans.
212 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENUE
Elle vient de s’agiter de nouveau et il reste à
prouver que deux miracles se sont accomplis
après la mort de la Vénérable Crescence, par
son intercession. On ne peut se faire une
idée, à moins d’y avoir assisté, avec quelle
rigueur et quelle prudence scrupuleuse le
Saint-Siège conduit les enquêtes. Deux
faits sont exigés pour faire la base de la
preuve : l’état de maladie de la personne
avant la cure, et la guérison qui a suivi ; et
ceci doit être prouvé par trois témoins. Le
fait que l’on a invoqué seulement ce saint
et pas d’autres, et que l’on n’a pas eu recours
à d’autres moyens, doitè tre établi par quel.
ques personnes sous serment. Pour prouver
ces trois points, il faut résoudre tant de
questions que le miracle le plus clair peut à
peine supporter le feu des transquestions, si
la chaîne de lu preuve n’a pas été préparée
avec un soin extrême.
Le ler octobre 1788, le tombeau de
Crescence fut ouvert et examiné en présence
de membres de la commission papale, du
Père Provincial, de quelques religieuses et
de médecins. Mais on ne connait point dans
uver
t de
ut À
5, si
arée
de
du
et
DE KAUFBEUREN 213
quel état ils trouvèrent le corps de la servante
de Dieu, car tous avaient, suivant la règle
de l Eglise, fait serment de ne jamais dévoi-
ler aucune chose de ce qu’ils y auraient cons-
taté.
Admirons une dernière fois, avant de
nous mêler de nouveau aux bruits du monde
et à ses chimères trompeuses, avec quelle
énergie Crescence marcha dans les sentiers
les plus sublimes de la vertu et du renonce-
ment, surmontant tous les obstacles, avan-
çant sâÂns cesse dans la voie de la perfection,
faisant taire ses sentiments naturels, même
les plus légitimes, pour atteindre ce but.
Avec quel soin jaloux préserva-t-elle son
cœur du contact du monde et loffrit à Dieu
dans sa pureté virginale ! Avec quelle abné-
gation elle quitta sa famille pour chercher
dans le couvent les croix et les épreuves de
toutes sortes! Avec quel calme, quel héroïs-
me elle endura les répugnances de la nature
les contradictions des hommes, les persée
tions des supérieurs, de l’enfer même !
Fidèle jusqu’à la mort à Celui qu’elle
s'était choisi pour fiancé, Crescence suivit,
214 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENUE
sans reculer jamais, le chemin douloureux
du calvaire.
Elle a recueilli dans !: ciel, nous en
avons la ferme espérance, l’xbondante mois-
son des vertus qu’elle avait fait germer ici-
“bas dans la foi, l’obéissance et l’amour !
En prenant congé de cette belle figure,
de cette vierge angélique qui nous est désor-
mais chère ainsi qu’à nos lecteurs, espérons-
le, nous formulons le vœu que tous ceux
, q
qui liront ces pages, écrites avec le cœur
À F 2e 578
plutôt qu'avec la main, soient épris d’une
confiante piété pour la puissante Marie-Cres-
cence, et se plaisent à répandre sa tendre
dévotion et à promouvoir ainsi l’heureux
résultat de la béatification de cette épouse
du Christ, chaste comme le lys, humble
comme la timide violette et dont l’amour
dépassait en beauté et en parfum le brillant
éclat de la rose.
reux
s en
nois-
icl-
rure,
ésOTr-
"ONS-
ceux
cœur
l’une
Cres-
ndre
reux
Jouse
mble
nour
illant
APPENDICES |
DECRET POUR LE DIocÈsE D’AUGSBOURG.
Se rapportant à la béatification et à la canoni-
sation de la Vénérable servante de Dieu.
Sœur Marie-Crescence Hôss,
Sœur Professe du Tiers-Ordre de St-François
au couvent de Kaufbeuren.—
SUR LA QUESTION :
De savoir si, dans la cause devant
Nous, pour ‘l’objet en vue, le dégré
héroïque des vertus théologales, la foi, l’es-
pérance et l’amour de Dieu et du prochain,
avec les vertus morales de prudence, de |
justice, de force et de tempérance et les au -
tres s’y rapportant, est bien établi :
216 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENUE
La pureté de la foi catholique, qui brilla
avec tant d'éclat durant toute la vie de
Marie-Crescence, ainsi que toutes les autres
vertus chrétiennes, depuis ron Âge le plus
tendre jusqu’à sou dernier soupir, ont excité
l'admiration non-seulement de ses conci-
toyens catholiques mais aussi des protestants,
à un dégré tel que plusieurs d’entre eux en
firent les plus grands éloges et mirent tout
en œuvre pour obtenir, en dépit de son état
de pauvreté, son admission dans le couvent
du Tiers-Ordre de St-François, comme la
meilleure sauve-garde de son innocence,
Attendu, grâce à la grande réputation
de sainteté dont elle jouissait déjà de son
vivant et qui, depuis sa mort, n’a fait que
grandir constamment et s’est répandue au
loin, que deux commissions farent nommées
pour faire l’examen de toute sa vie, l'une
instituée après un laps de temps considéra-
ble par l’évêque d’Augsbourg, pour vérifier
la constance de sa renommée, l’autre plus
minutieuse instituée en obéissance à un bref
du Saint-Siège lui-même;
Nous prenons plaisir à déclarer que
=, 40 + À Pr
Drilla
de
itres
plus
x Cité
onci-
ints.
x en
tout
état
vent
e la
ation
son
que
e au
m1 6es
l'une
léra-
ritier
plus
bref
que
LA VÊNÉRABLE MARIE-CRESCENCÉ 217
parmi les membres de cette commission se
trouvaient-événement rare et digne de men-
tion,—quatre abbés de l’ordre de St-Benoit,
qui exprimèrent le doux espoir que l'œuvre
déjà commencé recevrait son couronnement
du Saint Pontife Souverain de l'Eglise qui
faisait ivi-même partie de cet ordre ancien
et vénérabie,
Il advint ainsi: Que les rapports de
l'enquête concernant ses brillantes vertus
furent remis entre les mains de la Sacré-
Congrégation des Rites, lors de la première
séance tenue par cette Congrégation le 9 mai
1797, au palais de feu le Cardinal Archinto,
alors le notaire du procès. Leurs sessions
se continuèrent, le 3 mai de la présente
année, dans le palais apostolique du Quirinal
et furent enfin terminées le 28 juillet dans
ce même.palais. A une assemblée générale
à laquelle présidait Sa Sainteté le Pape Pie
VII, le jugement unanime de tous les Véné-
rables Cardinaux et de tous les juges réunis,
fut que la Vénérable Crescence avait pra-
tiqué, à un dégré héroïque, ces vertus chré-
tiennes.
218 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESUENCE
Mais, Sa Sainteté, qui s’abstint alors de
donner sa décision, dans une affaire si im-
portante afin de chercher conseil dans la
prière et de connaître la- volonté de Dieu,
fixa un jour vénéré entre tous par la famille
de St-François, celui où est commémorée la
dédicace de leur première église, pour honuo-
rer cette vierge prudente, cette fille du glo-
rieux patriarche St-Françuis, sous le titre
plein d'honneur d’héroïne de la vertu chré-
tienne.
Puis, après avoir célébré les divins mys-
tres avec une grande dévotion dans sa
chapelle domestique, il fit mander auprès
de lui le révérend Cardinal-vicaire de
Somalia, préfet de la Congrégation des Rites,
qui avait agi comme notaire lors du procès,
ainsi que le promoteur de la foi, Promotor
fidei, le Père Jérôme Napulioni, et le secré-
taire soussigné ct il prononça alors le juge-
ment qui suit :
“ il est certain que la Vénérable Ser-
“aute de Dieu, sœur Marie-Crescence Hôüss
posséda et pratiqua dans un degré vraiment
héroïque les vertus théologales et morales,
rs de
im-
s la
Dieu,
nille
ée la
OtO-
glo-
titre
chré-
mys-
8 sa
près
, de
rites,
OCÈS,
notor
ecré-
uge-
Ser-
Hôss
nent
ales,
UE KAUFBEUREN 219
et celles qui s’y rattachent.”
En même temps, il ordonna la publica-
tion de cette décision et son insertion
dans les actes de la Congrégation des Rites,
le second jour d’août 1801.
J. M. CARDINAL DE SOMALIA,
Préfet de lu Congrégation des Rites.
J. DE CARPINGEN,
Secrétaire de la Congrégation de Rites.
PRIÈRE À LA
VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE.
O Dieu ! Pbre céleste, qui tous les jours
par de nouveaux saints réjouissez votre Egli-
se et augmentez votre gloire, daignez me
faire ressentir dans mon besoin actuel la
puissante intercession de votre fidèle servan-
_ te Marie-Crescence, que vous glorifiez de nos
‘jours par tant de miracles.
222 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE
O Jésus-Christ ! fils du Dieu éternel, je
vous remereie et je vous rends hommage et
louange pour tant de grâces et de bienfaits
dont vous avez comblé votre très aimante
fiancée Marie-Crescence durant sa pieuse
vie et après sa sainte mort. Puissé-je aussi
jouir de sa puissante intercession, et par ses
mérites obtenir les grâces que je sollicite, être
délivré de mes maux et de ma présente
afliction.
-O Saint-Esprit ! Divin consolateur des
affigés, vous qui apparaïssiez souvent dès sa
jeunesse à votre amie de prédilection, qui
l'instruisiez et la gratifiez de tant de dons
extraordinaires, daignez, grâce à son inter-
cession, me guider et fortifier ma foi. Don-
nez à mon esprit la connaissance de votre
lumière et enflammez ma volonté du feu de
votre amour.
O Vénérahble Crescence ! je vous im-
plore en toute confiance et je me recominan-
de à votre protection ; je crois fermement
que vous êtes une avocate très puissante de-
vant Dieu et que vous pouvez, par votre
douce médiation, me venir en aide dans tous
DE KAUFBEUREN 293
nes besoins et mes peines et principalement
dans mn misère et mes inquiétudes actuel-
les. Ah! je vous en conjure ‘humblement.
O bienheureuse Crescence, priez pour moi
maintenant et à l'heure de la mort. Ainsi
soit-il.
Récite ensuite trois Pater et trois
Ave pour o îrles dons et les grâces du
Saint-Esprit.
Traduit de l'Allemand par un malade confiant.
WærisHorex, Juillet 1894.
IMPRIMATUR
Dat. Monachiüi die 18. Julii 1894.
Dr. Kronast, V. G.
IMPRIMATUR
Québec, le 20 Mai 1895.
+ L. N. Arch. de Cyrène,
Administrateur.
IT.
ITT.
IV.
TABLE DES MATIÈRES
—— 0 —
Enfance de Marie-Crescence,— Première Vision.—
Voeu de chasteté.— L'’habit de St.-François— Le cou-
vent de Mayrhoff— Refus de la Supérieure— Persévé-
rantes supplications— Le Christ du Cloître— Inter-
vention du Maire Worle.— Admission au noviciat —
Marie-Crescence revêt la livrée de St.-François.—
La croix de la souffrance. — La Révérende Mère Schmid.-
Influences occultes. — Persécutions et tentations— Pro-
fession.— Phénomène extraordinaire. —
La fosse aux lions— Flagellation et torture. —
Combat avec un être invisible.— Une sorcière— Nou-
velle arrivée— Enquêtes et jugements.— Vision et pro-
messe de la Ste Vierge.— Pélérinage à Lechsfeld.— Un
compagnon de route Délivrance— L'épreuve du Pè-
re Provincial.-—
Muitiplication des pains.— Fête de la Portioncu-
le.— La propagation de la foi.— Pacte d’amour..— Le
St.-Sacrement.— La manne Céleste.— Faveur extraor-
dinaire— Epreuves et consolations.—-
Pages.
16
26
43
En
VI.
VII.
VIII.
IX.
XI.
TABLE DES MATIÈRES
L'institution du chemin de la croix.— Le crucifix
enlevé.— Les verges de la flagellation.— Le tableau de
Rüfin : le Saint-Esprit.— Crescence et l'Enfant de Beth-
léem— Salutation angélique— St.-Joachim honoré
dans l'Eglise. —
Don de prière et de contemplation — L’anecdote
du poirier— Visions inteilectuelles— Etrennes à
Jésus,— Amour et compassion du prochain— Un
mendiant au couvent de Mayrhoff— Le plateau d'ar-
gent.—
Dévotion pour les âmes du purgatoire.—L'intima-
tion de la supérieure.— Secours et délivrance.— Le con-
seiller Scholl.— Témoignage du curé de Kemnat.— L’œu-
vre des Auxiliatrices du Purgatoire— Foudation.— Pro-
grès croissants. —
L'amour de la souffrance— Mortifications et
pénitences.— La croix de bois— Crescence modèle
d'humilité et d’abnégation — L’obéissance, le béton
du pélerin— Le sas rempli d'eau.— L'autorité. --
Un ange dans la chair— Candeur du jeune âge. —
La force de l'exemple— Détachement des biens ter-
restres.— Prévoyance.— L'offre de la Duchesse
de Savoie— Le legs de iCrescence.— Révélation
Document écrit. —
Maitresse des Novices et Supérieure— Fautes
dévoilées.— Nécessité de la méditation— Adminis-
tration de la fille du tisserand.— Seconde fondatrice.—
Les six ailes des Séraphins.— Le chapitre des fautes.—
St. Antoine de Padoue —
La renommée de Crescence— Don de prophétie —
Visites distinguées— Prédictions— Intendant et
sénateur.— La suppression de l’ordre des Franciscains.—
Le cas de conscience.--La famille Andréas.—Guérisons.—
Le chape let de la religieuse et les Luthériens. —
137
73
84
95
112
124
XIII
XIV
73
84
95
XIL.
XIII.
XIV.
XV.
TABLE DES MATIÈRES
Pages.
Vision de St-Paul.— Dernière maladie de Cres-
cence,— Recommandations suprêmes— Vivre pour
souffrir encore.— La semaine sainte— Je mourrai à
minuit— L'Archange Raphaël — Séparation-— Cres-
ce s'endort dans le Seigneur— Regrets changés en
jubilation —
Transformation soudaine.—La mort de Crescence
et le sentiment populaire— Affluence— Phénomène
extraordinaire— Parfum odoriférant— Pélérinages et
témoignages de gratitude.— Conversion d’un grand
criminel — Les larmes de Crescence.—
Choix de miracles— La “ poudre de Crescence *
et l'épouse du médecin de Nassenbeuren.— Le Prince
Louis-Eugène à Wasserloss— Témoignage des doc-
teurs Flacho et de Wogan.— La famille protestante et
la prière de la servante catholique.— Le cheval du
Prince Hohenzollern —
Enquête épiscopale.— Le procès apostolique.—
Commission papale— Jugement de la Congrégation des
Rites— Marie-Crescence déclarée Vénérable— La
161
192
révolution et le procès de béatification— La preuve
requise pour établir un miracle— Coup d'œil rétros-
pectif — 209
AIBBBNDIONE TU ns emo nait eus 0 ner D 0 0 68
Décret se rapportant à la béatification et à la ca- 215
nonisation de la Vénérable Marie-Crescence Hoss.,.... 221
Prière à la Vénérable Marie-Crescence....,....... 225
Pages Lignes Au lieu de
5 — 15ème
7 —11
Il — 13
12 — 23
.17 — 10
32 —7T
34 — 16 “
48 — 20 “
49 — 24
52 — 17
08 9 en
61 —13 “
64 —T
66 — 12 ‘
69 —8 ‘
712 —6 *
74 —18
78 — 22
154— 19 “
187—3
187—9
168— 21
182— 17
4
«6
“ Ayez
« Eglise
“ constaté
‘’ débarasser
‘“ assaults
“ n'’ésita
€ te
“ aux
“ donne
“ En
[14 ne
-& écrit
Ù
& tenir aux
“ enfant
?
& à
& vaine
“ parler
« furens
“ longtems
‘“ recommenda
‘ surnaturelle
:-0-:
Lisez
Ayiez
église
constatée
dèbarrasser
assauts
n’hèsita
et
des
donnait
Où
Ne
récit
d'une
taire les
Enfant
Celui-ci
a
vaincque
parlé
furent
longtemps
recommanda
surnaturel